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Magazine - Histoire

Période : XIXe siècle Lieux : Champagne Edme-Jules Maumené, l'inventeur du garde-mousse

FLORENCE BAL - La vigne - n°264 - mai 2014 - page 87

Ce chimiste, auteur d'un important traité sur le vin, a mis au point le garde-mousse et l'aphromètre, deux appareils qui ont permis de préserver et d'améliorer l'effervescence du champagne.
Gravure illustrant le « Traité théorique et pratique du travail des vins » de E.-J. Maumené.

Gravure illustrant le « Traité théorique et pratique du travail des vins » de E.-J. Maumené.

Edme-Jules Maumené naît à Paris en 1818. Très peu de détails sont connus sur son enfance et sur sa vie en général. Sans doute était-il un élève brillant puisqu'il devient chimiste et docteur ès sciences. Sa vie professionnelle l'envoie ensuite à Reims, où il enseigne la chimie à la chaire municipale. Maumené est chimiste avant tout. Au cours de sa vie, il abordera différents aspects de cette discipline sous un angle pragmatique et utile pour ses concitoyens. Il est ainsi l'auteur d'un manuel de chimie photographique, d'une théorie générale de l'action chimique et d'un traité sur la fabrication du sucre. L'époque lui doit aussi la mise au point du moyen d'extraire la potasse des eaux de lavage des laines, qui sera largement utilisé par la suite. Mais sa plus grande contribution, il la réserve à l'univers du vin en général et du champagne en particulier.

« Professeur dans une ville où la nombreuse armée des oenotechniciens possède un quartier général connu de l'univers entier, nous travaillions depuis longtemps à chercher le progrès de notre industrie particulière », écrit-il dans la préface de son important traité sur le vin, publié en 1858. L'élaboration du champagne y occupe une large place. Il le dédie à « M. Jules Mumm, président du tribunal de commerce de Cologne et négociant en vins, le premier à reconnaître les avantages du nouveau système de travail des vins mousseux » qu'il a mis au point avec l'aide d'un des gérants de la maison Mumm devenu son ami, un certain M. Jaunay.

Ce volumineux livre comprend trois parties. Il présente d'abord une synthèse exhaustive des connaissances sur le vin : composition, altérations et maladies, ainsi que les moyens de les prévenir et de les guérir. Il fait également un point sur la fermentation alcoolique : « Si [elle] est complète, le sucre disparaît en totalité, par conséquent le vin bien fait n'en doit plus contenir. »

Il donne des conseils pratiques comme de « se méfier de l'action de l'oxygène sur les vins, car jamais elle ne leur est favorable. Elle tend à oxyder l'alcool et à le faire passer en aldéhyde puis acide acétique. (...) Attention donc, et beaucoup ne le font pas, à ménager les soutirages, attention aux robinets qui crachent et divisent le vin en une multitude de gouttelettes, prévient-il. Pour opérer le soutirage, choisir un état particulier de l'atmosphère où le vent est au nord, l'atmosphère sèche et claire. »

La deuxième partie est consacrée à l'élaboration des vins mousseux avec un examen des éléments qui influencent la formation de la mousse. Il y rend hommage au pharmacien François qui a su « déterminer exactement la quantité de sucre que doit contenir le vin de champagne lors de la mise en bouteille pour produire une belle mousse » tout en limitant la casse des bouteilles du fait de la surpression.

Enfin, il expose, dans la dernière partie, les nouveaux appareils qu'il a imaginés avec son comparse Jaunay. Tous deux ont inventé le premier garde-mousse. Ce système était destiné à recueillir les quelques centilitres de vin vidés de la bouteille après le dégorgement pour faire place à la liqueur d'expédition. Il gardait ces vins à l'abri de l'air, préservait leur gaz carbonique et permettait d'ajouter la liqueur d'expédition sans provoquer la formation de mousse. Sitôt après le dégorgement « la bouteille est vidée (partiellement, NDLR) sans secousse et à l'abri de l'air dans une sphère garde-mousse assez grande pour recevoir le contenu de 20 ou 30 bouteilles. En se vidant de vin, elle se remplit de gaz acide carbonique. On y introduit la liqueur. Puis on tire le vin du garde-mousse sur la liqueur », explique-t-il.

Maumené et Jaunay ont également inventé l'aphromètre, qui existe toujours. Son nom vient du grec mousse ou écume. Cet appareil de mesure permet de déterminer la pression du gaz carbonique dans les bouteilles. « J'ai montré l'immense avantage de son emploi pour régler les proportions de sucre à introduire au moment du tirage, de manière à atteindre le degré de mousse voulu sans avoir la moindre crainte de ces casses violentes. » Après le tirage, il permet de suivre la prise de mousse et de savoir quand dégorger, si c'est nécessaire.

Un temps professeur à la faculté des sciences de Lyon (Rhône), Edme-Jules Maumené sera nommé membre de l'Institut, consécration suprême pour un savant. Il meurt à Paris, le 23 février 1898. Son objectif aura été de « rendre service à l'une des principales industries des contrées où se trouve ma chaire (la Champagne, NDLR), et de la France elle-même », écrivait-il. Mission accomplie.

Bibliographie : «Indications théoriques et pratiques sur le travail des vins et en particulier sur celui des vins mousseux», par E.-J. Maumené.

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