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VIGNE

L'essentiel sur l'effeuill age

ADÈLE ARNAUD - La vigne - n°265 - juin 2014 - page 28

L'effeuillage présente un intérêt certain dans la lutte contre la pourriture grise et améliore la maturation des raisins. Voici ce qu'il faut savoir sur les multiples conséquences de cette intervention pour la mettre en oeuvre dans les meilleures conditions.
AVEC UNE EFFEUILLEUSE MÉCANIQUE, le coût est compris entre 220 et 230 euros par hectare.  © C. WATIER

AVEC UNE EFFEUILLEUSE MÉCANIQUE, le coût est compris entre 220 et 230 euros par hectare. © C. WATIER

Quand est-il nécessaire d'effeuiller ?

Cette pratique se révèle intéressante pour les parcelles présentant un excès d'entassement du feuillage et/ou une sensibilité aux attaques de vers de la grappe et de Botrytis cinerea. En Alsace, par exemple, les conseillers viticoles préconisent d'effeuiller les pinots et l'auxerrois, des cépages à grappes compactes et donc sensibles au botrytis.

Si la vigne présente un bon équilibre végétatif, sans trop de vigueur, cette pratique n'est pas indispensable. Quoi qu'il en soit, les effets de l'effeuillage sont bénéfiques si l'on ne retire qu'un nombre limité de feuilles afin de ne pas réduire l'activité photosynthétique de manière trop radicale.

Comme le souligne Thierry Dufourcq, de l'IFV, « l'effeuillage améliore la qualité des vins. Il se raisonne en fonction de la vigueur, des objectifs de production mais aussi selon le millésime : un effeuillage précoce permet d'anticiper un millésime tardif ».

Quelle est son efficacité dans la lutte phytosanitaire ?

Plusieurs études montrent qu'un effeuillage précoce, entre nouaison et fermeture de la grappe, rend plus efficace, d'environ 40 à 50 %, les traitements contre les vers de la grappe et Botrytis cinerea. Cette mesure prophylactique favorise une meilleure aération des grappes et un renforcement de la pellicule. Elle améliore la pénétration des produits de traitements.

En revanche, un effeuillage post-véraison se révèle trop tardif pour limiter le développement de Botrytis cinerea. Dans la lutte contre le botrytis, des études menées par l'IFV montrent que la combinaison la plus efficace est de réaliser un effeuillage à la nouaison et un traitement à véraison.

Parallèlement, il est acquis que l'exposition des grappes à la lumière est un facteur défavorable à la croissance des filaments mycéliens de l'oïdium.

Quelles sont les conséquences sur le rendement ?

Plus l'effeuillage est réalisé tôt dans la saison, plus il influence les rendements. Et son effet est d'autant plus important que le nombre de feuilles supprimées est élevé.

La suppression de feuilles adultes, en pleine activité photosynthétique, avant ou pendant la floraison, réduit l'alimentation en glucides des inflorescences. Le nombre et la taille des baies nouées chutent. Le rendement est affecté mais les grappes, plus lâches, bénéficient d'une meilleure aération. Stefano Poni, professeur de viticulture à l'université catholique du Sacré-Coeur, en Italie, a montré que cette pratique permet de réduire le rendement des vignes trop vigoureuses et, de ce fait, d'améliorer la qualité des moûts.

Après la floraison, l'impact est moindre. Une étude menée par Nathalie Ollat, ingénieure à l'Inra de Bordeaux (Gironde), montre qu'un effeuillage sévère réalisé à la nouaison affecte la taille des baies sans diminuer leur nombre. Le poids des baies reste alors de 30 % inférieur aux baies du témoin. Le rapport pellicule-fruit est augmenté.

Mais tout est question de dosage. Si la surface foliaire reste suffisante, l'amélioration de l'éclairement des baies compense la perte de feuilles. L'éclairement favorise le grossissement des baies « tant que la température induite par le rayonnement n'est pas trop élevée pour avoir l'effet inverse », constate Nathalie Ollat dans son étude. Ainsi, il a été observé que la taille des baies de cabernet- sauvignon augmente avec l'éclairement sur la face nord du palissage alors qu'elle décroît sur la face sud.

Quelles sont les conséquences sur la fertilité des bourgeons ?

Une étude menée par Luis Sanchez et Nick Dokoozlian, du département viticulture et oenologie l'université de Californie (États-Unis), montre qu'un effeuillage modéré n'a pas d'effet négatif sur la fertilité des bourgeons de l'année suivante. Ces chercheurs démontrent que la chute de l'alimentation carbonée liée à la suppression des feuilles est entièrement compensée par l'amélioration du microclimat lumineux des bourgeons. Cette compensation ne suffit plus après un effeuillage intensif.Thierry Dufourcq souligne toutefois que « c'est essentiellement le climat de l'année qui joue sur la fertilité des bourgeons. Les différences entre une vigne effeuillée ou non sur un millésime difficile ne sont que peu significatives sur la production de l'année suivante ».

Le risque d'échaudage augmente-t-il ?

Oui, si l'effeuillage provoque une hausse trop soudaine et trop importante de la température ainsi que de l'exposition des grappes au soleil. Dans les climats chauds, il est conseillé d'effeuiller sur un seul côté du rang, côté nord ou côté est, afin d'éviter l'exposition en plein soleil l'après-midi. Il est aussi plus favorable d'effeuiller à la nouaison car les raisins semblent alors plus résistants à l'échaudage.

La vigne compense-t-elle la perte des feuilles ?

