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VIN - POUR APPROFONDIR

L'essentiel pour réussir votre élevage en cuve

MICHÈLE TREVOUX - La vigne - n°269 - novembre 2014 - page 76

Étape critique de l'élaboration des vins, l'élevage vise à les amener à leur meilleur niveau avant retiraison ou mise en bouteille. Les points clés...
L'ÉLEVAGE, une étape délicate pour obtenir le meilleur du vin. © P. ROY

L'ÉLEVAGE, une étape délicate pour obtenir le meilleur du vin. © P. ROY

1. Assurez une protection constante par le SO2

La gestion du SO2 est un point clé. Si la tendance est à la diminution des doses, il faut rester prudent, surtout si l'état sanitaire des raisins n'était pas parfait. « L'important, c'est d'assurer une protection suivie, sans rupture. Pour un vin sain, une couverture de 0,5 à 0,6 mg/l de SO2 actif est suffisante », conseille Fabienne Bernoud, oenologue consultant à l'ICV.

Les oenologues recommandent de raisonner en SO2 actif, qui exprime mieux le niveau de protection du vin que le SO2 libre. La teneur en SO2 actif se calcule à partir du SO2 libre, du pH, du degré et de la température du vin. « C'est encore plus important cette année, car les vins présentent des niveaux d'acidité élevés. Inutile de les surdoser en SO2 », souligne Henri Ducourneau, du centre oenologique de Cadillac (Gironde). Une analyse mensuelle du SO2 actif par cuve permet de s'assurer d'une protection efficace. Et il est plus prudent de réaliser une analyse de contrôle après un transfert sans inertage.

« Le dosage de l'éthanal libre qui combine le SO2 permet de préciser les doses de sulfitage, ajoute Gisèle Elichiry, oenologue consultant à l'ICV. Et il est toujours possible d'éliminer un excès d'éthanal libre avec une injection d'azote en ligne lors d'un transfert ou par cliquage, quand le vin est autour de 20 °C. Un "cliquage" d'azote durant quelques secondes, entre un et trois bars, ou une injection en ligne lors d'un transfert, permet d'éliminer rapidement la quasi-totalité de l'éthanal libre. »

2. Veillez à l'oxygène dissous sur blanc et rosé

Chaque microlitre d'oxygène dissous dans les blancs et les rosés diminue leur potentiel aromatique car ils ne bénéficient pas du pouvoir antioxydant des tannins. Le sauvignon blanc est sans doute le cépage qui en souffre le plus : les thiols, ces arômes tant recherchés, étant très sensibles à l'oxydation.

« Il convient d'être particulièrement attentif lors des transferts de vin. Je déconseille tout mouvement quand les vins sont à moins de 15 °C, car la dissolution d'oxygène est rapide à basse température. Cet oxygène est consommé par la suite, lorsque les vins se réchauffent. Il est alors trop tard pour intervenir », alerte Fabienne Bernoud. Le CO2 est un bon allié dans la protection contre l'oxydation. Il limite la dissolution de l'oxygène. Évitez donc de dégazer trop rapidement vos cuves. 1 200 à 1 600 mg de CO2 par litre de vin sont un frein efficace contre l'oxygénation.

3. Chassez les odeurs de réduit sur les rouges

Pour les rouges, l'oxygène est nécessaire pour marier anthocyanes et tannins. Les rouges sont par ailleurs plus sensibles à l'apparition d'odeurs réduites. Celles-ci se développent en présence des lies et quand le vin n'a pas été suffisamment aéré. Il faut éliminer rapidement les lies grossières et apporter l'oxygène nécessaire. Les soutirages bien aérés seront la technique de référence pour la majorité des vins. En principe, un ou deux soutirages se révèlent suffisants. Mais seule la dégustation permet de s'en assurer.

4. Pensez à la micro-oxygénation

« L'apport d'une petite dose d'oxygène sur une durée courte entre fermentation alcoolique et la malo aide à gommer du végétal et à gagner du volume en bouche sur les vins de raisins dilués et verts. Pour éliminer la verdeur sur des vins plus structurés, on apportera plus d'oxygène et plus longtemps. Dose et durée d'apport dépendent du profil de chaque vin. Les pluies de fin de saison ayant altéré les raisins cette année, il faudra être particulièrement attentif à la flore microbienne qui peut être dopée par l'oxygène dissous », signale Gisèle Elichiry, qui préconise de faire un contrôle microbiologique en début et au cours de l'élevage, ainsi qu'un test de tenue à l'air.

Elle recommande de déguster une à deux fois par semaine. Dès que l'objectif est atteint, tout apport d'oxygène devient néfaste. « Les copeaux ou les staves sont des outils intéressants, notamment cette année, pour corriger les creux en milieu de bouche de certains vins, quand les raisins n'ont pu atteindre la maturité phénolique », ajoute Gilles Déjean du laboratoire du même nom.

5. Amenez du gras avec l'élevage sur lies

L'élevage sur lies développe le gras et le volume des blancs et rosés. Pour cela, il convient d'éliminer d'abord les lies les plus lourdes. On maintient ensuite les vins sur lies fines. Un bâtonnage régulier (deux à trois fois par semaine au départ, puis une fois par semaine par la suite) est indispensable pour maintenir ces lies en suspension et éviter l'apparition de notes réduites.

Des dégustations régulières sont recommandées pour détecter ces odeurs. Dès leur apparition, la cuve doit être soutirée et mise au propre. On peut aussi élever séparément les lies au départ, en les micro-oxygénant, le temps qu'elles perdent leur pouvoir réducteur. « En blanc et rosé, l'élevage sur lies légères peut équilibrer les sensations en bouche au bout d'un mois seulement. Mais pour certains vins, plusieurs mois d'élevage seront nécessaires », souligne Gisèle Elichiry.

6. Surveillez la flore microbienne

Un suivi microbiologique permet d'intervenir au plus tôt en cas de contamination par des bactéries lactiques ou des Brettanomyces. « Il faut au moins pratiquer un contrôle sur toutes les cuves pour lesquelles on a un doute comme les vins issus de raisins dont l'état sanitaire était imparfait ou dont les fermentations ont été languissantes. Pour les Brettanomyces, par exemple, des concentrations de 10 cellules/ml constituent déjà des bombes à retardement. Il est préférable de les détecter le plus tôt possible. Pour les vins à valeur ajoutée, l'analyse microbiologique est un bon investissement », argumente Fabienne Bernoud, qui recommande deux contrôles pendant la phase d'élevage : en début d'hiver et au printemps.

7. Prévoyez du personnel

Faire le travail correctement et en temps voulu nécessite bien sûr des moyens humains suffisants. Il faut veiller à ne pas réduire trop tôt les équipes de cave après les vendanges. Former et motiver ces équipes temporaires est également essentiel pour une bonne maîtrise de l'élevage de ses vins.

Le Point de vue de

MICHEL MAUPAS, RESPONSABLE DE PRODUCTION À LA CAVE COOPÉRATIVE DES COLLINES DU BOURDIC (LANGUEDOC-ROUSSILLON), 115 000 HL PAR AN

« Notre priorité : préserver le potentiel aromatique des blancs et des rosés »

« L'essentiel de notre production est en IGP Pays d'Oc. En blanc et rosé comme en rouge, nous élaborons des vins à profil frais, souple et fruité. Pour les blancs et rosés, l'enjeu de l'élevage est de conserver le potentiel aromatique obtenu en fin de fermentation. Depuis quatre ans, nous sommes équipés d'un générateur d'azote. À chaque transfert de vin, nous inertons les fonds de cuve avec du CO2 et les lignes avec de l'azote. Nous injectons également 2 à 5 l d'azote par minute à la pompe. Autre point de vigilance : les mouvements de vin dans la cave. Pour les réduire au minimum, nous avons équipé notre cuverie de blanc pour qu'elle puisse être inertée : les chapeaux sont hermétiques avec une soupape de sécurité. Grâce à cet équipement, il n'est plus nécessaire de reloger les cuves en vidange. Nous les maintenons à l'abri de l'oxygène en les inertant à l'azote. Nous avons 40 cuves ainsi équipées et prévoyons 20 supplémentaires d'ici deux ans. Sur les rouges, pour éviter les odeurs soufrées, nous pratiquons trois soutirages : un après fermentation alcoolique, un après malo et le dernier au cours de l'hiver. Si l'odeur de réduit persiste, nous injectons de l'azote en cuve. Nous avons aussi recours au microbullage sur les vins trop marqués par le végétal. Nous intervenons entre la fermentation alcoolique et la malo. Nous dégustons deux fois par semaine pour suivre l'évolution et ajuster les doses. »

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