Le jeudi 17 avril, le bib était à l'honneur lors d'une matinée technique organisée par InterLoire, à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire). Partant d'un état des lieux du marché des vins en bib et de leur qualité, les intervenants ont abordé plusieurs points pour optimiser leur durée de vie.
Le constat : 23 % de vins à défauts
En juillet 2013, le service technique d'InterLoire a mené une étude sur 74 bibs, principalement d'une contenance de trois litres, prélevés en grande distribution. « Ces vins ont été dégustés comme pour le suivi aval qualité », détaille Étienne Goulet, directeur régional de l'IFV pôle Val de Loire-Centre. Résultat : 23 % d'entre eux ont été notés à défauts. Les vins blancs et rosés moelleux s'en sortent mieux que les rosés secs et les rouges. « Deux bibs de blanc sur dix-huit analysés et un de rosé moelleux sur seize présentent des défauts contre quatre bibs sur dix pour les rosés secs et dix bibs sur trente pour les rouges », indique Étienne Goulet.
Les vins défectueux renferment moins de SO2 libre que ceux exempts de défauts : 14 mg/l contre 23 mg/l, en moyenne. Ces vins étaient conditionnés en moyenne depuis 194 jours alors que ceux sans défauts l'étaient depuis 70 jours seulement. C'est donc « sans surprise que l'oxydation est le principal défaut retrouvé », déclare Étienne Goulet. Elle touche 50 % des vins mal notés.
Il est logique de retrouver plus de rosés secs à défauts que de rosés moelleux ou de blancs, car les rosés secs de cette étude sont restés plus longtemps dans le circuit de distribution que les autres. De plus, le service technique d'InterLoire reste prudent sur ces résultats car le nombre de vins prélevés est faible. Pour les rouges, la rotation en magasin ne semble pas être impliquée dans les défauts retrouvés. Ils seraient vraisembalblement associés à des problèmes de fabrication puisque sept vins ont des défauts liés à l'itinéraire technique et seulement trois ont des problèmes d'oxydation.
Le conseil : Stocker au frais et au sec
Les poches des bibs ne sont pas totalement étanches à l'oxygène. Ce gaz y pénètre plus ou moins selon les conditions de conservation. Julien Ducruet, professeur d'oenologie à l'école d'ingénieurs de Changins, en Suisse, a évalué la perméabilité de trois films en fonction de différentes conditions de températures et d'hygrométrie : un EVOH (copolymère d'éthylène/alcool vinylique), un PETmet (polyester métallisé) et un film mutlicouches (EVOH/nylon).
« L'augmentation de température accélère la pénétration d'oxygène dans le bib », précise-t-il. Et cela quel que soit le type de film. Par exemple, pour l'EVOH, la perméabilité passe de 0,43 mg d'oxygène par litre de vin et par mois (O2/l/mois) à 21,72 mg d'O2/l/mois lorsque la température passe de 6 à 40°C pour une humidité relative (HR) de 70 %.
L'hygrométrie joue également un rôle, sauf pour le PETmet. « Le film EVOH et le multicouche sont sensibles à l'hygrométrie », observe Julien Ducruet. Par exemple, pour le film multicouche, la perméabilité à l'oxygène passe de 3,53 mg d'O2/l/mois à 48,56 mg d'O2/l/mois lorsque l'HR passe de 20 à 90 % pour une température de 40°C.
De toutes ces observations, Julien Ducruet tire un enseignement très pratique : « Dans nos essais, le film EVOH est le plus performant, devant le multicouche et le PETmet lorsqu'ils sont soumis à des températures de 22°C et pour une HR faible. » Il recommande donc l'EVOH qu'il a testé pour les bibs destinés à être vendus dans un pays frais ou tempéré. Mais, « si vous exportez des vins en Asie, où l'hygrométrie atteint facilement 100 % avec des températures élevées, cet EVOH ne sera pas le film le mieux adapté », prévient-il. Il faudra préférer le PETmet, insensible à l'hygrométrie.
Quoi qu'il en soit, pour limiter la pénétration d'oxygène à l'intérieur d'un bib, il faut autant que possible le conserver au frais et au sec.
