De nombreux produits prétendant stimuler la floraison et la nouaison fleurissent sur le marché des engrais. Selon les firmes, ils permettent de limiter les accidents de floraison et, par là même, d'obtenir des grappes plus grosses et homogènes. Cependant, très peu d'études par des organismes indépendants ont été réalisées et celles qui sont publiées donnent des résultats mitigés.
Les stimulants de floraison contenant des extraits d'algues marines semblent sortir du lot d'après des distributeurs. Pour expliquer leur efficacité, ceux-ci invoquent le fait qu'ils renferment des « activateurs de croissance ». Ces produits sont majoritairement constitués d'acides aminés, souvent associés à du bore et à du magnésium. Les acides aminés sont supposés activer la physiologie de la vigne. Le bore est un oligoélément très impliqué dans la germination du pollen.
Pourtant, dans le cadre d'une fertilisation équilibrée, la vigne reçoit normalement ces éléments. Pascal Guilbault, responsable des expérimentations à la chambre d'agriculture de Gironde, révèle « ne plus réaliser d'expérience avec ces stimulants depuis une vingtaine d'années, date à laquelle nous avions montré leur absence d'intérêt sur des vignes ne présentant pas de symptômes visuels de carence ».
Pas systématiquement
La coopérative d'approvisionnement CAPL (Coopérative agricole Provence-Languedoc) propose Alcygol Ultra d'Agronutrition à ses adhérents. Il s'agit d'une spécialité, associant algues marines et bore, censé améliorer l'homogénéité et la qualité de la récolte. Thierry Favier, responsable du développement vigne, explique qu'il n'est pas contre ce type de traitements mais il ne les conseille pas systématiquement. Pour lui, leur efficacité reste variable en fonction des millésimes. Il déplore « leur utilisation comme "pompiers", c'est-à-dire pour compenser un mauvais état des parcelles (carence, virose...). Dans ce cas, ils sont peu efficaces. L'année dernière, certains de nos adhérents ont senti le risque de coulure. Ils ont utilisé ce produit mais, pour beaucoup, les résultats n'ont pas été satisfaisants par rapport à leur coût. En effet, le prix du traitement complet atteint celui de trois passages anti-oïdium ».
Thierry Favier déclare toutefois que certains de ses adhérents utilisent Alcygol Ultra depuis des années et en sont très satisfaits : « Appliqué sur une vigne présentant un bon équilibre nutritif et végétatif, ce traitement fonctionne. Il apporte vraiment un plus physiologique à la vigne. »
Outre Alcygol Ultra, la CAPL commercialise, en moindre quantité, un autre stimulant de la floraison qui n'est pas à base d'algues. Tous deux représentent une petite part de marché, mais elle est en légère croissance. C'est pour cette raison que la coopérative va tester, cette année, différents stimulants de la floraison.
Essai concluant
Didier Martinez est propriétaire du domaine Saint-Félix, à Espondeilhan, dans l'Hérault. L'an passé, il a appliqué Agrocéan B, distribué par Agrimer, sur une parcelle de carménère, cépage réputé sensible à la coulure. Afin de vérifier l'efficacité de cette préparation à base d'algues, il a conservé deux rangs de cette même parcelle comme témoin sans traitement. Quelques jours avant la récolte, il a fait analyser par l'ICV de Béziers un échantillon de 200 baies pour chacune des deux modalités. Pour le viticulteur, l'essai a été concluant. En effet, les baies traitées pesaient 450 g contre 400 g pour le témoin, soit une augmentation de 12 %. De plus, le TAV a été augmenté de deux dixièmes et l'acidité totale d'un dixième. Il révèle avoir « utilisé le produit à 1,5 l/ha, alors que la firme conseille 2 l/ha, dans un souci d'économie car il coûte assez cher (15,45 €/l). À cette dose, les trois traitements m'ont coûté 70 €/ha mais, pour un gain de rendement de 12 %, cela reste intéressant ». Didier Martinez compte recommencer cet essai pendant la campagne actuelle.
La société Vitivini Val de Loire, à Noyers-sur-Cher, dans le Loir-et-Cher, a choisi de faire confiance à Vivaflor, de Goëmar. Comme le souligne Michel Prou, responsable technique, « ce produit a fait ses preuves depuis quinze ans. Goëmar est la seule firme ayant demandé à des organismes indépendants de le tester. Nous réalisons nous-même des expérimentations depuis plusieurs années sur une dizaine de parcelles. En comparaison avec un témoin, nous observons, pour les zones traitées, des résultats positifs sur l'homogénéité de la vendange. Nous constatons en moyenne 15 à 20 % de poids supplémentaire ».
Marché accessoire
Pour le groupe, ce marché reste accessoire par rapport à celui des phytosanitaires, mais Michel Prou constate que « de plus en plus de viticulteurs ont envie de sécuriser leurs rendements et leur rentabilité. Nous leur proposons alors d'utiliser ce produit ». Les clients sont plutôt fidèles mais « les années où on observe beaucoup de sorties, certains n'en appliquent pas », souligne le responsable technique. Il est vrai que les trois applications préconisées coûtent environ 90 €/ha.
En l'absence d'étude comparative de grande ampleur sur les stimulants de la floraison, il est difficile de faire un choix. Il semble néanmoins que certaines formulations méritent plus d'attention que d'autres.
Quoi qu'il en soit, pour améliorer le taux de nouaison, il faut favoriser l'afflux de sucres vers la fleur et les grains. Dans les situations coulardes, il est conseillé, avant tout, de réaliser un écimage en fin de floraison afin de diminuer la concurrence entre les rameaux en croissance et les fleurs. Cette pratique peu coûteuse a fait ses preuves.
« Des expérimentations plus poussées s'imposent »
Caroline Le Roux, de la chambre d'agriculture du Rhône, a testé Vivaflor, de Goëmar, entre 2010 et 2012. L'expérimentation a été menée à Châtillon-d'Azergues (Rhône), sur une parcelle de gamay noir conduite en agriculture biologique. Pour obtenir des résultats exploitables, elle a équilibré la charge sur la parcelle par éclaircissage.
En 2010, la partie traitée par Vivaflor a porté 16 % de rendement en plus, par grossissement des baies. Aucune différence significative n'a été notée sur les marqueurs analytiques de qualité, comme la teneur en sucre et la richesse en polyphénols. En 2011, elle ne constate pas d'écart, que ce soit sur le rendement ou sur les analyses chimiques.
En 2012, la parcelle ayant été grêlée, aucun résultat n'a pu être exploité. Caroline Le Roux admet que « des expérimentations plus poussées devraient être mises en place. Mais, pour le moment, les résultats restent hétérogènes. Les bénéfices de ce produit ne peuvent pas être véritablement prouvés chaque année ».
Trois passages pour un résultat
Pour la plupart des produits de stimulation de la floraison, les firmes préconisent trois applications foliaires à 2 ou 3 litres par hectare. Une première au stade grappes séparées, une seconde au début de la pleine floraison et, enfin, la dernière au stade nouaison. Thierry Favier, responsable viticulture à la CAPL, conseille de réaliser deux applications avant la floraison pour bénéficier d'un résultat optimum. Le volume d'eau utilisé doit assurer une bonne couverture foliaire (mélange de 0,3 à 2 %). Généralement, ces produits peuvent être associés à la plupart des phytosanitaires. Ils sont utilisables en agriculture biologique.