Dévolue jusqu'alors aux filtres rotatifs sous vide ou aux filtres presse, la clarification des bourbes et des fonds de cuve a subi une nette évolution ces dernières années. Les constructeurs d'équipements vinicoles ont lancé de nouveaux appareils qui n'ont pas les inconvénients des filtres terre. Ils sont cependant chers, entre 40 000 et 350 000 euros. L'IFV a testé cinq d'entre eux - trois filtres tangentiels, un décanteur et un séparateur centrifuge - dans cinq sites de production en Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, entre 2011 et 2013.
Il ressort de ces essais que les filtres tangentiels ont mieux clarifié les liquides chargés en particules que les filtres rotatifs sous vide et les filtres presse, mais à des débits horaires plus faibles. Ils se sont également avérés très consommateurs en eau. Quant au décanteur centrifuge, les tests montrent qu'il ne peut s'utiliser que pour une préclarification. Il doit être associé à un autre filtre pour que les moûts et les vins traités atteignent une limpidité suffisante.
Filtres tangentiels
L'IFV a testé le Flavy FX-D et le Flavy Leestar de Bucher Vaslin ainsi que le Dynamos de Padovan/Liatech. Tous les trois ont permis d'obtenir des produits limpides avec des turbidités « de l'ordre de 1 à 2 NTU après traitement, même sur des liquides contenant plus de 50 % de particules en suspension », détaille Jean-Michel Desseigne, de l'IFV, auteur des tests. Les niveaux de clarification étaient même supérieurs à ceux obtenus grâce aux filtres terre (10 à 50 NTU). Cependant, le Flavy FX-D et le Flavy Leestar ont uniquement été testés sur les produits pour lesquels ils ont été développés, soit les bourbes, pour le premier, et les fonds de cuve, pour le second. À l'inverse, le Dynamos a été essayé sur les deux types de liquide.
Les bourbes étaient issues de décantation statique. L'IFV les a traitées quelques heures après séparation. Selon les lots, elles renfermaient 6,5 à 10,8 % de matières en suspension. Les fonds de cuve, également issus de décantation statique, ont été traités plusieurs semaines après leur séparation. Ils contenaient 3 à 60 % de matières en suspension.
Si les trois filtres testés permettent des clarifications très poussées, leurs débits horaires restent deux à quatre fois plus faibles que ceux des filtres rotatifs sous vide et des filtres presse. Dans ses essais, l'IFV a mesuré des débits moyens de 40 litres par heure et par mètre carré (l/h/m2) sur bourbes et 20 l/h/m2 sur fonds de cuve. « Mais, grâce à leur automatisation complète, les filtres tangentiels permettent des cycles de filtration de plus de vingt heures sans surveillance alors que les filtres rotatifs sous vide ou les filtres presse ne s'utilisent, pour leur part, qu'une dizaine d'heures », explique Jean-Michel Desseigne. Fonctionnant de longues heures sans surveillance, les filtres tangentiels ont permis d'atteindre des débits journaliers importants de 4 à 9 hectolitres par jour et par mètre carré (hl/j/m2), équivalent à ceux des filtres presse (4 à 8 hl/j/m²). Les filtres rotatifs sous vide autorisent cependant des débits journaliers plus élevés (10 à 20 hl/j/m2).
Autre paramètre mesuré par l'IFV : le taux de récupération de chaque système. Ce dernier correspond au rapport entre la quantité de liquide clarifié et le volume initial à traiter. Il donne une idée des volumes récupérés et perdus après traitement. Les filtres tangentiels et les filtres terre sont équivalents selon ce paramètre. Leurs taux de récupération varient entre 80 et 92 %. Ils produisent en revanche des résidus très différents.
« Après filtration tangentielle, les résidus sont valorisables en distillerie. Ceux des filtres rotatifs sous vide ou des filtres presse ne le sont pas », indique Jean-Michel Desseigne. Les premiers seraient donc plus écologiques que les seconds, mais ils ont consommé deux à trois fois plus d'eau pour décolmater leurs membranes. Cette consommation s'est située entre 12 l/hl et 40 l/hl de liquide traité pour les filtres tangentiels alors qu'elle a varié de 6 à 14 l/hl pour les filtres terre.
L'IFV s'est également intéressé à l'impact des différents systèmes sur les teneurs en oxygène dissous des fonds de cuve après clarification. Les filtres presse et les filtres rotatifs sous vide en ont dissous des quantités importantes dans le vin : 4 à 5 mg/l pour les premiers et à saturation (8 mg/l) pour les seconds. À l'opposé, les filtres tangentiels en ont dissous très peu : entre 0,1 et 0,3 mg/l. Malgré cela, les vins récupérés par ces différents procédés n'ont pas été différenciés à l'analyse sensorielle.
De même, l'IFV a dégusté les vins vinifiés à partir des bourbes clarifiées. Les vins issus des filtres tangentiels ont parfois été préférés à ceux obtenus après passage par un filtre rotatif sous vide.
Décanteurs centrifuges
L'IFV a testé deux appareils de ce type : le Foodec 200 et le Foodec 300, de la société Alpha Laval. Ces machines ont clarifié en continu les bourbes et les fonds de cuve aux débits horaires annoncés par la firme, soit 10 à 30 hl/h. Ils peuvent donc traiter ces liquides rapidement après leur production, ce qui évite les déviations microbiologiques ou organoleptiques.
