« La certification bio est un refuge pour le consommateur, face aux problèmes sanitaires et de traçabilité que rencontre l'agroalimentaire, estime Patrick Guiraud, vigneron bio à Aimargues (Gard) et président de Sud Vin Bio. C'est une vraie certification avec des contraintes européennes et des contrôles stricts menés par des organismes certifiés par l'État. Elle garantit que nous n'utilisons pas d'herbicides, que nous n'avons recours qu'à des fongicides et à des insecticides d'origine naturelle et que nous protégeons la ressource en eau. »
« Il y a du mérite dans toute forme de certification ». Richard Doughty, vigneron à Monestier (Dordogne) et président de France Vin Bio, est du même avis. « La certification bio est une super-garantie pour le consommateur, soutient-il. Cela dit, il y a du mérite dans toute forme de certification, du moment qu'elle est assortie de contrôles. On ne peut qu'encourager ces démarches auxquelles de plus en plus de personnes, consommateurs, acheteurs ou vignerons, sont sensibles. Je trouve cela très positif, ça va dans le bon sens. De plus, les producteurs qui adhèrent par exemple à la lutte raisonnée sont pour nous un incroyable vivier de recrutement. Ils commencent par là, pour se diriger ensuite vers le bio, démarche plus contraignante, mais mieux reconnue sur le marché. »
La cave de Tain-l'Hermitage, dans la Drôme, illustre ce constat. Elle fait partie des dix caves pionnières qui ont structuré la démarche Vignerons en développement durable, de 2007 à 2010. Pour aller plus loin, elle a décidé de convertir en bio les 25 ha qu'elle exploite elle-même en AOC Hermitage, Crozes-Hermitage et Cornas. Ces vignes bio servent de référence aux coopérateurs de la cave qui s'intéressent au sujet.
En règle générale, les producteurs bio ne craignent pas de voir leur label devancé par une autre certification. L'antériorité de leur démarche lui donne une longueur d'avance. Selon l'Agence bio, plus de 26 500 producteurs français sont engagés en agriculture biologique en 2014, toutes productions confondues, dont 4 900 vignerons pour 64 600 ha de vignes. À cela s'ajoutent 12 600 transformateurs, distributeurs et importateurs. Le logo AB est ainsi le plus connu des consommateurs. « Qu'il s'agisse de clients particuliers qui viennent à la cave ou d'acheteurs intermédiaires, on ne m'a jamais demandé une autre certification », confirme Richard Doughty. « Il y a de la place pour tout le monde, ajoute Patrick Guiraud. Cependant, il ne faudrait pas que des démarches moins contraignantes et moins contrôlées créent le trouble chez les consommateurs et qu'un amalgame soit fait avec le bio. Il faut être très clair dans sa communication. »
Le Point de vue de
Philippe Bunan, Domaines Bunan, à La Cadière-d'Azur (Var)
« En France, le logo AB suffit »
« Sur notre exploitation familiale, nous cultivons 70 ha de vignes en AOC Bandol et Côtes-de-Provence. Nous sommes en bio depuis 2008. Nous produisons 2 500 à 3 000 hl que nous vendons en bouteilles. En 2012, nous avons été contactés par l'association Qualenvi, qui accompagne les vignerons indépendants dans leur démarche qualité. Elle nous a fait découvrir la certification HVE, dont les principes sont proches de ceux que nous défendons. Le chapitre sur la biodiversité nous a paru particulièrement intéressant, car cette notion n'est pas présente dans le référentiel bio. Notre exploitation possède, en effet, des forêts, des zones tampons et d'autres enherbées sur au moins 10 % de sa surface. Il nous paraissait important de mettre en avant cet aspect. Nous avons obtenu la certification HVE en moins d'un an. Nous avons été les premiers à la décrocher en région Paca, en 2013. Celle-ci complète bien notre démarche bio que nous enrichissons avec la biodynamie sur laquelle nous travaillons depuis deux ans avec un consultant externe. Nous demanderons la certification Demeter l'année prochaine. Le consommateur est de plus en plus sensible aux démarches environnementales. HVE en fait partie, mais ce terme est encore peu connu et n'a pas une grande visibilité. Nos clients étrangers y sont sensibles, surtout les grosses structures d'importation ou les chaînes de distribution qui imposent de plus en plus souvent des chartes environnementales. En France, le logo AB a une telle notoriété qu'il est suffisant au niveau commercial. Nous allons le privilégier pour notre argumentation commerciale. Nous ne communiquerons pas sur HVE car il n'y a pas de logo et personne ne connaît cette démarche. »
Le Point de vue de
Fanny Molinié-Boyer et François Boyer, Château Beaubois, à Franquevaux (Gard)
« Terra Vitis, bio, HVE, tout se complète »
« Lorsque nous avons repris l'exploitation familiale, au début des années 2000, nous avons choisi d'appliquer le référentiel Terra Vitis aux 50 ha du domaine. Nous avons été les premiers à être certifiés sur l'AOC Costières du de Nîmes en 2001. En 2004, nous avons obtenu la qualification en agriculture raisonnée, puis en 2009 en agriculture biologique, avec un cahier des charges certifié par Ecocert. Fin août, nous avons décroché la certification HVE (Haute valeur environnementale). Celle-ci qualifie l'ensemble de notre exploitation et pas uniquement notre atelier de production vignes et vin. C'est pour nous une progression naturelle et logique. Ces démarches se complètent. Terra Vitis prévoyait la gestion des déchets et leur tri sélectif, mais n'englobait pas le bio. Au niveau environnemental, le bio est un cran au-dessus, mais il ne prend pas en compte certains paramètres de la démarche HVE comme la biodiversité réelle du domaine, la préservation des ressources en eau, la consommation d'énergie ou le taux de fertilisation à ne pas dépasser. Pour accéder à la certification HVE, nous avons installé des ruches dans nos vignes et nous avons replanté des arbres et des haies pour apporter une biodiversité supplémentaire. Chaque année, Ecocert fait deux contrôles sur notre domaine pour le bio et un organisme certificateur passe pour l'audit de Terra Vitis. Désormais, nous aurons aussi le contrôle HVE. Sur nos contre-étiquettes, nous appliquons les logos AB et Terra Vitis, mais notre argumentation commerciale porte surtout sur le bio, le plus connu du grand public et des acheteurs professionnels, en France comme à l'export. La démarche HVE ne possède pas de logo et n'est pas très connue, hormis dans les milieux agricoles qui y sont attentifs. Terra Vitis ne nous rapporte rien sur le plan financier, mais plutôt en termes d'ouverture d'esprit. Nous n'avons rien à cacher. Si on s'engage dans une démarche environnementale pour des raisons uniquement économiques, ça ne fonctionne pas. À la base, on doit aussi avoir des motivations idéologiques, sinon on ne va pas jusqu'au bout. »