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GÉRER - Interview

FRÉDÉRIC CHENU, coach en entreprise « Osez aborder les sujets délicats »

PROPOS RECUEILLIS PAR FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°268 - octobre 2014 - page 73

Il y a des sujets que l'on redoute d'aborder avec ses salariés ou associés. Voici les conseils de Frédéric Chenu pour se lancer dans un esprit positif.

En s'appuyant sur sa double culture de l'entreprise et du développement personnel, Frédéric Chenu a créé Change Over en 2006. Son équipe de coachs aide les managers à instaurer des relations de coopération avec leurs collaborateurs. Il nous explique comment préparer puis mener une conversation au cours de laquelle il faut expliquer à son interlocuteur pourquoi l'on n'est pas satisfait de lui en vue d'obtenir une amélioration.

Qu'est-ce qu'une conversation courageuse ?

Frédéric Chenu : C'est celle que l'on évite ! Pourtant, si on souhaite un changement dans le comportement de l'autre, il faut lui parler de ce qui pose un problème. Mais les personnes timides craignent la confrontation. Et celles qui sont impulsives ont peur d'être agressives. Entre les deux, il y a une façon posée d'aborder le sujet, pour rechercher une solution négociée avec la personne concernée.

Dans quelles circonstances y avoir recours ?

F. C. : C'est une conversation à tenir lorsque vous n'êtes pas satisfait du travail de votre salarié, ou que votre associé vous laisse une trop grande part des tâches et que vous avez envie que cela change. Ne réagissez pas à chaud lorsque vous êtes énervé. Prenez le temps de vous préparer et de réfléchir à ce dont vous avez besoin pour que la situation s'améliore. Puis trouvez un moment pour en discuter en tête à tête avec cette personne.

Comment démarrer cette conversation ?

F. C. : Il y a quatre étapes, qui s'inspirent des principes de la communication non violente. Commencez par décrire ce que vous avez constaté, en présentant les faits de la façon la plus objective possible. Puis détaillez les conséquences sur l'entreprise. Si votre salarié n'a pas nettoyé la benne à vendange le soir, par exemple, il a fallu le faire le lendemain matin, ce qui a retardé toute l'équipe des vendangeurs. Dans une deuxième étape, exprimez ce que vous avez ressenti, sans juger l'autre mais en parlant de vos propres sentiments : « J'étais en colère car, pour moi, c'est important de démarrer à l'heure le matin » ; « Je suis déçu car je t'avais délégué cette tâche ».

Pourquoi est-ce important de dire son ressenti ?

F. C. : En parlant de vous, et non de l'autre, vous évitez de le critiquer, ce qui pourrait le blesser et l'amener à prendre une posture de défense. Cela crée une meilleure base de discussion que si vous abordiez le problème de façon autoritaire. Vous vous placez au même niveau que l'autre et vous lui montrez votre confiance. Pour un manager, cela peut demander de faire preuve d'humilité. Cette attitude d'ouverture n'est pas innée. Elle facilite la communication dans toutes les relations, pas seulement au travail. Vous pouvez, par exemple, vous entraîner avec vos enfants. C'est en pratiquant qu'on arrive à changer ses habitudes de communication et à adopter une réelle attitude de bienveillance.

Comment poursuivre la conversation ?

F. C. : Dans une troisième étape, exprimez vos besoins, en disant par exemple à votre salarié que pour que les vendanges se passent au mieux, vous avez besoin de pouvoir compter sur vos collaborateurs. Expliquez-lui pourquoi c'est important pour vous. Souvent, les émotions négatives comme la colère viennent de besoins non satisfaits, pas toujours clairement identifiés.

Et sur quoi conclure ?

F. C. : Dans une dernière étape, faites une demande précise, formulée de façon positive et tournée vers l'avenir. Évitez par exemple de dire « n'oublie plus de laver la benne le soir », car cela va déstabiliser votre salarié en jetant un doute sur ses capacités ou son sérieux, mais plutôt « je te demande de faire dorénavant le lavage avant 17 heures ». Prenez le temps de l'écouter. Laissez-le s'exprimer à son tour et se justifier s'il le souhaite. Puis revenez à votre demande. S'il a des objections à formuler, discutez-en avec lui et cherchez une solution qui convienne aux deux partis. Pour que votre salarié puisse faire ce lavage dans les temps, il faudra peut-être revoir l'organisation de sa journée.

Qu'est-ce qui demande du courage ?

F. C. : Parler de ses émotions, de ses besoins, formuler une demande, c'est s'ouvrir à l'autre, montrer sa vulnérabilité. Cela peut être déstabilisant. Il y a une prise de risque, car la solution n'est pas écrite à l'avance. Il faut accepter de cheminer à deux. Mais si vous arrivez à établir un plan d'action qui convient aux deux, avec des objectifs de changement concrets, vous remotivez votre collaborateur. Si vous lui aviez seulement fait des reproches en le sommant de ne pas recommencer, cela n'aurait pas donné les mêmes résultats.

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