La certification Haute valeur environnementale est une démarche officielle. Elle découle du Grenelle de l'environnement. L'objectif : distinguer les exploitations agricoles qui respectent l'environnement, des autres. Cette certification séduit les viticulteurs. Selon le ministère de l'Agriculture, depuis son lancement fin 2011, 138 exploitations agricoles l'ont décrochée (chiffres arrêtés au 10 octobre 2014). Plus de 85 % d'entre elles sont des exploitations viticoles.
Un besoin d'expliquer leur métier « Les viticulteurs certifiés ont tous accès aux marchés. Ils se confrontent aux acheteurs. Ils ont besoin d'expliquer leur métier et de le faire reconnaître. L'image du viticulteur assis sur son tracteur qui traite ses vignes en laissant un nuage de produit derrière lui est encore bien ancrée. Cet été, l'affaire des écoliers intoxiqués dans le Bordelais après un traitement des vignes situées à proximité a donné une mauvaise image de la profession. Les viticulteurs ont donc besoin d'expliquer qu'ils font des efforts », justifie Fabien Zedde, le directeur d'Ocacia, un des organismes en charge du contrôle des exploitations HVE.
« HVE est plus facile à valoriser sur une bouteille de vin que sur un autre produit agricole. Les viticulteurs sont également plus en avance sur les démarches qualité et environnementales que les autres filières », ajoute Stéphane Delhoume, d'Afnor Certification.
Tous les domaines certifiés avaient déjà mis en place des actions en faveur de l'environnement. Beaucoup détenaient déjà d'autres certifications comme Terra Vitis, agriculture raisonnée, Area, Qualenvi ou SME du vin de Bordeaux. « Ce sont des vignerons moteurs qui veulent communiquer sur les efforts qu'ils font », précise Stéphane Delhoume.
Les pionniers sont champenois : Éric Rodez, viticulteur bio à Ambonnay, dans la Marne, et l'exploitation viticole de la maison de Champagne Bollinger, à Ay (Marne), certifiés en mai 2012. Tous deux ont bénéficié des conseils de Gérard Cattin, de la chambre d'agriculture de la Marne, qui a été le premier conseiller à prendre en main cette certification et à accompagner les domaines qui voulaient se lancer. Éric Rodez et Bollinger ont été suivis par deux vignerons indépendants de la Marne : Michel Loriot, du domaine du même nom, à Festigny, et Jean-Pierre Vazard, du domaine Vazard-Coquart, à Chouilly.
Toutes les régions représentées. Désormais, selon les organismes certificateurs, toutes les régions sont représentées et tous les vignobles s'y intéressent.
Les Vignerons indépendants de France (Vif) se sont engouffrés dans la démarche. Ce syndicat a mis en place un dispositif d'accompagnement de ses adhérents. Il a également signé des conventions de partenariat avec la chambre d'agriculture de la Marne et celle des Pays de la Loire. « Nous avons fait une vingtaine de formations dans toutes les régions et touché une centaine de viticulteurs. 60 % d'entre eux avaient le niveau pour obtenir la certification HVE mais seuls 40 à 45 % ont sauté le pas », rapporte Laurent Brault, chargé du projet.
Cette formation intitulée « Passeport vers la haute valeur environnementale » se déroule pendant deux jours. Elle peut être financée par Vivea ou le Fafsea dans le cadre des plans de formation. Une centaine d'euros reste à la charge du viticulteur. Lors de ce stage, les participants découvrent en quoi consiste la certification HVE et quelles sont les conditions pour l'obtenir. Ils apprennent à calculer les différents indicateurs de performance selon les deux options de la certification (A ou B) et peuvent voir où ils se situent. S'ils n'ont pas le niveau pour décrocher la HVE, ils peuvent discuter avec le formateur et les autres participants des améliorations à mettre en place.
