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VENDRE - Paroles de consommateurs

Au Grenier à Vins, un caviste d'Avignon (Vaucluse) « L'étiquette doit respirer la terre, le terroir, la France quoi ! »

CHANTAL SARRAZIN - La vigne - n°268 - octobre 2014 - page 64

« La Vigne » a interrogé les clients du Grenier à Vins, caviste à Avignon (Vaucluse), au sujet de leurs goûts en matière d'étiquette. Résultat : ils veulent du classique, de l'élégance et de la clarté. Ils ne cèdent à l'originalité que s'ils sont conseillés.
Demetrio, carrossier « Allongée (à droite), elle a de l'allure. Trop chargée (à gauche), je ne suis pas tenté. »

Demetrio, carrossier « Allongée (à droite), elle a de l'allure. Trop chargée (à gauche), je ne suis pas tenté. »

Nancy, photographe « Rouge et argentée, elle est attractive à l'oeil. Il y a de l'harmonie entre les éléments graphiques. »

Nancy, photographe « Rouge et argentée, elle est attractive à l'oeil. Il y a de l'harmonie entre les éléments graphiques. »

Grégory, tatoueur « Je les aime beiges au papier épais : château, vignes, blason... tout évoque l'univers du vin. »

Grégory, tatoueur « Je les aime beiges au papier épais : château, vignes, blason... tout évoque l'univers du vin. »

Aurélie, comptable « J'y suis peu attentive. Mais je suis séduite par l'étiquette sobre et lisible de ce Château Unang. »

Aurélie, comptable « J'y suis peu attentive. Mais je suis séduite par l'étiquette sobre et lisible de ce Château Unang. »

Yann, agent immobilier « J'apprécie quand la police de caractère, et les illustrations traduisent une certaine authenticité. »

Yann, agent immobilier « J'apprécie quand la police de caractère, et les illustrations traduisent une certaine authenticité. »

Frédéric, commercial « J'aime quand elles font vieilles. Cette bouteille véhicule la tradition, l'authenticité et le prestige. »

Frédéric, commercial « J'aime quand elles font vieilles. Cette bouteille véhicule la tradition, l'authenticité et le prestige. »

Jean, développeur « Trop succincte, ça intrigue. On se demande ce que ça cache et ce n'est pas toujours rassurant. »

Jean, développeur « Trop succincte, ça intrigue. On se demande ce que ça cache et ce n'est pas toujours rassurant. »

Les études réalisées sur les goûts des consommateurs en matière d'étiquettes se rejoignent. Elles indiquent qu'ils recherchent du classique, du conventionnel : un château, une bâtisse, un blason, une gravure... La fantaisie, la sobriété et le dépouillement les laissent songeurs. Les clients du Grenier à Vins en Avignon ne font pas exception. « J'aime les étiquettes qui font vieilles ! », va même jusqu'à dire Frédéric, cadre commercial, un habitué de cette boutique ouverte il y a deux ans par Frédéric Piallat. Située dans la zone d'activité d'Agroparc au sud de la ville, ce caviste attire les actifs qui y travaillent et les quelques résidents du quartier. Les vins de la vallée du Rhône forment 30 à 35 % de son assortiment.

À voir Grégory, tatoueur de son état, lui-même couvert de tatouages, on pourrait penser qu'il est sur une autre longueur d'onde. Mais non. Le genre d'étiquette qu'il apprécie ? Il répond sans une once d'hésitation : « Celles qui respirent la terre, le terroir, la France quoi ! » Et de nous désigner le Château Haut-Marbuzet (saint-estèphe) illustré d'une bâtisse imposante et le Château Vray Croix de Gay (pomerol) qui arbore une gravure du vignoble, la silhouette et le blason du château. Ou encore le pouilly-fumé du domaine Marc Deschamps dont l'étiquette est entourée d'un large filet doré avec, en toile de fond, les vignes et la propriété. Grégory l'aime pour une autre raison : « Tout est indiqué dessus. » À savoir : le nom de la cuvée et de l'appellation, la mention « mise en bouteille à la propriété par Marc Dechamps - vigneron », la commune, le département et, en prime, le macaron de la médaille de bronze du concours général agricole 2012. « J'ai besoin de savoir d'où vient le vin, par qui il a été élaboré, l'année... », insiste Grégory.

Trop dépouillée, l'étiquette du Château de Fosse Sèche, un saumur, lui déplaît. Sur un fond blanc, elle se contente de donner trois informations : le nom du château, de la cuvée et des vignerons. L'appellation n'est pas mentionnée. « On ne sait pas d'où ça provient. Cette étiquette n'évoque pas l'univers du vin, ni par le texte, ni par l'illustration », regrette le tatoueur.

Jean, développeur informatique, affirme qu'il ne fait « pas attention au design des étiquettes ». Il reconnaît cependant être circonspect devant le minimalisme de certaines créations. « On se demande ce que ça cache », ajoute-t-il en sortant d'une caisse en bois située à l'entrée du magasin une bouteille dont le visuel se résume à une cigale grattant une guitare avec au-dessus le nom de la cuvée The Cicada. « C'est quoi ? » demande-t-il au caviste. « Un vin de pays de la Méditerranée du domaine Chante Cigale, à Châteauneuf-du-Pape, répond ce dernier. Il provient de jeunes parcelles. » Le jeune développeur opine du chef. Pour lui, c'est typiquement le genre de bouteille sur laquelle le caviste doit donner des indications à ses clients.