Oui. Après un effeuillage, les feuilles principales réagissent, d'une part, en augmentant leur efficience physiologique et, d'autre part, en retardant leur sénescence. Par ailleurs, en réponse à un effeuillage précoce, des entre-coeurs repoussent et ce dans les deux semaines qui suivent l'opération. Ces repousses aboutissent à un recouvrement de 50 % environ des grappes dégagées. Elles compensent partiellement l'effeuillage, car les entre-coeurs peuvent alimenter les baies dès qu'ils ont deux feuilles adultes.

En revanche, un effeuillage tardif, à la fermeture de la grappe ou la véraison, engendre un taux de recouvrement faible à nul. Il importe alors de conserver un bon rapport feuille/fruit en élevant la haie foliaire.

Quels sont les effets sur la composition des baies ?

Selon des études menées par l'IFV, l'effeuillage permet d'augmenter le potentiel polyphénolique à la récolte de 30 à 50 %. Un effet recherché pour les vins rouges. Dans ces vins, les gains en polyphénols sont stables dans le temps après un effeuillage précoce. Mais ils chutent durant le vieillissement, lorsque l'effeuillage a eu lieu à la véraison. Cependant, pour les vins rouges jeunes, les effeuillages précoces donnent des vins aux tannins plus durs alors que les effeuillages tardifs donnent des vins plus souples. Au vieillissement, la tendance s'inverse et les vins issus de vignes effeuillées précocement présentent alors des tannins plus souples.

Les moûts issus de vignes effeuillées présentent souvent une baisse de l'acidité totale et du pH. L'exposition des grappes au soleil accélère en effet la dégradation de l'acide malique, faisant chuter l'acidité totale. La diminution du pH s'explique par une chute du taux de potassium dans les baies. Mais, l'effeuillage sur une face a une incidence faible sur le degré potentiel des raisins. Réalisé sur les deux faces, il peut même induire une baisse du taux de sucre lorsque les capacités photosynthétiques sont trop pénalisées.

Quels sont les effets sur la qualité aromatique ?

L'influence de l'effeuillage sur la qualité aromatique est fort variable en fonction du cépage et du millésime. Il a toutefois été démontré que cette pratique limite le caractère végétal des vins au profit de leur fruité. L'isobytyl-2-méthoxypyrazine, molécule responsable de l'arôme de poivron vert notamment sur cabernet-sauvignon et sauvignon blanc, est plus fortement dégradée lorsque les grappes sont bien exposées au soleil. L'accumulation en précurseurs glycosidiques, susceptibles de générer des composés odorants agréables au cours du vieillissement, est favorisée par l'effeuillage. Enfin, certaines années, l'effeuillage favorise l'apparition de 3-mercapto-hexanol, molécule responsable des arômes de pamplemousse et de fruits tropicaux dans les blancs.

Pour les vins blancs, l'effeuillage augmentant la teneur en composés phénoliques, il est primordial de limiter tout risque d'oxydation des moûts qui déprécieraient au final le potentiel aromatique du vin.

La meilleure période pour effeuiller

Généralement, la période de l'année la plus favorable pour l'effeuillage se situe entre la nouaison et la fermeture de la grappe. On limite ainsi les risques de contamination par Botrytis cinerea tout en améliorant les qualités organoleptiques du futur vin. Si on intervient pendant la floraison, l'impact sur le rendement risque d'être important. En effeuillant dès la nouaison, on peut viser une amélioration du rapport pulpe/pellicule car l'effeuillage, à ce stade, a tendance à réduire la taille des baies. Si on ne souhaite pas affecter le rendement, Sabine Desbarats, oenologue conseil de la Sica Altema, association de vingt vignerons du Madirannais (Hautes-Pyrénées), conseille de « réaliser un premier effeuillage au stade petit pois, une fois la nouaison terminée. Car les baies ont besoin d'un maximum de sources carbonées pour bien nouer et il est essentiel de ne pas créer de déséquilibre ou de choc physiologique pendant la nouaison ». Quant à l'effeuillage après véraison, plusieurs travaux soulignent la nuisibilité potentielle d'une telle pratique sur l'aoûtement et sur la maturation des baies. Jean-Claude Fournioux, professeur à l'université de Bourgogne, a observé que les jeunes feuilles aident à la croissance des rameaux, tandis que les feuilles adultes favorisent l'aoûtement. François Champagnol, lui, a démontré qu'à la véraison, la sève élaborée (composée des produits de la photosynthèse) issue des jeunes feuilles répond aux besoins de croissance des rameaux, alors que celle des feuilles adultes alimente plutôt les grappes.

Une pratique qui renchérit les coûts de production

Christophe Gaviglio, ingénieur et chef de projet mécanisation du vignoble pour l'IFV, indique que le coût de l'effeuillage dépend de plusieurs variables : manuel ou mécanique, vitesse d'avancement, densité de plantation, densité d'effeuillage... Il propose alors deux exemples permettant de se faire une idée selon des situations précises. Pour un effeuillage manuel une face sur une vigne large (plantée à plus de deux mètres), il faut compter entre 20 et 25 h/ha, soit environ 340 €/ha. Avec une effeuilleuse mécanique, avançant entre 3 et 4 km/h, achetée 15 000 euros et amortie sur sept ans, le coût est compris entre 220 et 230 €/ha, entretien compris. Il est important de noter que, réalisé tardivement, l'effeuillage permet un gain de temps à la vendange manuelle estimé à 20 % à l'échelle de la parcelle.

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