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GÉRER

Mieux se connaître pour mieux manager

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°266 - juillet 2014 - page 74

Le MBTI, un indicateur de personnalité, permet de mieux se connaître et de comprendre les différences de fonctionnement entre soi et les autres. On peut alors communiquer plus efficacement avec ses salariés.
FRANTZ CARON, CONSEILLER EN RESSOURCES HUMAINES à la chambre d'agriculture du Cher , donne des clés pour mieux communiquer avec ses salariés. © CHAMBRE D'AGRICULTURE DU CHER

FRANTZ CARON, CONSEILLER EN RESSOURCES HUMAINES à la chambre d'agriculture du Cher , donne des clés pour mieux communiquer avec ses salariés. © CHAMBRE D'AGRICULTURE DU CHER

« Spontanément, nous avons tendance à penser que les autres fonctionnent comme nous. Mais c'est une erreur, qui est souvent source de difficultés dans les relations ! », affirme Frantz Caron, conseiller en ressources humaines à la chambre d'agriculture du Cher. En réalité, chacun a ses modes de fonctionnement. Pour bien manager une équipe, il faut arriver à prendre en compte ces différences.

Un vigneron plutôt introverti et réservé, par exemple, donnera peu d'informations sur l'évolution du domaine à son salarié. Si celui-ci a un profil extraverti et communicant, il va se demander pourquoi son chef ne le tient au courant de rien. Il peut mal interpréter ce fait, et en conclure que c'est parce qu'il ne lui fait pas confiance. Cela risque de créer des tensions entre eux. Si le vigneron prend conscience de cette différence, il peut décider de faire des efforts pour donner plus d'informations à son salarié, et rétablir ainsi la confiance.

Comprendre les différences « Nous avons des modes de fonctionnement préférentiels, ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons pas nous comporter autrement », relève le conseiller. Dans l'exemple précédent, donner des informations à son salarié va coûter de l'énergie au vigneron, car ce n'est pas son attitude spontanée. « Mais c'est un investissement rentable à terme, car lorsque les relations s'améliorent, l'équipe gagne en efficacité », précise Frantz Caron, qui organise des formations sur ce thème.

Pour cerner les modes de fonctionnement de chacun, ce conseiller s'appuie sur un indicateur de personnalité, le MBTI (voir encadré ci-contre). Pour l'établir, il fait remplir un questionnaire aux participants, qu'il complète par un entretien individuel. « Il ne s'agit en aucun cas de juger la personne, mais de comprendre comment elle fonctionne. Aucun profil n'est meilleur qu'un autre, chacun a ses forces et ses faiblesses », note-t-il.

Au cours de la formation, il propose ensuite des jeux de rôles aux participants. « Dans un groupe, il y a toujours plusieurs profils. Ces jeux de rôles sont une bonne façon de révéler leurs différences. ». Ainsi, il demande à plusieurs personnes d'aider, chacune à son tour, leur partenaire de jeu qui vient de perdre son emploi. « Ceux qui fonctionnent à l'affectif vont d'abord exprimer leur empathie, alors que ceux qui sont plutôt rationnels vont tout de suite envisager les actions à entreprendre », fait remarquer Claire Prévost, qui anime ces formations avec Frantz Caron.

Adapter son comportement. Au cours de ces jeux de rôles, les participants reconnaissent, à un moment ou un autre, leur propre fonctionnement, ou encore celui de leur salarié, de leur associé ou de leur conjoint. Ils peuvent les décrypter et les décrire avec des mots. Les situations qu'ils observent vont les aider à mieux comprendre les réactions de leurs collaborateurs, sans que ceux-ci aient besoin de suivre eux-mêmes la formation. De retour sur leur exploitation, ils pourront mieux adapter leur comportement avec chacun d'eux.

Un vigneron qui saisit les informations de façon globale, par exemple, ne donne pas spontanément de détails pratiques à son salarié sur la tâche à exécuter. Si celui-ci a un profil concret et qu'il manque d'expérience, il aura du mal à accomplir cette tâche. Le vigneron peut penser que c'est par manque de motivation, alors que son salarié ne sait tout simplement pas comment s'y prendre. Il faudra juste lui donner des indications pratiques.

