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À LA VIGNE - NOVEMBRE

Des fermentations très rapides

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°269 - novembre 2014 - page 8

Les raisins et les moûts étant riches en levures et en azote, les fermentations n'ont pas traîné.

C'est la caractéristique de l'année. Les fermentations alcooliques ont démarré très rapidement et quelquefois de manière intempestive. « Il y avait une flore microbienne importante. Parfois, les raisins ont commencé à fermenter dans les bennes avec les levures indigènes. Nous avons donc conseillé de levurer très tôt, dès le premier remplissage de la cuve. Lorsque le transport était long, nous avons même conseillé d'ajouter les levures directement dans la benne à vendange », explique Sabine Jullien, oenologue à l'ICV au centre oenologique de l'Hérault, à Béziers.

Thomas Benard, oenologue chez Aix Œnologie, confirme : « Sur les rouges on a conseillé moins de macération préfermentaire à froid, car les fermentations partaient toutes seules. »

Mêmes échos dans les Côtes-du-Rhône et le Bordelais. « Les degrés d'alcool étaient raisonnables, les températures extérieures élevées et la flore abondante. Les fermentations sont parties rapidement », rapporte Olivier Roustang, de Rhône Œnologie Wine Consulting. « Sur les blancs, il y a eu des départs avant le débourbage, même à froid », ajoute Henri-Claude Ducourneau, du centre oenologique de Cadillac.

Les LSA ne sont pas imposées. En Côte-d'Or, Éric Granjean, du centre oenologique de Bourgogne, a fait le point sur ces populations de levures importantes. « Il y a eu beaucoup de fermentations spontanées et beaucoup de vins levurés où les LSA ne se sont pas imposées. Dans les essais que nous suivons sur les blancs, nous avons mesuré 10 000 à 1 million de levures/ml de moût avant ensemencement. Nous avons effectué des contrôles d'implantation. Dans un cas sur trois, les LSA ne se sont pas imposées. Elles ne représentaient que 10 à 30 % des populations levuriennes durant la fermentation », rapporte-t-il.

Des moûts riches en azote assimilable. Un autre facteur a contribué au déclenchement rapide des fermentations alcooliques : la richesse des moûts en azote assimilable. « Sur le riesling, le cépage généralement le plus pauvre, nous avions 150 à 200 mg/l d'azote assimilable alors qu'habituellement on est en dessous de 100 mg/l », indique Stéphane Gresser, du laboratoire du même nom en Alsace. Même constat en Bourgogne, à Gaillac, dans l'Hérault et dans le Centre « Sur le sauvignon, nous tournons autour de 160 à 170 mg/l, soit les teneurs les plus élevées de ces six dernières années. On a eu une bonne minéralisation de l'azote du fait des pluies et des températures hautes », explique Bertrand Daulny, de la Sicavac.

Dans l'ensemble, les fermentations alcooliques se sont bien déroulées et ont été rapides.

À Sancerre, « les ralentissements ont été rares », note Bertrand Daulny. Dans le Biterrois, les FA se sont déroulées entre une semaine et dix jours pour les rouges. Pour les blancs et les rosés, elles se sont étalées sur troissemaines à un mois contre un mois et demi à deux mois habituellement.

Un mois et demi d'avance. Les fermentations malolactiques se sont aussi enclenchées très rapidement, parfois même sous marc. « Certaines ont été pliées en deux jours », rapporte Olivier Roustang. Dans le Médoc, « les vignerons sulfitent moins la vendange et il y avait 0,5 à 1 g/l d'acide malique de plus qu'une année classique. Dans ces conditions, beaucoup de malos se sont faites sous marc. Mais il n'y a pas eu de problème de volatile », indique Christophe Coupez, du centre oenologique de Pauillac.

Dans les Côtes-du-Rhône, bien des vins sont déjà stabilisés et pré-assemblés. « On a un mois à un mois et demi d'avance par rapport à l'an passé », indique Olivier Roustang. Une bonne chose car, du fait de la rareté des stocks, les courtiers et négociants tournent déjà dans les caves.

Peu de volatile, malgré la pourriture acide

La pourriture acide a joué les trouble-fête. La maladie a été particulièrement présente en Provence. Par endroits, elle a forcé les viticulteurs à rentrer des raisins en sous-maturité devant la dégradation de l'état sanitaire. C'est à ce prix-là qu'ils ont récolté une vendange saine. En Alsace, la pourriture acide a été très présente sur le gewurztraminer, le pinot noir et le pinot gris. Mais il n'y a pas eu de montée de volatile en cours de FA car les viticulteurs ont bien trié lors de la récolte. En Bourgogne, quelques parcelles de rouge ont été concernées par la piqûre acétique mais, là encore, les viticulteurs ont trié, ce qui a engendré des pertes de volume mais sauvé la qualité des vins.

Paul Dussourt, vigneron à Scherwiller (Bas-Rhin), 11,8 ha de vignes « Un suivi rigoureux»

 © M. FAGGIANO

© M. FAGGIANO

« J'ai démarré la vendange des crémants le 9 septembre et celle des vins tranquilles le 15 septembre. Pour les crémants, l'état sanitaire était correct. Pour les autres vins, c'était variable selon les parcelles. J'ai eu des attaques de drosophiles dans les vignes situées en plaine, notamment sur le gewurztraminer et le muscat d'Alsace rouge.

Sur ce cépage, nous avons eu en plus des éclatements de baies, après quoi les drosophiles se sont ruées dessus. Je n'ai pas pu récolter ces parcelles. Ailleurs, j'ai effectué un tri sévère. Du coup, je n'ai pas eu de problème de montée de volatile lors des vinifications.

Il fallait être vigilant et faire un suivi rigoureux, car il y avait une flore assez abondante sur les baies : des bactéries et des levures indésirables. J'ai refroidi les jus à 10 °C à la sortie du pressoir et je les ai sulfités entre 3 et 4 g/hl.

Ensuite, j'ai débourbé assez serré. J'ai filtré les bourbes dans la foulée pour éviter qu'elles fermentent. Les fermentations se sont enclenchées rapidement.

Cette année, je n'ai pas eu besoin de complémenter les moûts en azote assimilable car ils étaient bien pourvus. Par exemple, sur le sylvaner, j'avais 45 mg/l d'azote ammoniacal contre 17 mg/l en 2013, et 100 mg/l d'azote aminé contre 87 mg/l en 2013.

Actuellement, mes vins sont soutirés. Je vais réintroduire des lies pour les enrichir en gras.

Pour les rieslings et les sylvaners, c'est un bon millésime, supérieur à ceux de 2012 et 2013. Les vins sont très frais, très aromatiques. »

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