Selon l'IFV, ces décanteurs éliminent 70 et 98 % de matières en suspension. Malgré cela, les teneurs en particules dans les liquides clarifiés restent élevées : 1 à 2 % pour les bourbes et 1,2 à 6 % sur les fonds de cuves. « La turbidité de ces liquides reste donc élevée : entre 500 et 2 000 NTU », précise Jean-Michel Desseigne. Il faut donc réaliser un traitement complémentaire pour atteindre une limpidité suffisante ou, pour les bourbes, les assembler avec un moût déjà bien clarifié.
Les décanteurs permettent d'obtenir des taux de récupération supérieurs aux filtres terre. En plus, contrairement à ces derniers, ils produisent des résidus valorisables en distillerie. Ils sont donc plus écologiques, d'autant plus qu'ils consomment peu d'eau (4 à 34 l/hl). Ils ont cependant tendance à oxygéner le vin puisque les teneurs en oxygène dissous mesurées par l'IFV sont proches de celles des filtres presse.
Enfin, les analyses sensorielles montrent que les vins issus des filtrats de bourbes du décanteur sont moins aromatiques que ceux issus d'un filtre rotatif sous vide. « La turbidité ainsi que le taux de matières en suspension étaient trop élevés pour obtenir des vins très aromatiques », observe Jean-Michel Desseigne. Les vins issus de fonds de cuve clarifiés n'ont pas pu être dégustés, car ils contenaient trop de matières en suspension.
Centrifugeuse
La STS de la société Separator Technology Solutions a été testée sur un seul millésime. L'IFV manque de recul pour tirer des conclusions sur cet équipement. Les essais préliminaires indiquent cependant que cet appareil semble intéressant pour clarifier des liquides chargés et il aurait même parfois une efficacité supérieure à celle du décanteur centrifuge.
GAUTHIER ROY, GÉRANT DE LA SARL MAISON ROY, PRESTATAIRE DE SERVICES EN EMBOUTEILLAGE, SPÉCIALISTE EN GAZÉIFICATION À CHÂTEAUNEUF-SUR-CHARENTE (CHARENTE) « Il ressort de la matière sèche du Dynamos »
« Nous possédons aujourd'hui deux filtres Dynamos de 5 m2. Il y a quatre ans, nous avons commencé à tester un prototype de 2,5 m2, ensuite nous avons eu le 20 m2, mais il était beaucoup trop gros par rapport à ce dont nous avions besoin. Je n'ai vraiment rien à redire concernant ces filtres, c'est un grand pas en avant pour la filtration. La mise en oeuvre est beaucoup plus simple qu'avec un filtre presse, puisque tout est automatique. Nous pouvons filtrer des fonds de cuve qui contiennent de la bentonite, de la gélatine, des gels de silice, de la PVPP et du charbon, ce que n'accepte pas le filtre à membrane organique que nous avons. J'ai traité des lies de pineau qui étaient très difficiles à filtrer. J'ai même réussi à filtrer des liquides pendant 90 heures sans que le filtre colmate. À la sortie du Dynamos, les liquides peuvent être directement mis en bouteille puisqu'ils sont filtrés à 0,1 µm. Les taux de récupération peuvent monter jusqu'à 87 %, alors qu'ils ne dépassent pas 75 à 80 % avec les filtres presse. Lorsqu'on filtre des lies avec le Dynamos, de la matière sèche en ressort. Il faut même parfois l'enlever des cuves avec une pelle et le résidu part directement à la poubelle. Le nettoyage est automatique. Nous faisons un passage à la soude, puis à l'acide peracétique pour la désinfection. Par rapport à des filtres traditionnels, il n'a pas besoin d'être nettoyé à l'eau chaude. »
STÉPHANE ROQUES, MAÎTRE DE CHAI DE LA CAVE DE LEUCATE (AUDE), 170 ADHÉRENTS, 1 400 HA DE VIGNE « Un investissement rentabilisé en quatre ans »
« Nous avons investi dans une centrifugeuse STS 200 en 2010. Nous sommes les premiers à nous être équipés avec ce matériel en France. Au départ, nous pensions l'utiliser comme solution alternative au filtre rotatif sous vide uniquement pour clarifier les moûts de thermovinification. Ce que nous faisons. Mais, nous l'utilisons aussi sur vin après FML, sur moût froid et sur lies. Avant d'avoir cette centrifugeuse, nous ne valorisions pas nos lies. Pourtant, nous en produisons environ 3 000 hl chaque année. Après passage à la centrifugeuse, il ne nous en reste que 1 200 à 1 300 hl. Le vin récupéré peut entrer dans l'assemblage de notre vin de France. Ainsi, nous avons rentabilisé la machine au bout de quatre ans. Le budget de maintenance reste cependant élevé. Il est de 8 000 euros par an. La centrifugeuse demande beaucoup moins de main-d'oeuvre que le filtre rotatif sous vide. Lorsque nous traitons du vin, elle tourne à 250 hl/h. Sur moût chaud, le débit est de 150 hl/h. Sur lies, il tombe à 15-20 hl/h. Dans une journée de quinze heures, nous pouvons donc traiter 250 hl de lies. Le nettoyage est facile. Lorsqu'on traite des lies, nous faisons des bains de soude tous les jours. Pour du moût, nous passons la soude tous les deux ou trois jours et toutes les semaines pour les vins. »