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Magazine - Terroir & tradition

Qvevris géorgiens Huit fois millénaires

FLORENCE BAL - La vigne - n°265 - juin 2014 - page 78

Vieille de 8 000 ans, la tradition géorgienne de vinification en qvevris, ces jarres enterrées en argile, est toujours bien vivante. Elle vient d'être classée au patrimoine de l'Unesco.
RECONSTITUTION D'UN CHAI À QVEVRIS TRADITIONNEL. Les chais actuels sont moins encombrés ! PHOTOS : UNESCO/MINISTÈRE DE LA CULTURE DE LA GÉORGIE

RECONSTITUTION D'UN CHAI À QVEVRIS TRADITIONNEL. Les chais actuels sont moins encombrés ! PHOTOS : UNESCO/MINISTÈRE DE LA CULTURE DE LA GÉORGIE

LES AMPHORES SONT FABRIQUÉES À LA MAIN, puis cuites au four avant d'être mises en service.

LES AMPHORES SONT FABRIQUÉES À LA MAIN, puis cuites au four avant d'être mises en service.

CET OUVRIER PRÉLÈVE UN ÉCHANTILLON avec un plongeur à l'ancienne pour l'image. Dans les faits, les caves utilisent des plongeurs actuels.

CET OUVRIER PRÉLÈVE UN ÉCHANTILLON avec un plongeur à l'ancienne pour l'image. Dans les faits, les caves utilisent des plongeurs actuels.

C'est en Géorgie qu'il faut chercher la source des civilisations du vin. Dans ce pays du sud du Caucase persiste la tradition multimillénaire de vinification en qvevris, ces jarres enterrées d'argile cuite. L'Unesco ne s'y est pas trompé. Fin 2013, il a inscrit cette pratique sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

Le 26 février 2014, lors de la célébration officielle de cette consécration, Guiorgui Margvelachvili, le président de la République géorgienne s'est dit « fier de cette reconnaissance (...) de la plus ancienne méthode de vinification de l'histoire humaine ».

Les fouilles ont en effet révélé que la fabrication de qvevris et la vinification dans ces jarres en terre dataient de 8 000 ans. Les plus anciens pépins de raisins domestiques jamais recueillis l'ont été en Géorgie également, à la même époque. « Ces jarres nous viennent de la nuit des temps. Elles servent encore aujourd'hui », s'exclame Hervé Romat, oenologue bordelais, consultant pour la winery familiale Khareba, l'une des plus importantes produisant des vins en qvevris. « La production reste toutefois marginale, relativise-t-il. Car, même si elle est emblématique de la Géorgie, elle est fastidieuse et coûteuse. Les vins sont chers, de 20 à 25 euros la bouteille, alors que les salaires mensuels géorgiens sont de l'ordre de 200 euros. » Leur consommation reste donc exceptionnelle.

Des blancs tanniques

Les qvevris sont des jarres en terre crue, de 6 à 12 hl, faites à la main selon un savoir séculaire puis enterrées. Les raisins sont encuvés éraflés, voire en grappe entière pour les blancs. À la fin des fermentations, certains vignerons retirent le marc après avoir pompé le vin. D'autres laissent macérer jusqu'à la fin de l'élevage. Parmi ceux qui soutirent, les uns remettent leurs vins dans les qvevris, les autres les élevent en cuves.

La vinification, avec ou sans élevage, dure quatre à huit mois. Elle donne des vins très différents des standards classiques, d'autant que la jarre laisse passer un peu d'air même si son ouverture est scellée. « Les vins sont très spéciaux, commente Hervé Romat. Les blancs qui macèrent avec les peaux donnent des vins aromatiques complètement différents de ce que l'on connaît. Ils sont très tanniques. À l'aveugle, on croirait des rouges. »

En Géorgie, « le vin est la fierté nationale. Il est sacré, omniprésent dans la culture et la tradition, il est l'objet d'un culte ancestral. Il éclaire les fêtes, célèbre l'amitié, accompagne les heures de tristesse et de deuil ». Il est si intimement lié à la religion que la croix est faite de pampres de vigne et que « l'arbre de vie » biblique est traditionnellement représenté sous la forme d'un cep de vigne. Tout un symbole. D'ailleurs l'église orthodoxe géorgienne a joué un rôle important dans la transmission de ce savoir traditionnel qui s'est perpétué dans les monastères.

« Au-delà de cette tradition, la Géorgie a adopté les vinifications européennes depuis déjà longtemps », poursuit Hervé Romat. Aujourd'hui le pays cultive plus d'une cinquantaine de cépages autochtones, et en dénombre plus de 400. Le vignoble compte près de 45 000 ha.

C'est à partir de cette terre, que le vin a essaimé en Mésopotamie, en Égypte, en Grèce, à Rome, en Gaule, etc. Depuis, les valeurs sociales et culturelles transmises par le vin ont gagné le monde entier.

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