Retour

imprimer l'article Imprimer

VENDRE - Conseils de pros

Comment se lancer avec succ ès dans l'oenotourisme

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°265 - juin 2014 - page 62

Le tourisme viticole ne s'improvise pas. Il peut apporter beaucoup en termes d'image, de notoriété et de ventes, mais l'investissement financier et en temps de travail peut être très lourd. Trois experts vous conseillent pour faire les bons choix.

1. Jouez l'originalité

« Le minimum est d'aménager un caveau confortable pour proposer une bonne dégustation. C'est un déclencheur d'achat qui fonctionne bien », souligne Brigitte Auziol, rejointe sur ce point par ses deux collègues.

Mais cela ne suffit pas. Vous devez proposer une prestation originale et ne pas copier ce que font vos voisins. « Chaque site possède quelque chose d'exceptionnel que l'on peut mettre en avant, indique Christophe Chevré. Ce qui plaît le plus aux touristes, notamment les étrangers, et qui leur donne de l'émotion, c'est de pouvoir dormir et dîner chez le vigneron. Cela peut être aussi de participer à un pique-nique dans les vignes, d'être promené dans le village, s'il vaut la peine d'être visité, et de découvrir les paysages viticoles. Les visiteurs se souviennent davantage de l'accueil qu'ils ont reçu que des explications techniques sur la vinification. » Si votre exploitation le permet et si vous en avez les moyens, vous pouvez aménager des gîtes et proposer une table d'hôte. Ce sont de bons atouts pour attirer du monde sur votre propriété.

2. Misez sur une de vos passions

Dans tous les cas, la prestation doit s'appuyer sur le partage d'une de vos passions : les balades à cheval, à vélo ou à dos d'âne, les vieilles voitures, la gastronomie... « Si l'on bâtit un projet sur une activité artificielle, les clients le sentent. Ils adhèrent moins », insiste Christophe Chevré.

Si vous aimez l'histoire et votre région, votre projet peut avoir un caractère culturel. « La culture n'exclut personne et s'adresse à toute la famille, pas uniquement aux amateurs de vin, poursuit Brigitte Auziol. Votre projet oenotouristique peut s'appuyer sur le passé de votre domaine et de votre appellation ou sa situation géographique et son patrimoine. Un sentier de découverte pédagogique, adapté à la morphologie du site et mettant en avant la faune et la flore spécifiques, est une bonne idée. Si vous possédez des cuves en béton, vous pouvez aussi bâtir une visite sur leur histoire. »

Si vous connaissez bien une langue ou si vous avez vécu dans un pays étranger, vous pouvez choisir cet axe pour développer votre activité. Les tours opérateurs sont friands de points de chute où leurs clients sont accueillis dans leur langue natale. C'est un véritable atout à valoriser.

3. Associez-vous à d'autres acteurs du tourisme

Votre activité oenotouristique « ne peut pas être imaginée de manière isolée, mais doit faire partie d'un tourisme de réseau, afin d'être visible et de profiter du flux touristique, ajoute Jean-Claude Belanger. Elle doit tenir compte des capacités d'accueil environnantes ou s'intégrer à une route des vins. On peut aussi construire un projet commun avec un château voisin à visiter et une activité de loisirs (canoë, équitation...). Toutes les études montrent que les touristes aiment diversifier leurs activités. »

4. Définissez un prix

Une fois le projet identifié, vous devez en calculer le coût et définir le prix de la prestation. Celui-ci doit tenir compte du temps que votre famille et vos salariés y consacreront. Si vous faites appel à un intervenant extérieur, tenez-en compte dans vos calculs. Faire payer une prestation la valorise, mais cela implique un service irréprochable et une vraie valeur ajoutée. La dégustation peut alors être incluse dans le prix.

