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DOSSIER - Vinifications : difficile de faire moins cher

Rosés Une technologie coûteuse

La vigne - n°265 - juin 2014 - page 22

En Côtes de Provence, les coûts de vinification sont élevés. Vin technologique, le rosé exige d'importants équipements et beaucoup d'intrants. C'est la condition pour obtenir des vins qui se valorisent.

Le côtes-de-provence rosé est un vin très coûteux à vinifier si l'on en croit la chambre d'agriculture du Var : 77,30 €/hl. C'est le chiffre qu'elle avance dans son référentiel économique du vigneron 2012-2015, le dernier en date. Un record par rapport aux coûts de vinification publiés par les chambres d'agriculture d'autres régions, lesquels se situent entre 20 et 45 €/hl.

« C'est le ticket d'entrée pour bien valoriser ses rosés en cave particulière, soutient Franck Fourment qui, depuis 1995, travaille sur les coûts de production en viticulture. Nous constatons que les caves particulières qui atteignent ces niveaux sont celles qui se portent le mieux. Celles qui vinifient à moins de 50 €/hl sont le plus souvent au bout du rouleau, car elles n'ont pas réinvesti. »

Cette analyse est réalisée à partir d'un panel d'une quarantaine d'exploitations indépendantes de l'AOC Côtes de Provence. Franck Fourment a appliqué la méthode ABC (Activity Based Costing) développée pour les coûts de vinification par Bordeaux Sciences Agro, qui prend en compte toutes les charges de l'exploitation, y compris les charges administratives et financières (voir encadré page 18).

L'objectif est de constituer un référentiel étape par étape pour que les vignerons puissent se situer par rapport à une moyenne départementale et avoir ainsi une idée de leur coût de revient.

« Le rosé est un vin technologique, qui nécessite des équipements coûteux, comme les pressoirs pneumatiques, et une consommation importante en frigories pour la maîtrise des températures, rappelle le conseiller. Pour faire des rosés clairs, comme le réclame le marché, le poste intrants est également important. Dès la première année où nous avons fait cette analyse, nous avons eu des coûts deux fois supérieurs à ceux estimés par nos confrères de Gironde sur les vins rouges de Bordeaux. Et ils n'ont pas cessé d'augmenter. En 2005, nous étions à 68 €/hl. Nous avons pris 10 €/hl en moins de dix ans. »

La chambre d'agriculture précise que ces frais s'entendent pour des caves particulières qui commercialisent leur production en conditionné. La plupart d'entre elles sont en phase d'investissement ou ont récemment investi en vue de développer leurs ventes en bouteilles, ce qui explique ces vinifications coûteuses. Pour les entreprises qui vendent en vrac, les coûts de vinification chutent de moitié, à 35,18 €/hl, car beaucoup d'entre elles ont déjà amorti leurs installations. « Elles ne peuvent plus réinvestir », déplore Franck Fourment.

« Le rosé est un vin qui se réussit ou se rate au chai. Contrairement aux rouges, pour lesquels 80 % de la qualité provient du raisin, la qualité provient à 80 % de la vinification », confirme Jean-Christophe Crachereau, de la chambre d'agriculture de Gironde. Cet expert estime que les chiffres annoncés par son confrère du Var sont cohérents pour une cave qui a récemment investi.

Dans les coopératives, la mutualisation des équipements permet de les réduire radicalement. Coop de France Alpes-Méditerannée (CFAM) observe depuis trois ans les coûts de production de vingt-quatre coopératives de la région Paca. Ils s'établissent entre 18 et 30 €/hl selon le volume produit et le mode de commercialisation (vrac ou conditionné).

Les caves varoises ont des dépenses de vinifications plus importantes que celles du reste de la région. « Ces caves sont de plus petite taille, observe tout d'abord Frédéric Cordier, de CFAM. Il y a également l'effet rosé, qui induit des équipements et des frais plus élevés. Enfin, elles pratiquent la vente au détail, d'où des charges supplémentaires générées par les métiers transverses (entrepôt, logistique...). Mais, au final, les vins sont bien valorisés et, malgré leur petite taille (de l'ordre de 20 000 hl par an), ces coopératives se maintiennent, ce qui ne serait pas forcément le cas dans d'autres régions. »

Coûteux le rosé ? Sans aucun doute. Mais si c'est le ticket d'entrée pour une bonne valorisation, mieux vaut ne pas lésiner. D'autant « qu'une réduction des frais de vinification de 10 à 15 %, soit 3 €/hl, ne représente au final qu'une réduction de 3 % du coût total de production d'un vin », conclut l'étude de CFAM.

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