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Magazine - Histoire

Période : XIXe siècle Lieu : France Champagne. La ligue du négoce contre le phylloxéra

FLORENCE BAL - La vigne - n°267 - septembre 2014 - page 79

En 1898, 24 négociants créent l'Association viticole de Champagne pour lutter contre le phylloxéra. Elle existe toujours.
Ci-dessus : des planches de sciences naturelles de l'époque présentent le parasite. © MAISONS-CHAMPAGNE

Ci-dessus : des planches de sciences naturelles de l'époque présentent le parasite. © MAISONS-CHAMPAGNE

Les comptes rendus de l'AVC pour 1899. © CIVC

Les comptes rendus de l'AVC pour 1899. © CIVC

Le 1er mars 1898, le négoce prend la main face au phylloxéra. Ce jour-là, 24 négociants en vins de Champagne fondent l'Association viticole de Champagne (AVC), à Reims (Marne). Leur but : combattre le fléau. En créant l'AVC, ils pallient l'échec des vignerons champenois à mettre en place une lutte collective. La nouvelle association se substitue au syndicat antiphylloxérique, créé en 1891 et disparu dans la discorde en 1896.

Pourtant, les viticulteurs avaient pris les devants. Dès 1879, un comité central d'études et de vigilance du phylloxéra avait été créé en Champagne. À cette date, le parasite n'est encore qu'une lointaine menace pour la région. Onze ans plus tard, la donne change. « Il est signalé pour la première fois en 1890 à Tréloup, dans l'Aisne, à seulement quelques mètres de la Marne », raconte C. Moreau-Bérillon dans son livre « Au pays du Champagne »*. Dès lors, d'autres foyers apparaissent rapidement. Le fléau, apparu 25 ans plus tôt dans le Midi où il a déjà détruit le vignoble, continue son implacable progression. C'est le branle-bas de combat en Champagne.

Les vignerons ne croient pas au phylloxéra. Le 17 juillet 1891, une assemblée générale de vignerons crée une association syndicale autorisée de lutte contre le phylloxéra : le syndicat antiphylloxérique. « 17 370 propriétaires vignerons sur les 25 729 de la Marne, possédant 9 772 ha sur les 12 821 ha existants, adhèrent à ce syndicat, poursuit C. Moreau-Bérillon. Mais la commission chargée d'appliquer les mesures d'extinction d'un foyer découvert à Vincelles rencontra une opposition violente. [...] La plupart des vignerons ne croyaient pas au phylloxéra ; ils accusaient le commerce de Champagne de provoquer la baisse des prix des vins et l'avilissement de la propriété. »

En 1893, un rapport d'une commission de savants sur la situation en Champagne préconise « les traitements culturaux au sulfocarbonate de potassium, au sulfure de carbone dissous ou pur, les seuls reconnus efficaces, aidés par une bonne culture, par des fumures abondantes ». En réalité, seul le greffage sur des porte-greffes résistants pouvait sauver le vignoble, comme l'avaient démontré les scientifiques, dans le Sud, dès 1873.

En 1896, après une assemblée générale tumultueuse, le syndicat se disperse. Le 24 septembre 1896, des vignerons tentent de reprendre le flambeau en fondant la société vigneronne d'Avize et Cramant. Celle-ci crée une « pépinière américaine » pour multiplier des porte-greffes, organise des cours et des concours de greffage.

Mais le mal progresse. En 1898, 24 ha sont touchés. C'est alors que l'AVC entre en scène. « [...] Elle se donnait pour mission de lutter contre le phylloxéra avec du sulfure de carbone ou tout autre moyen », écrit François Bonal dans un article publié dans « La Champagne viticole »**, avant d'aider le moment venu « à la reconstitution du vignoble ».

L'AVC met en place une commission technique pour réaliser les expérimentations de lutte contre le fléau, puis pour aider les vignerons et organiser des cours de greffage. Avec les syndicats communaux (130 en 1913), l'AVC distribue des porte-greffes et des subventions. La Première Guerre mondiale stoppe cet élan salvateur. Le vignoble est ravagé et détruit à 40 %. Au lendemain de la guerre, « il n'y avait plus que 6 000 ha en rapport, dont 2 650 ha seulement de vignes greffées », souligne François Bonal.

1930 : la reconstitution du vignoble touche à son terme. Après la guerre, l'AVC reprend son activité. Elle participe à la reconstitution et apporte une aide technique aux vignerons. L'association s'établit à Épernay (Marne). Son champ d'action s'élargit à d'autres maladies et à la culture de la vigne. « La maison Moet-Chandon met à sa disposition son établissement de recherche du Fort Chabrol. En 1930, la reconstitution du vignoble touche enfin à son terme avec 8 850 ha reconstitués. Il ne restait plus alors que 560 ha de vignes françaises (franches de pied, NDLR). »

En 1941, en pleine Seconde Guerre mondiale, le gouvernement de Vichy réglemente les relations entre vignerons et maisons de Champagne par la création du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC), chargé de défendre et de promouvoir l'AOC. En 1958, les services techniques de l'AVC fusionnent avec ceux du CIVC. L'AVC existe toujours, mais elle a surtout une mission pédagogique, les expérimentations étant réalisées par les services techniques de l'interprofession.

*« Au pays du Champagne », C. Moreau-Bérillon, documentation du CIVC.**L'association viticole de Champagne, par François Bonal, dans« La Champagne viticole », mars 1998.

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