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VIGNE

Le coût de l'ombre

INGRID PROUST - La vigne - n°264 - mai 2014 - page 40

C'est en exposant ses feuilles au soleil que la vigne utilise au mieux l'eau dont elle dispose. En conditions sèches, il faut à tout prix éviter les entassements de feuillage et les vignes trop larges.
POUR PRÉSERVER LA PHOTOSYNTHÈSE, il faut exposer le feuillage au soleil de façon maximale.  © C. WATIER

POUR PRÉSERVER LA PHOTOSYNTHÈSE, il faut exposer le feuillage au soleil de façon maximale. © C. WATIER

Les feuilles à l'ombre sont un poids pour la vigne. « Elles participent très peu à la photosynthèse, en moyenne 5 %, alors que leur contribution à la transpiration de la souche atteint 20 % », explique Éric Lebon, de l'Inra de Montpellier-Sup Agro (Hérault). Elles consomment donc beaucoup d'eau pour une faible production de sucres, indispensables à la formation, au rendement et à la vie de la plante. Le chercheur en tire une conclusion qui peut paraître surprenante : « Pour préserver la photosynthèse, il faut exposer le feuillage au soleil de façon maximale, même en cas de fort stress hydrique. »

Pour savoir comment mettre cette règle en pratique, Éric Lebon a mesuré l'impact de différents systèmes de conduite sur la consommation d'eau de la plante et son efficience hydrique. Il a réalisé des simulations grâce au modèle Topvine, paramétré pour une parcelle expérimentale de syrah. Il a évalué la transpiration, la photosynthèse et le rayonnement solaire intercepté par la vigne pour les six modes de conduite suivants :

- rideau simple (vigne établie à 1,80 m de haut, retombant librement de cette hauteur),

- lyre (deux axes de palissage disposés en forme de V),

- cordon libre (cordon non palissé établi à 60 cm du sol)

- espalier haut large (écimage à 2 m de haut, interrang de 3,60 m)

- espalier haut étroit (hauteur 2 m, interrang de 1,80 m)

- espalier bas étroit (hauteur 1,4 m, interrang de 1,80 m).

Résultat : les vignes en espalier haut étroit et celles en lyre présentent une efficience de transpiration meilleure que les autres. Leur feuillage est en effet mieux exposé. Avec ces modes de conduite, la vigne utilise mieux l'eau dont elle dispose pour produire des sucres. En conditions sèches, il faut les privilégier.

Cependant, « en situation de déficit hydrique sévère, la photosynthèse des feuilles est réduite, quels que soient le mode de conduite et la position des feuilles dans le couvert (à l'ombre ou à la lumière, NDLR). Ces situations de stress peuvent être à l'origine de difficultés de maturation ou de reconstitution des réserves », constate Éric Lebon. Dans les cas extrêmes, il faut donc réduire le rendement - par un éclaircissage, par exemple - pour éviter les conséquences néfastes d'une trop forte sécheresse.

Pas de hauts rendements en vignes larges

Le chercheur démontre aussi pourquoi il n'est pas possible d'avoir de hauts rendements avec des vignes larges en conditions sèches. Toujours à l'aide du modèle Topvine, il a comparé deux espaliers hauts de 1,40 m, plantés l'un à 1,80 m entre rangs et l'autre à 3,60 m entre rangs. Pour obtenir le même potentiel de rendement dans la vigne large que dans la vigne étroite, il a doublé la charge en bourgeons par mètre carré en doublant la densité linéaire des rameaux.

Dans cette vigne, la demande en eau est effectivement réduite. Mais c'est au prix de lourdes contreparties. « L'espalier large intercepte 40 % de rayonnement solaire de moins que l'espalier étroit. La photosynthèse diminue dans les mêmes proportions. Le microclimat au sein de la vigne est aussi détérioré en raison d'un entassement plus important de feuillage », souligne Éric Lebon. Il y a donc moins de photosynthèse et une moins bonne utilisation de l'eau. Tout cela contribue doublement à abaisser le rendement.

Éric Lebon a également évalué l'impact d'une réduction de la hauteur du feuillage sur l'économie des besoins en eau de la vigne. Pour cela, il a réalisé des simulations pour une parcelle avec un interrang de 1,80 m et deux hauteurs de feuillage : 1,40 m et 0,70 m. Mais ce levier ne donne qu'un résultat très limité. En effet, en réduisant de moitié la hauteur de feuillage, on ne diminue que de 13 % la quantité du rayonnement solaire filtré par la vigne, qui est le paramètre le plus déterminant de la transpiration.

Cette interception de rayonnement varie aussi selon l'orientation des rangs. « Les rangs orientés est-ouest recoivent, en moyenne, 10 à 15 % de rayonnement de moins qu'en nord-sud. L'orientation des rangs et l'adaptation de la haie foliaire doivent être combinées pour avoir un effet sensible sur le régime hydrique », note Éric Lebon. En clair, mieux vaut planter des vignes intermédiaires en rangs orientés est-ouest. À l'échelle de la parcelle, il est aussi nécessaire de limiter l'évaporation et de favoriser la recharge hydrique du sol en hiver. On y parvient par un travail du sol superficiel en été et un enherbement hivernal.

L'eau joue sur le profil aromatique

«L'absence de contrainte hydrique est favorable à l'expression de notes poivrées dues à la rotundone dans le gamay, le pineau d'Aunis, le durif et la syrah. La présence de ce composé est plutôt associée à des conditions de cultures en climat frais et humide », indique Thierry Dufourcq, de l'IFV. Les thiols, des composés volatils présents dans le colombard et le sauvignon, semblent, eux aussi, être favorisés par une faible contrainte hydrique. Des essais de l'IFV sur le colombard ont montré que la présence de thiols était plus importante dans des parcelles irriguées.

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