Au moment de l'acte d'achat, l'attrait pour le conformisme fait pencher la balance. Frédéric, cadre commercial pressé de rentrer chez lui, cherche un tavel pour le repas du soir. Le caviste lui propose deux cuvées différentes du Château de Trinquevedel. Sur la première bouteille, la gravure du château apparaît sur papier crème. Sur la seconde, le mot « Trinquevedel » occupe toute l'étiquette. Il est écrit en grandes lettres bâton, en corps gras, sur quatre lignes coupées sans respecter les syllabes. On croirait du pop art ! Immédiatement, Frédéric choisit la première. « Je préfère les étiquettes traditionnelles, avoue-t-il. J'aime aussi les choses plus modernes, mais avec des éléments qui évoquent la tradition. » Comme l'étiquette du domaine de La Vallongue aux Baux-de-Provence, en deux parties. Sur celle du haut figurent le nom du domaine et de l'appellation surmontés d'un blason bleu profond satiné et en relief. La partie basse, elle, porte le nom de la cuvée Garrigues en lettres blanches sur fond bleu également.

Clarté des informations et élégance. Les étiquettes trop graphiques ou trop bariolées ne font pas l'unanimité. « Je m'en méfie. J'ai souvent été déçue par la qualité des vins correspondants ! », avoue Aurélie, comptable.

« C'est peut-être joli visuellement, mais on n'y comprend rien ! », renchérit Demetrio, carrossier. Tous deux sont sensibles à la clarté des informations. Pour eux, le nom du domaine, de l'appellation, le millésime et le metteur en bouteille doivent apparaître. « Ce doit être lisible et élégant à la fois, reprend Demetrio. C'est pour cela que j'aime les étiquettes aux formes allongées, elles apportent une belle ligne à la bouteille. »

Alors, faut-il jeter l'anticonformisme aux orties ? Pas si sûr. Si les hommes restent attachés à la tradition, les femmes se montrent plus ouvertes. « J'aime ce qui est épuré et qui sort de l'ordinaire », annonce Nancy, photographe. L'oeil aguerri, elle ajoute : « À condition toutefois que l'ensemble véhicule une vraie identité et que la recherche sur les formes, la couleur, le graphisme soient en adéquation avec le produit. » Le caviste apprécie également les bouteilles originales (voir encadré) car elles demandent à être expliquées aux clients. Elles lui permettent de valoriser son expertise, de proposer des découvertes.

Au-delà des formes et des couleurs, les acheteurs du Grenier à Vins disent lire systématiquement deux mentions : l'appellation et l'identité du metteur en bouteille. « Bandol, je connais, alors j'achète sans hésiter !, lance Demetrio. Je regarde aussi le nom de l'embouteilleur, si c'est bien un producteur. »

Seul Frédéric, le cadre commercial, pousse la lecture un plus loin : « Je regarde l'origine du vin et, à chaque fois, l'année et le degré. » Il bannit les bouteilles titrant plus de 13,5°. « 12,5° c'est parfait ! » Quant au millésime, cet amateur de blancs de Bourgogne et de la Loire se tourne vers les vins âgés d'un à deux ans par crainte que ceux de l'année de la récolte soient « trop verts ».

La majorité des clients du magasin décrypte aussi les contre-étiquettes pour savoir si le vin est bien élaboré par un vigneron, connaître la durée de garde, la température de service et les meilleurs accords entre les mets et les vins. Nancy veut ainsi des indications sur le profil du vin : « Quand je vois "fruité" ou "sec", j'achète ! indique-t-elle. Car ce sont les qualités que j'apprécie. » En revanche, la composition exacte des assemblages, la nature des sols ou les techniques de vinification intéressent peu les clients.

Yann, agent immobilier, plaisante : « Sur les rosés, je regarde la présence ou non de sulfites, pour éviter d'avoir mal à la tête ! » Plus sérieusement, il ajoute : « Dommage qu'on ne sache pas quelle quantité chaque vin en renferme.

« Je ne m'attendais pas à autant de conformisme ! »

Frédéric Piallat s'est montré surpris des goûts de ses clients en matière d'étiquettes. « Je ne m'attendais pas à autant de conformisme ! », souligne-t-il. D'autant que, de son côté, il est attiré par les étiquettes originales et humoristiques. L'une de ses préférées est la cuvée Merlot L'Enchanteur du Mas du Chêne, en vin de France. Elle affiche la reproduction d'un paysage de vignes, coloré et un brin naïf, entouré d'étoiles. Dans un genre similaire, il aime aussi l'étiquette du domaine savoyard Giachino, illustrée d'un personnage, proche de la bande dessinée, dansant devant une guirlande de lampions. Hormi le nom du domaine et de la cuvée, aucune autre mention n'y apparaît. Les deux choix du caviste sont à l'opposé de ceux de ses clients. « Chez un caviste, les acheteurs sont moins attentifs au style des étiquettes qu'en grande distribution, précise Frédéric Piallat. Ils prisent le conseil et je peux donc me permettre de les orienter vers des illustrations en dehors des codes. » Selon lui, les étiquettes de couleur (rouge, orange, rose) attirent l'oeil, de même que les dorures. Il observe que le domaine de la Vallongue avec son étiquette en deux parties aux lettres bleu soutenu et un effet satiné rencontre un franc succès.

LES CONSEILS

- Privilégiez la clarté des informations. Indiquez, de manière bien apparente, le nom de votre domaine, l'appellation et le millésime.

- Mettez en avant votre identité de vigneron sur l'étiquette faciale ou sur la contre-étiquette.

- Si vous possédez un élément de patrimoine comme un blason ou un insigne, rappelez-le sur vos étiquettes.

- Restez proche de l'univers classique du vin. Attention aux créations graphiques trop chargées ou, à l'inverse, trop dépouillées.

- Soignez le texte de la contre-étiquette. Elle doit parler de vous et donner des informations pratiques sur les accords mets/vins, la durée de garde, le profil du vin, etc.

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