« Il n'y a rien d'insurmontable dans le processus ni dans les exigences de la certification HVE. Elle est bien adaptée aux très petites entreprises, insiste Laurent Brol. Elle permet aussi de fédérer les viticulteurs, car elle intéresse tous ceux qui font des efforts environnementaux, qu'ils soient bio ou pas. »
Au 6 octobre, 75 membres des Vignerons indépendants de France avaient ainsi décroché la certification HVE. La plupart ont suivi le stage, d'autres se sont lancés seuls. À l'avenir, leur nombre devrait augmenter. En effet, le sondage effectué en juin dernier par les Vif dans le cadre de leur observatoire montre que 2,1 % des adhérents sont aujourd'hui certifiés HVE et que 25 % s'y intéressent et aimeraient s'engager dans la démarche. « Si leurs intentions se concrétisent, en 2017, 27 % de nos adhérents devraient donc être certifiés HVE », calcule Claudine Colon, en charge de l'observatoire des Vif.
En Bourgogne, l'ODG de Gevrey-Chambertin est ambitieux. « Nous voulons amener le plus de viticulteurs possible vers la certification HVE, car elle va beaucoup plus loin que le bio. Nous voulons aussi valoriser les efforts déjà faits : lutte raisonnée, plate-forme de stockage des marcs avec récupération des jus, réalisation d'un diagnostic environnemental à l'échelle de notre appellation... », assure Jean-Michel Guillon, son président. L'ODG compte 240 adhérents. Huit domaines se sont d'ores et déjà inscrits et vont être accompagnés par la chambre d'agriculture. L'objectif est qu'ils soient certifiés en 2015 à l'issue de la campagne phytosanitaire. L'ODG a fait une demande de financement auprès du BIVB pour que ce dernier prenne en charge 50 % du coût de la formation et de l'audit des exploitations.
Un nouveau défi pour Listel. Mais HVE séduit aussi le négoce et les coopératives. Listel a entrepris la démarche pour sa structure amont « Les Grands Domaines du littoral » qui comprend 2 000 hectares de vignes et autant d'espaces naturels. « 70 % de nos propriétés ont déjà le niveau 2 de la certification environnementale car elles étaient qualifiées Agriculture raisonnée. Alors, autant aller vers l'excellence et décrocher la HVE. C'est un nouveau défi pour les régisseurs sur le terrain. Pour le moment, nous expérimentons la HVE sur une structure : le domaine Daladel qui comprend 700 ha. Puis les autres devraient suivre courant 2015. C'est une démarche complexe à mettre en oeuvre, car on rentre vraiment dans le détail de la vie de la structure. Pour notre entreprise, il y a un gros travail administratif à mener. Je comprends que certains viticulteurs hésitent à y aller sans être accompagnés », rapporte Lætitia Carbonell, la responsable des domaines Listel.
Mais Listel va plus loin et incite aussi ses apporteurs à se lancer. Dans le cadre de ses accords commerciaux, il demande à ses partenaires d'atteindre le niveau 2 rapidement. La cave coopérative Sable d'Oc qui compte 103 adhérents et environ 700 ha s'est donc lancée. « Nous avons passé le niveau 1 pendant l'hiver 2013-2014 et allons passer le niveau 2 cet hiver. Nous enchaînerons sur le niveau 3. L'objectif est qu'en 2017-2018, 80 % de nos surfaces soient certifiées HVE », rapporte Philippe Combe, le président de la cave.
Un logo officiel très attendu. Mais pour le moment l'engouement reste timide. « Les viticulteurs en entendent parler. On sent que cette démarche peut prendre de l'ampleur mais il manque le coup de pouce du ministère de l'Agriculture pour communiquer à son sujet et la faire connaître auprès du grand public. À ce jour, il n'y a pas de logo que l'on pourrait apposer sur les bouteilles. Ce serait un plus pour pousser les viticulteurs à se lancer », souligne Yann Montmartin, de la chambre d'agriculture de Gironde. Effectivement, aujourd'hui, seule la mention « Issus d'une exploitation de haute valeur environnementale » peut être inscrite sur les bouteilles. Pas très facile à mettre en oeuvre. Et surtout pas très visuel.
Le ministère de l'Agriculture en est conscient et travaille à la création d'un logo. Un premier projet a été présenté lors de la CNCE (Commission nationale de la certification environnementale) de juin dernier. Mais il n'a pas fait l'unanimité. Le ministère doit retravailler dessus. L'objectif est que le logo sorte d'ici la fin de l'année, avec à la clé une communication auprès des médias.
