Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

Les clones de pinot noir identifiés

CHRISTOPHE REIBEL - La vigne - n°269 - novembre 2014 - page 68

L'université de Haute-Alsace a mis au point un test génétique pour identifier les clones de pinot noir. Une première qui permettra de renforcer la garantie sur l'authenticité des bois et des plants commercialisés.
PINOT NOIR EN CHAMPAGNE. Ce cépage présente une extrême diversité. Selon le « Catalogue des variétés et clones diffusés en France » (2e édition), pas moins de 43 de ses clones sont disponibles.  © J.-C. GUTNER

PINOT NOIR EN CHAMPAGNE. Ce cépage présente une extrême diversité. Selon le « Catalogue des variétés et clones diffusés en France » (2e édition), pas moins de 43 de ses clones sont disponibles. © J.-C. GUTNER

Tous les clones de pinot noir ont un point commun qui constitue un sérieux obstacle pour déterminer leur identité par des analyses : ils partagent quasiment tous le même ADN. Leurs différences se résument à d'infimes nuances qui sont, en plus, aléatoires. Les scientifiques qui s'étaient jusque-là essayés à identifier un clone en empruntant la voie classique de l'analyse génétique s'y sont cassés les dents.

À l'université de Haute-Alsace (UHA), dans le Haut-Rhin, Juan Ocaña, un scientifique originaire d'Équateur, a choisi une voie parallèle. Au lieu de s'intéresser aux séquences d'ADN, le chercheur s'est focalisé sur une modification chimique de l'ADN : les méthylations. La reconnaissance et la localisation de ces molécules sur le génome de chaque clone permettent de les identifier à coup sûr.

Analyses en laboratoire

« C'est une première ! », lance Bernard Walter, directeur de thèse de Juan Ocaña, avec Paul Schellenbaum, à l'UHA de Colmar. « Jusqu'à présent, il n'y avait que le système de traçabilité et l'étiquette apposée par le pépiniériste qui faisaient foi. Un oeil et un palais experts peuvent éventuellement distinguer les grappes et les vins produits à partir de certains clones. En pratique, il arrivait que des clones différents soient mélangés. Le viticulteur ne s'en rendait compte que deux à trois ans après la plantation, en voyant les premiers raisins ! »

La nouvelle méthode d'identification est dérivée de la MSAP (Methylation Sensitive Amplification Polymorphism). Une version simplifiée est en cours de mise au point. Elle fait appel à la PCR (ou amplification en chaîne par polymérase), une méthode de biologie moléculaire déjà utilisée par les laboratoires pour diagnostiquer diverses maladies. « Ces analyses ne devraient pas revenir plus cher qu'un test sanitaire pour détecter des virus », pronostique Bernard Walter.

Les sélectionneurs et les pépiniéristes semblent être les premiers demandeurs potentiels de ces analyses pour s'assurer qu'un lot de plants ou de bois correspond bien au clone promis. Le viticulteur y gagnera une garantie supplémentaire que le clone qu'il a planté est bien celui qu'il a choisi.

Mise au point pour le pinot noir, la méthode MSAP est susceptible de s'appliquer à d'autres cépages. Elle pourrait aussi ouvrir la voie à des développements ultérieurs. Pour le moment, elle se contente de reconnaître les méthylations sans leur associer une caractéristique agronomique ou qualitative. Tout le défi qui se pose dès lors aux chercheurs est de faire la relation entre les modifications de méthylation et le comportement d'un clone, par exemple sa sensibilité à la pourriture grise, sa productivité, la taille de ses grappes ou encore son port.

« On sait que ces méthylations peuvent jouer un rôle dans le comportement d'une espèce végétale ou d'un clone, souligne Bernard Walter. Mais on ne connaît pas la part respective de la génétique, des méthylations ou encore d'autres modifications dans l'adaptation d'un clone à son environnement. » L'enjeu, à terme, serait de pouvoir désigner les clones les plus à même de transmettre certaines caractéristiques au vin ou de supporter au mieux le changement climatique...

Plusieurs partenaires

La thèse de Juan Ocaña a été financée par BPI France, la banque publique d'investissement. Ce travail faisait partie du programme Clovis (pour CLOnes de VIgneS), labellisé par le pôle de compétitivité Vitagora et associant les pépinières Guillaume, en Haute-Saône, la société de phyto-diagnostic Sediag, en Côte-d'Or, l'Association technique viticole de Bourgogne (ATVB) et l'Université de Haute-Alsace (UHA), dans le Haut-Rhin.

Une extraordinaire diversité

Le pinot noir est la variété de Vitis vinifera qui présente la diversité la plus large. « C'est le cépage qui a fait l'objet de la plus vaste sélection clonale », confirme Laurent Audeguin, responsable recherche et développement au pôle matériel végétal de l'IFV, au Grau-du-Roi (Gard). Certaines sélections, comme le 665, le 666 ou l'historique 386, à la pellicule plus épaisse, sont réservées à la production d'effervescents.

D'autres, comme les 777, 828 ou 943, ne sont utilisées que pour des rouges tranquilles.

Par ailleurs, de nouveaux sujets (1 185 et 1 184) vont allonger une liste déjà forte de 47 clones agréés rien qu'en France.

« Depuis les années 1960, plus de 900 clones ont été candidats à la sélection. Les collections installées en Champagne, en Alsace et en Bourgogne en conservent plus de 500 », complète Laurent Audeguin.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :