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Magazine - Histoire

Période : Antiquité Lieu : Moyen-Orient Sur les traces des premiers vins

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°265 - juin 2014 - page 79

Le premier vin du monde était géorgien. La viticulture s'est ensuite développée au Moyen-Orient et notamment en Égypte. Luc Watrin, égyptologue, a retracé son histoire. Captivant.
Luc Watrin examine un fragment de poterie trouvé sur le site d'Armana, en Égypte. © M.-C. BRUALLA

Luc Watrin examine un fragment de poterie trouvé sur le site d'Armana, en Égypte. © M.-C. BRUALLA

Quelques-unes des 700  jarres à vin découvertes dans une tombe royale à Abydos, autre site archéologique de la vallée du Nil.

Quelques-unes des 700 jarres à vin découvertes dans une tombe royale à Abydos, autre site archéologique de la vallée du Nil.

On sait désormais que la vigne a été introduite en Gaule par les Étrusques. C'était 500 ans avant J.-C. Mais elle était apparue bien plus tôt dans d'autres contrées. Le 20 avril, au palais des congrès de Béziers (Hérault)*, l'égyptologue Luc Watrin est venu raconter sa naissance puis son essor.

L'archéologue a rappelé que la première trace de vigne domestiquée remonte au néolithique, soit 6 000 ans avant J.-C. Il s'agit de graines de vigne trouvées en Transcaucasie dont la taille et la morphologie suggèrent qu'elles appartiennent à l'espèce Vitis vinifera. C'est en Géorgie, dans le petit village de Shulaveris-Gora, sur des collines au sud de Tbilissi, que l'Américain Patrick McGovern, grand archéologue du vin, a découvert le plus ancien foyer vinicole identifié à ce jour. Ce chercheur, spécialiste de l'archéologie moléculaire, a pu établir que le résidu rougeâtre observé à l'intérieur de certaines céramiques du site était d'origine vinicole.

D'autres traces de fabrication de vin durant cette ère néolithique ont été retrouvées en Iran, dans le village de Hajj Firuz, situé dans les montagnes du Zagros. Les archéologues y ont déterré six jarres présentant des traces de liquide. L'analyse de ces résidus a démontré la présence d'acide tartrique, prouvant qu'il s'agissait bien de vin, ainsi que de résine de térébinthe, vraisemblablement utilisée comme conservateur. Les archéologues ont pu dater ce breuvage : il aurait été produit durant la seconde moitié du VIe millénaire (vers 5 400 - 5 000 avant J.-C.).

Les preuves suivantes de l'existence du vin datent du milieu du IVe millénaire, en Iran, sur le site de Godin Tépé. La culture de la vigne s'est ensuite étendue à de nombreuses régions du Proche-Orient, dont le pays de Canaan où elle se développe dès 3 700 avant J.-C. De là, elle a migré vers l'Égypte.

Dans le pays des pharaons, la preuve la plus ancienne de la présence de la vigne est un pépin de raisin, trouvé sur le site de Bouto II, dans le delta occidental du Nil. Les analyses ont permis de dater son origine à 3 500 ans avant J.-C. C'est en effet à partir de cette époque que le commerce avec les régions du Levant et la Mésopotamie s'intensifie, apportant à l'Égypte nombre de nouveautés, dont la viticulture. Les Égyptiens incorporent rapidement la forme des jarres cananéennes et mésopotamiennes dans leur répertoire de céramiques. Les historiens défendent l'hypothèse que ces changements répondent à de nouveaux besoins, dont probablement celui de vinifier, de stocker et de servir le vin. C'est en tout cas ce que suggère la copie parfaite par les Égyptiens des pichets à vin mis au jour à Uruk, site archéologique majeur situé dans le sud de l'Irak.

De nombreuses traces témoignent du développement d'une civilisation égyptienne du vin à la fin du IVe millénaire. Sur le site d'Abydos, ancienne ville sainte vouée au culte du dieu Osiris, 700 jarres ont été découvertes dans la tombe du roi Scorpion, ce qui représente un total de 5 000 litres de vin offerts au roi défunt pour son voyage dans l'au-delà. Des rondelles de figue ont également été remarquées dans ces jarres, vraisemblablement utilisées comme aromate pour le vin.

À partir de 3 000 avant J.-C., le vin est entré dans la culture égyptienne comme en attestent les illustrations figurant sur certaines fresques : on y aperçoit de la vigne bien sûr, mais également des scènes de vendanges ou encore des représentations de pressoirs.

Dans la tombe de Nefer, Kahay et leur famille à Saqqarah, les « décorateurs » ont fait preuve d'humour en représentant un pressoir manié par un babouin remplaçant l'homme dans une position acrobatique ! C'est également à cette époque qu'apparaît du mot « vin » dans les textes égyptiens. Et dans les écrits détaillants la pitance allouée quotidiennement aux ouvriers travaillant sur les chantiers figure une ration de vin par jour. Le nectar des dieux s'était d'ores et déjà démocratisé.

*Conférence à l'invitation de Radio Ciel bleu, sponsorisée par le centre languedocien d'égyptologie, la ville de Béziers, le Medef, les amis de saint Aphrodise et l'Université Du Guesclin.

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