À l'inverse, un vigneron très concret détaille à son salarié tout ce qu'il doit faire. Si celui-ci est plutôt d'un style global, il pensera que son patron ne reconnaît pas ses compétences ! « Dans ce cas, il vaut mieux lui dire simplement ce que vous voulez obtenir comme résultat, et le laisser s'organiser à sa guise », suggère Frantz Caron.

Chercher son complémentaire plutôt que son semblable. De même, mieux vaut tenir compte du profil de votre salarié pour trouver la bonne façon de lui dire que quelque chose ne va pas dans son travail. « Un vigneron plutôt rationnel va exprimer directement ce qui ne le satisfait pas, en indiquant au salarié comment il aurait dû faire. Si celui-ci a un fonctionnement affectif, il va se sentir agressé, car il a du mal à faire la différence entre lui et son travail. Dans ce cas-là, mieux vaut prendre des gants et être moins direct dans la façon de s'exprimer », conseille-t-il.

A contrario, un salarié rationnel appréciera un commentaire direct. Si le vigneron, plutôt affectif, prend trop de précautions pour lui dire ce qui ne va pas, cela va énerver le salarié. Il se demandera pourquoi son patron tourne autour du pot et ce qu'il peut bien lui cacher.

Une fois que ces différences sont décryptées, ces mauvaises interprétations tombent d'elles-mêmes. « Comprendre le comportement des autres nous apporte un grand soulagement. On réalise alors qu'ils ne cherchent pas nécessairement à nous embêter en agissant de telle ou telle façon. Ils ont simplement une autre personnalité que la nôtre ! », souligne Claire Prévost.

Chercher à travailler avec des personnes du même profil que soi n'est pas pour autant une bonne idée, car on se prive des complémentarités qui font la richesse d'une équipe. « Nous avons accompagné un agriculteur et son second en utilisant le MBTI, raconte la conseillère. L'agriculteur, extraverti, avait un profil global, très visionnaire. Il a pu prendre conscience de sa personnalité et de celle de son second. Ce dernier, plus réservé mais très concret, était plus apte que lui à expliquer aux saisonniers ce qu'ils doivent faire. Il a ainsi vu sa différence valorisée et son rôle d'encadrement reconnu et renforcé. »

À chacun ses modes de fonctionnement

Le MBTI, ou Myers-Briggs Typology Indicator, est un indicateur de personnalité très utilisé dans les entreprises. Pour l'élaborer, il faut établir les préférences de la personne concernée dans quatre dimensions correspondant chacune à un aspect de son fonctionnement. Dans tout ce qui s'applique à la façon de saisir l'information, la personne peut être plutôt concrète, s'appuyant sur des faits détaillés, ou au contraire globale et synthétique. Les trois autres dimensions portent sur :

- la façon d'utiliser son énergie : la personne est-elle introvertie ou extravertie ?

- la manière de prendre des décisions : rationnelle ou affective ?

- la façon de s'organiser : en planifiant à l'avance ou au contraire en s'adaptant au fur et à mesure des événements de la journée ?

La combinaison de ces quatre aspects permet d'identifier le profil de chacun parmi seize grands types et de s'adapter en conséquence pour une meilleure communication.

Le Point de vue de

VIRGINIE BIGONNEAU, DU DOMAINE BIGONNEAU, À BRINAY (CHER)

« Une formation qui donne des clefs pour évoluer »

« J'avais envie d'avoir quelques clefs pour mieux gérer les relations avec nos quatre salariés permanents. En 2013, je me suis lancée dans une formation sur le management avec la chambre d'agriculture. J'y ai d'abord appris à mieux me connaître. Je suis d'un naturel plutôt réservé, j'ai pris conscience qu'il valait mieux l'accepter que vouloir le combattre. J'ai aussi découvert la diversité des comportements, et compris comment me positionner pour rentrer dans le mode de fonctionnement de l'autre. Après la formation, j'ai par exemple adapté la façon de donner des consignes à chacun de nos salariés. Certains ne comprennent pas bien ce qui est écrit, et se sentent dévalorisés de ce fait. Mieux vaut leur donner des indications orales et visuelles. Ils sont alors plus sûrs d'eux et font moins d'erreurs. De mon côté, je me sens mieux comprise et je gagne en confiance. C'est une évolution qui se fait dans la durée, au quotidien. J'ai pris conscience que c'est souvent le manque de compréhension mutuelle qui crée les problèmes relationnels ! Lorsque ceux-ci s'améliorent, c'est toute l'équipe qui gagne en efficacité. »

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