« Pour une heure de visite de la cave et des vignes, avec dégustation, le tarif généralement pratiqué est de 8 à 10 euros HT par visiteur, note Christophe Chevré. Lorsqu'on propose une formule plus élaborée, il faut compter environ 30 euros HT de l'heure. » Brigitte Auziol estime qu'il est très important de faire payer la dégustation, même si l'on se contente d'accueillir les visiteurs au caveau, sans proposer de prestation oenotouristique (visite des vignes, de la cave, etc.). « Cela renforce l'image de qualité de ce qui est proposé et ne freine pas les achats, explique-t-elle. Le prix peut être de 5 à 10 euros par personne. Il sera déduit des bouteilles achetées par la suite. »

5. Faites connaître votre offre

Il est indispensable de faire connaître son activité d'oenotourisme auprès de sa propre clientèle, dans les salons ou par mailing. Mais ce n'est pas suffisant. Pour Christophe Chevré, « le plus efficace est d'utiliser tous les moyens de communication à sa disposition ».

En amont, faites connaître votre activité dans les guides touristiques et sur les sites internet des offices de tourisme, des interprofessions viticoles et d'organismes tels que Bienvenue à la Ferme ou les Gîtes de France.

Localement, vous pouvez déposer des prospectus dans les hôtels, les campings, les lieux touristiques, voire sur les pare-brise des voitures. Vous pouvez aussi coller des affiches dans les magasins, acheter des espaces publicitaires dans la presse régionale... Plus vous serez visible, plus les touristes seront convaincus qu'ils doivent venir vous voir. N'oubliez pas les réseaux sociaux gratuits qui touchent un public jeune.

Votre site internet doit être centré sur l'oenotourisme, afin que le visiteur le trouve facilement grâce au référencement des mots-clés sur les moteurs de recherche et qu'il voie, en un clin d'oeil, ce que vous proposez.

Mieux vaut utiliser la même charte graphique que celle de votre domaine pour que votre activité lui soit bien associée. Vous la déclinerez sur les supports de communication et les panneaux signalétiques disposés sur le chemin pour atteindre votre propriété. Jean-Claude Belanger conseille de consacrer 3 à 4 % de son budget à la communication.

6. Préparez votre accueil

Les touristes s'attendent à être reçus par vous, surtout si vous communiquez sur l'aspect authentique et traditionnel de votre travail. Si la visite est faite par une personne extérieure, celle-ci doit être capable de passer votre message et de répondre aux questions. Le discours ne doit pas être trop technique et ne pas détailler la façon dont on fait le vin, sauf si les visiteurs s'y intéressent.

Définissez des horaires d'ouverture, ainsi que les modalités (sur rendez-vous, réservation obligatoire), affichez-les et respectez-les. C'est un gage de sérieux pour les visiteurs.

Prévoyez des jeux calmes pour les enfants, une table, du papier, des crayons. Cela fait partie des prestations de base attendues par les familles. Attention aux balançoires et toboggans qui peuvent causer des accidents.

Connaître quelques formules de base en anglais est indispensable pour accueillir les touristes étrangers. Inutile d'apprendre un vocabulaire technique compliqué, mais vous devez pouvoir faire visiter vos vignes et votre chai, décrire la campagne, proposer un plateau de charcuterie et commenter la dégustation de vins

7. Restez dans les clous

Avant de démarrer une activité d'accueil, pensez à l'aspect réglementaire : accueil des handicapés, sorties de secours, extincteurs, parkings, normes sanitaires et de sécurité de la restauration... Dans tous les cas, prévenez votre assureur. Si vous servez des repas, souscrivez une assurance en cas d'intoxication alimentaire. Contactez votre mairie pour savoir si vous devez souscrire une licence de débit de boisson à consommer sur place. Renseignez-vous sur les règles à respecter et les assurances à souscrire. Par exemple, validez avec la MSA l'organisation d'un atelier vendange.