Le plus haut niveau de la certification environnementale
La certification environnementale des exploitations agricoles comprend trois paliers. Le premier repose sur le respect des règles de la Pac relatives à la santé publique, à la santé des végétaux et à l'environnement (règles de conditionnalité). À ce stade, la certification est délivrée par un organisme habilité SCA (système de conseil agricole).
Le deuxième palier est basé sur le respect d'un référentiel avec seize objectifs à atteindre. Pour le valider, le viticulteur doit réaliser un audit.
Les vignerons qui sont certifiés Terra Vitis, agriculture raisonnée, SME Bordeaux, Area ou Qualenvi Lauréat peuvent obtenir une équivalence pour ce niveau 2. Même chose pour ceux qui satisfont au cahier des charges de la charte Vivre de la coopérative Beaume-de-Venise, qui participent à la démarche de développement durable de la cave de Rauzan ou à celle de la cave des vignerons de Saumur.
Le troisième niveau est plus exigeant. Lui seul permet d'utiliser la mention « Haute valeur environnementale ». Il repose sur le calcul d'indicateurs. Pour le décrocher, deux voies sont possibles. Dans l'option A, le viticulteur doit obtenir une note égale ou supérieure à 10 pour quatre critères : biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion de la fertilisation et gestion de l'irrigation. Dans l'option B, il doit respecter deux indicateurs : avoir au moins 10 % de la SAU en infrastructures agroécologique et le poids des intrants ne doit pas excéder 30 % du chiffre d'affaires. Dans les deux cas, les évaluations doivent être validées par un audit.
Une bonne préparation à l'audit est primordiale
L'audit pour décrocher la HVE dure généralement une demi-journée voire une journée si l'exploitation est de grande taille. Durant ce temps, l'auditeur calcule différents indicateurs pour savoir si l'exploitation est dans les clous. Dans tous les cas, il part des données que le viticulteur lui fournit. Dans le cadre de l'option A, qui suppose de respecter quatre indicateurs (biodiversité, stratégie phytosanitaire, fertilisation, irrigation), il va par exemple consulter le carnet de traitement et calculer l'IFT de l'exploitation. Il va aussi vérifier que le viticulteur est bien équipé de dispositifs permettant de réduire les phytos et la dérive ou qu'il a bien une aire de lavage s'il en a déclaré une... Il va aussi calculer le pourcentage d'infrastructures agroécologiques présentes sur le domaine. Puis il va aller sur le terrain pour vérifier que les haies, murets et tournières enherbées déclarés sont bien là. Si le viticulteur a opté pour l'option B, l'auditeur va aussi observer la biodiversité et éplucher les livres de comptes pour calculer le poids des intrants dans le chiffre d'affaires. Une bonne préparation est donc nécessaire, d'où l'utilité d'être accompagné par des organismes comme les Vif ou les chambres d'agriculture. « Généralement, c'est le critère de la biodiversité que les viticulteurs ont le mieux préparé car c'est un sujet qui les passionne », note Fabien Zedde, le directeur d'Ocacia.
Les causes de refus ? Des IFT un peu trop élevés.
Ou alors un mauvais calcul du poids des intrants dans le chiffre d'affaires. « Il faut bien prendre en compte tous les intrants : produits phytos, fertilisants, gasoil, plants, petit matériel, produits oenologiques, matières sèches... Nous avons rencontré le cas d'un viticulteur qui n'a pas pu décrocher la certification car il avait fait une grosse commande d'étiquettes. Du coup, le poids des intrants dépassait 30 % du chiffre d'affaires », rapporte Fabien Zedde.
Le Point de vue de
Line Sauvant, domaine Guillon-Painturaud, à Segonzac (Charente), 18 ha de vignes
« J'étais dans les clous, je me suis lancée »
« J'adhère aux Vignerons indépendants, et la fédération de Charente nous a proposé un stage de trois jours sur la certification HVE. Nous avons été une dizaine à y participer. Durant cette formation, les intervenants nous ont expliqué comment calculer les différents indicateurs et nous ont laissé du temps pour travailler.
Au départ, j'étais un peu effrayée mais finalement, ce n'est pas si contraignant. J'ai pu voir tout de suite que j'étais dans les clous. Par exemple, au niveau de la biodiversité qui est l'un des critères les plus importants, je suis largement au-dessus des exigences : des arbres sont présents en bordure de mes parcelles, j'ai une haie fruitière et des tournières assez larges et enherbées.
Je me suis donc lancée. Et, j'ai obtenu la certification en août dernier en choisissant l'option B où il faut avoir au moins 10 % de ses surfaces en haies ou en tournières enherbées et où les intrants doivent peser moins de 30 % du chiffre d'affaires. J'étais largement au niveau selon ces deux critères.
C'est la concrétisation des efforts que je fais depuis quinze ans au niveau environnemental. Cette certification est un plus. Je vends 30 % de ma production en direct. Or, les particuliers nous interrogent de plus en plus sur nos pratiques (travail du sol, traitements phytosanitaires...). Désormais, je peux justifier de mon engagement au niveau de la préservation de l'environnement. J'ai donc affiché le certificat dans ma boutique.
J'ai également expliqué la démarche sur la page Facebook du domaine et sur notre site internet. Enfin, j'ai abordé le sujet dans le mailing annuel que je viens d'envoyer à mes clients. La certification HVE reste encore méconnue du grand public mais j'ai eu quelques retours positifs. Je vends une partie de ma production au négoce. Or, j'ai récemment reçu un questionnaire de Rémy Martin nous demandant si nous étions engagés dans la Haute valeur environnementale. Il semble donc vouloir inciter ses apporteurs à se lancer dans la démarche.
J'ai anticipé leur attente. »
Le Point de vue de
André Castan, domaine Castan, à Cazouls-lès-Béziers (Hérault), 36 ha de vignes
« Une reconnaissance du travail effectué »
« Je pratique l'agriculture raisonnée depuis plus de vingt ans. Et j'ai été parmi les premiers à obtenir cette certification. Je suis très attaché à la préservation de la biodiversité et j'ai replanté des pins d'Alep, des cyprès et des oliviers autour de mes parcelles. J'essaye d'employer le moins d'intrants possible et mes pratiques évoluent continuellement. Jusqu'à présent, je pratiquais le désherbage chimique uniquement sous le rang. Je labourais un rang sur deux et je faisais de l'enherbement maîtrisé dans les autres rangs. Cette année, je me suis équipé d'interceps et je travaille les sols partout. Mais je ne veux pas me lancer dans le bio. La certification HVE m'a donc intéressé. Et je l'ai décrochée en avril dernier. Cela a été relativement simple, car je ne partais pas de zéro. Cette certification est la concrétisation de tout le travail que j'ai effectué jusqu'à présent. Cela me permet d'avoir une reconnaissance officielle. Lorsque je l'ai obtenue, avec le soutien des Vignerons indépendants, j'ai organisé une grande manifestation sur mon domaine et invité les politiques de la région, les organisations professionnelles, mes clients, mon oenologue, mes fournisseurs... Une cinquantaine de personnes sont venues et j'ai eu des retombées positives dans la presse. Tout le monde a été intéressé par la démarche. Des confrères m'ont même demandé des renseignements.
J'ai également édité de nouveaux dépliants présentant le domaine pour y expliquer la démarche HVE. Je l'ai aussi mentionnée sur notre site internet. La vente directe représente 60 % de mon chiffre d'affaires. Je viens de rénover mon caveau et j'y ai aménagé une salle de réception. Sur le comptoir, en attendant le logo officiel HVE, j'ai mis le logo que les Vignerons indépendants m'ont fourni. Les clients sont très vite séduits par la démarche et posent beaucoup de question. Début octobre, j'ai reçu un groupe de Chinois, ils ont tout de suite bien réagi. Je les ai emmenés dans les vignes et ils ont pu découvrir la diversité du paysage, apprécier les odeurs des essences d'arbres... et ainsi pu mesurer tous les efforts que l'on accomplit.
Du 16 au 18 octobre, nous avons fait des journées portes ouvertes à l'occasion du lancement du vin nouveau. Et le 17 octobre, nous avons organisé une soirée pour fêter les 100 ans de notre chai et les distinctions que nous avons décrochées cette année : le prix spécial du jury Vincoeurs et la certification Haute valeur environnementale. Ce fut encore une occasion de montrer au plus grand nombre, tous les efforts que nous avons fournis jusque-là. »