L'innovation : Un diffuseur de SO2
Entre 2009 et 2012, la Sicarex Beaujolais et Agroscope-Changins ont mené des essais sur « un réservoir, placé dans le robinet, qui diffuse du SO2 dans le vin après le conditionnement », décrit Bertrand Chatelet, de la Sicarex Beaujolais. Ce dispositif a été imaginé pour remédier à la chute rapide du SO2 libre après conditionnement dans un bib, phénomène provoqué par l'oxygène emprisonné lors du tirage et par l'oxygène qui pénètre en permanence à travers la poche.
« L'idée initiale était d'avoir une stabilité du SO2 dans le vin au cours du temps. Il s'agissait de retarder l'arrivée dans la zone rouge, où le niveau de SO2 libre est inférieur à 10 mg/l et où il peut y avoir des problèmes microbiologiques ou d'oxydation », poursuit-il.
Le point le plus délicat du développement de ce réservoir concerne la diffusion régulière du SO2 au cours de la conservation du vin. Force est de constater qu'il n'est pas encore résolu. Même « avec ce réservoir, il est difficile de maintenir un niveau de SO2 constant dans le temps, remarque Bertrand Chatelet. En effet, toute la réserve de SO2 est diffusée pendant les deux premiers mois ».
Bertrand Chatelet a rendu compte d'un essai mené sur un vin blanc de chasselas. Il a testé trois réservoirs pouvant libérer respectivement 26, 52 ou 78 mg de SO2 par litre de vin. Le vin conditionné dans ces bibs renfermait initialement 32 mg/l de SO2 libre. Au bout de huit semaines de conservation, le bib avec le réservoir à 52 mg/l renfermait 45 mg/l de SO2libre, soit plus qu'au moment du tirage. Preuve que le SO2 s'est bien transféré vers le vin, mais un peu trop tôt pour les besoins de la conservation. Ensuite, le SO2 a chuté progressivement pour atteindre 20 mg/l au bout de neuf mois. Un niveau acceptable pour éviter l'oxydation.
Bien qu'ils libèrent un peu trop rapidement leur contenu, les réservoirs remplissent leur office : ils rallongent la durée de conservation des vins pour un sulfitage raisonnable à la mise. Les analyses sensorielles réalisées au bout de sept mois le démontrent. À ce moment, le premier vin témoin conditionné dans un bib sans réservoir et avec 30 mg/l de SO2 libre a « un défaut d'oxydation, des arômes évolués et est amer », détaille Bertrand Chatelet. Au même moment, le second témoin, conditionné également sans réservoir à une dose élevée de 60 mg/l, et les bibs pourvus de réservoirs ne sont pas différenciés à la dégustation. Ils sont encore dans un bon état de fraîcheur.
SÉVERINE LEPAUL, DIRECTRICE TECHNIQUE DE LA MAISON ACKERMAN, À SAUMUR (MAINE-ET-LOIRE), « Pas plus de 800 mg/l de CO2 sinon le bib gonfle »
« La préparation des vins à la mise en bib doit suivre trois objectifs : préserver leurs qualités gustatives et olfactives, assurer une conservation optimum et garantir l'absence de trouble et de dépôts. Pour ce faire, il faut réduire leur exposition à l'oxygène lors du transfert avant la mise. Nous possédons des installations équipées de gaz inerte pour cela. Il faut également gérer le CO2. Il ne faut pas conditionner les bibs avec plus de 800 mg/l de CO2, sinon la poche gonfle après le remplissage et le carton ne se ferme pas. Il faut viser des valeurs de SO2 libre entre 30 et 50 mg/l selon le type de vin et s'assurer que ce SO2 est stable avant la mise. Nous faisons également une filtration stérile à 0,2 micron une semaine avant la mise. On vérifie 48 heures avant la mise que l'indice de colmatage est inférieur à 50 et qu'il n'est pas nécessaire de filtrer à nouveau. Pour s'assurer de la stabilité microbiologique, nous faisons des étalements sur boîte de Petri. Nous voulons atteindre zéro levure et moins d'une bactérie acétique et lactique par litre de vin. Pour stabiliser les vins ayant des sucres résiduels, on peut s'aider de sorbate de potassium à des doses de 20 g/hl. Pour stabiliser la couleur, il est possible de rajouter de la gomme arabique. Enfin, nous procédons à une stabilisation tartrique et protéique du vin. Nous pratiquons le test ISTC 50 pour vérifier la bonne stabilité tartrique et le bentotest pour la stabilité protéique. »