Un engrais vert est cultivé non pour être récolté mais pour être restitué au sol afin d'améliorer sa fertilité. Depuis 2011, l'IFV Sud-ouest en évalue l'intérêt en viticulture. Pour des questions d'organisation du travail, les chercheurs se sont d'abord intéressés à des espèces qui peuvent être semées après les vendanges. Ensuite, l'expérimentation s'est déroulée en deux temps. En premier lieu, l'IFV a cherché à évaluer différents types de couverts végétaux. Dans un second temps, les travaux ont porté sur différents modes de destruction de l'engrais vert.
L'étude a été réalisée sur la parcelle d'un vigneron gaillacois, plantée de duras N, à 4 545 ceps/ha (2 m x 1,10 m). Dans cette vigne conduite en IGP, l'objectif de production est élevé. Le sol sous le rang est désherbé chimiquement. Chaque modalité comprend quatre interrangs.
Le choix d'un engrais vert. En 2011, Laure Gontier, ingénieur agronome spécialisée dans la science des sols, a comparé trois types de couverts : le premier à base de graminées (avoine diploïde, orge commune), le deuxième composé de crucifères (navette, moutarde blanche, radis chinois) et le troisième réalisé avec une légumineuse : la féverole d'hiver (Vicia faba). Ces trois modalités ont été semées en octobre 2010 pour les détruire entre le 1er et le 10 mai 2011 lors d'un roulage sans enfouissement. Les résidus végétaux sont restés en tant que mulch sur le sol. Le témoin a été conduit en enherbement naturel.
Au moment de la destruction, le couvert de féverole est de loin le plus dense. Il présente une biomasse aérienne de 3,5 tonnes de matière sèche par hectare, ce qui est très supérieur au témoin (0,6 tMS/ha), au couvert de graminées (0,8 tMS/ha) et à celui de crucifères (1,3 tMS/ha). La teneur en azote de cette espèce est égale à 2,8 % de la matière sèche, ce qui est nettement supérieur aux autres espèces car les légumineuses sont capables de fixer l'azote atmosphérique. Laure Gontier souligne « qu'on peut estimer qu'environ 50 % du contenu initial en azote sera restitué au sol sous forme d'azote assimilable par la vigne et que le reste sera intégré à la matière organique stable du sol ».
L'agronome s'est également penchée sur le fonctionnement de la vigne. Elle a constaté une diminution du rendement d'environ 17 % avec les mélanges de crucifères et de graminées, en comparaison au témoin. Avec ces deux engrais verts, elle a mesuré 3,85 kg/cep contre 4,60 kg/cep avec l'enherbement naturel. Avec la féverole, le rendement s'établit à 4,12 kg/cep, un niveau équivalent au témoin. Par ailleurs, les engrais verts n'ont eu aucun impact sur le poids des sarments après une première année de pratique.
La teneur en azote assimilable des moûts à la récolte est, en revanche, significativement supérieure avec le couvert de féverole. Elle s'élève à 268 mg/l, soit 19 % de plus que le témoin. Quant aux deux autres engrais verts, ils sont équivalents à cette référence.
Plusieurs types de destruction ont été testés. Suite à ces résultats, Laure Gontier s'est concentrée sur la féverole d'hiver. À l'automne 2011, elle l'a choisie comme « modèle » afin de comparer différentes modalités de destruction du couvert et leurs conséquences sur l'évolution du stock d'azote minéral dans le sol et sur la vigne.
L'engrais vert, semé en octobre 2011, a été détruit en mai 2012 de trois façons : par roulage afin de laisser un mulch sur le sol, par broyage avec déport sous le rang des résidus végétaux non enfouis ou par broyage suivi d'un enfouissement de la végétation dans l'interrang.
Bien qu'il ait été touché par le gel en février 2012 (minimum de -12°C), le couvert de féverole présente une biomasse de 2,4 t de MS/ha au moment de sa destruction, contre 1,4 t de MS/ha pour l'enherbement spontané. Pour l'IFV, malgré une forte diminution du recouvrement par rapport à 2011, « ces résultats confirment l'intérêt de la féverole comme couverture hivernale dans des conditions de semis tardifs. Le fort pouvoir germinatif de cette espèce lui permet de s'installer dans une large gamme de conditions climatiques ».
Mais l'incidence majeure de la féverole porte, comme en 2011, sur la teneur en azote assimilable dans les moûts. En 2012, les moûts issus de la modalité témoin en contiennent seulement 140 mg/l. La féverole montre alors tout son intérêt avec un avantage très marqué pour les destructions par broyage-enfouissement et roulage-mulch. En effet, ces deux modalités montrent une augmentation de la teneur en azote assimilable des moûts de 65 %. La modalité broyage puis déport sous le rang enregistre une hausse plus modérée de 30 %.
En 2013, cette tendance s'est confirmée avec une augmentation de la teneur en azote de +40 % en moyenne sur les modalités ayant reçu un engrais vert à base de légumineuse. Laure Gontier remarque qu'« en 2013, nous avons constaté une augmentation significative du taux de débourrement sur la modalité broyage-enfouissement ainsi qu'une augmentation de 30 % du poids des bois de taille sur broyage-enfouissement et roulage-mulch ».
Elle souligne alors « la nécessité d'évaluer l'effet cumulatif de cette pratique. Lorsqu'on met en place un engrais vert riche en azote, cela équivaut à apporter un engrais azoté et donc, à terme, de voir apparaître les mêmes incidences : augmentation de la vigueur et sensibilité accrue aux maladies ». Si l'on considère que le couvert s'étend sur un tiers de la parcelle et que 50 % de l'azote qu'il contient est restitué au sol sous forme assimilable, en moyenne, vingt unités d'azote ont été apportées par an et par hectare.
Le choix d'un engrais vert est donc nécessairement à adapter selon ses objectifs de production et les caractéristiques agronomiques de la parcelle.
Mélanger les espèces
En pratique, Laure Gontier suggère « de jouer sur le choix d'un mélange d'espèce et de l'adapter en fonction des objectifs de production et de la nature du sol. Il existe une trentaine d'espèces utilisables en engrais vert qui appartiennent à différentes familles ». Par exemple, les légumineuses favorisent la fourniture en azote. Les graminées, dont la densité racinaire est importante, sont souvent utilisées pour améliorer la structure du sol. Tout comme les crucifères, qui grâce à leur système racinaire pivotant, permettent une restructuration en profondeur. Laure Gontier explique « que tout est possible. On peut aussi choisir de semer un engrais vert qu'un an sur trois ».
Les clés d'un semis réussi
Il est préférable de réaliser le semis rapidement après la vendange afin de bénéficier de températures assez clémentes et des pluies automnales. Laure Gontier explique que « avec un semoir classique, les rangs doivent être préparés (un ou deux passages d'outils, NDLR) pour que l'état du sol favorise le contact entre le sol et la graine. Si l'on dispose d'un semis direct sous couvert, aucune préparation n'est requise ».
L'utilisation d'épandeur est déconseillée car les graines pourraient être projetées sous le rang. Enfin, un roulage après semis permet d'appuyer les graines au sol ; leur levée en est alors facilitée. Dans le cas de la féverole, la dose de semis se situe entre 160 et 200 kg/ha en plein, soit 30 kg pour un semis d'un demi-interrang (30 % de la surface), ce qui correspond à un prix d'environ 50 euros par hectare.