MÉLANIE MARTEL, RESPONSABLE DE L'OENOTOURISME AU CHÂTEAU DE GOURDON, À BOLLÈNE (VAUCLUSE) « Aidée par mon expérience anglo-saxonne »

« Mes parents ont repris le domaine en 2006. Je suis venue y travailler il y a deux ans, après avoir passé cinq ans en Australie, travaillé dix ans pour une entreprise américaine et passé un master de management international vin et vigne. Le château étant très beau, nous avons décidé d'y développer l'oenotourisme. Nous avons construit trois gîtes que nous exploitons depuis deux ans. Mon père étant un fin gourmet, nous avons aussi ouvert une table d'hôtes et proposons des repas dégustations autour de la truffe. Nous louons nos salles pour les mariages, lors desquels nos vins sont servis. Mon expérience anglo-saxonne va nous permettre de nous développer à l'international et de faire venir des clients américains, anglais et australiens grâce aux opérateurs de tourisme. Comme nous sommes dans une région qui compte beaucoup d'entreprises, nous accueillons des séminaires lors desquels nous proposons des dégustations à thème. Enfin, le 6 juin, nous avons organisé notre premier bar à vin éphémère, accompagné d'un concert de jazz. Après deux ans d'oenotourisme, cette activité représente 15 % de notre chiffre d'affaires. Notre objectif est d'atteindre 25 %. »

FLORENCE MOURGUY, DOMAINE MOURGUY, À ISPOURE (PYRÉNÉES-ATLANTIQUES) « Une activité qui s'est imposée naturellement »

Florence Mourguy propose des promenades dans les vignes d'Irouléguy en compagnie de ses ânes.  © P. ROBIN

Florence Mourguy propose des promenades dans les vignes d'Irouléguy en compagnie de ses ânes. © P. ROBIN

« Nous proposons, depuis dix ans, des balades avec des ânes le long de parcours balisés. Cette activité s'adresse aux personnes que nous accueillons dans notre gîte et nos quatre chambres d'hôtes, mais aussi aux familles en vacances dans le pays Basque. Il suffit, pour réserver, de nous appeler quelques jours à l'avance. Nous avons une dizaine d'ânes et nous proposons des circuits de différentes durées. Nos prix vont de 10 euros pour une heure à 34 euros pour la journée, pour un âne. Les touristes découvrent ainsi les vignes en terrasses d'Irouléguy et traversent les estives pastorales. Certaines personnes viennent pour le vin, d'autres pas. Notre fonctionnement est très souple, nous n'imposons aucune dégustation ni achat de vin. L'important est que cela crée des flux et une dynamique. Le bouche-à-oreille fonctionne très bien. Les touristes reviennent chez nous ou nous envoient leurs amis. Cette activité s'est imposée à nous naturellement et progressivement parce que nous aimions les ânes et que les personnes que nous hébergions demandaient à passer du temps avec eux. Aujourd'hui, c'est notre identité, une carte de visite qui nous différencie de nos concurrents. Mais elle est saisonnière. Nous restons avant tout des vignerons. Dès que les vendanges commencent, elles deviennent notre priorité. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

NOS PROS VOUS RÉPONDENT

BRIGITTE AUZIOL, responsable de la licence professionnelle oenotourisme et projet culturel à l'université Unîmes, à Nîmes (Gard).

BRIGITTE AUZIOL, responsable de la licence professionnelle oenotourisme et projet culturel à l'université Unîmes, à Nîmes (Gard).

CHRISTOPHE CHEVRÉ, directeur du pôle développement des entreprises des Vignerons indépendants de France.

CHRISTOPHE CHEVRÉ, directeur du pôle développement des entreprises des Vignerons indépendants de France.

JEAN-CLAUDE BELANGER, consultant en oenotourisme (MDT Vignobles), à Bommes-Sauternes, en Gironde.

JEAN-CLAUDE BELANGER, consultant en oenotourisme (MDT Vignobles), à Bommes-Sauternes, en Gironde.

BRIGITTE AUZIOL, responsable de la licence professionnelle oenotourisme et projet culturel à l'université Unîmes, à Nîmes (Gard).

CHRISTOPHE CHEVRÉ, directeur du pôle développement des entreprises des Vignerons indépendants de France.

JEAN-CLAUDE BELANGER, consultant en oenotourisme (MDT Vignobles), à Bommes-Sauternes, en Gironde.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :