Retour

imprimer l'article Imprimer

Magazine - Etranger

Uruguay Le pays du tannat

THIERRY JOLY - La vigne - n°269 - novembre 2014 - page 116

Les viticulteurs uruguayens tentent de se faire une place sur la scène internationale tout en conservant leurs débouchés traditionnels. Ils misent sur le tannat qui réussit bien sous leur climat dur. Ils doivent aussi composer avec de lourdes taxes.
LE TANNAT est le cépage le plus représenté en Uruguay dont le climat peut s'apparenter à celui du Bordelais, avec un mètre de pluie par an. PHOTOS : T. JOLY

LE TANNAT est le cépage le plus représenté en Uruguay dont le climat peut s'apparenter à celui du Bordelais, avec un mètre de pluie par an. PHOTOS : T. JOLY

L'ENTREPRISE BODEGAS CARRAU, pionnière dans la production de vins fins, est à la tête de deux vignobles de 50 ha, chacun doté d'une cuverie. Elle produit 800 000 cols par an, dont 45 % sont vendus à l'export.

L'ENTREPRISE BODEGAS CARRAU, pionnière dans la production de vins fins, est à la tête de deux vignobles de 50 ha, chacun doté d'une cuverie. Elle produit 800 000 cols par an, dont 45 % sont vendus à l'export.

IRURTIA produit en majorité du vin de table à un euro le litre dont une partie est conditionnée dans des dames-jeannes de 3, 5 et 10 litres.

IRURTIA produit en majorité du vin de table à un euro le litre dont une partie est conditionnée dans des dames-jeannes de 3, 5 et 10 litres.

FERNANDO SCALABRINI, responsable des vignes chez Bouza, a empierré le dessous des cépages rouges pour leur apporter plus de chaleur.

FERNANDO SCALABRINI, responsable des vignes chez Bouza, a empierré le dessous des cépages rouges pour leur apporter plus de chaleur.

LA FAMILLE IRURTIA cultive un vignoble à la naissance du rio de la Plata dont l'influence diminue les écarts de température. Outre le tannat, cépage majoritaire en Uruguay, elle expérimente le marselan.

LA FAMILLE IRURTIA cultive un vignoble à la naissance du rio de la Plata dont l'influence diminue les écarts de température. Outre le tannat, cépage majoritaire en Uruguay, elle expérimente le marselan.

JUAN MARTIN BORDA directeur général de Bouza, présente les fûts de ce petit domaine de 30 ha positionné sur le haut de gamme et dont toute la production est réservée jusqu'en 2017.

JUAN MARTIN BORDA directeur général de Bouza, présente les fûts de ce petit domaine de 30 ha positionné sur le haut de gamme et dont toute la production est réservée jusqu'en 2017.

« Nous sommes un pays du Nouveau Monde qui fait des vins de l'Ancien Monde car nous avons un climat de type bordelais, avec 1 000 mm environ de pluie par an et des différences très marquées d'une année sur l'autre », explique Juan Martin Borda, directeur général de Bouza, l'un des plus petits domaines uruguayens. Créé en 1999, il ne compte que 30 ha de vignes dont un tiers autour de la winery située aux portes de Montevideo, la capitale.

Le tannat y est le cépage le plus planté, comme à l'échelon du pays où il représente un quart des vignes constituées pour 80 % de rouges. Les vignerons ont d'ailleurs fait de cette variété leur étendard commercial et désignent l'Uruguay comme le pays du tannat. « C'est lui qui donne les résultats les plus réguliers. Il exprime tout son potentiel sous notre climat », estime Francisco Carrau, oenologue de Bodegas Carrau.

Pionnière dans la production de vins fins, cette entreprise familiale possède deux vignobles de 50 ha, chacun étant doté d'une cuverie. L'un est situé près de Montevideo, l'autre à 500 km au nord de la capitale, à proximité de la frontière brésilienne sur un plateau à 300 m d'altitude. Outre le tannat, Bodegas Carrau cultive également merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc, pinot noir, petit verdot, sauvignon blanc, chardonnay, viognier, petit manseng, nebbiolo et sousao. Les rendements varient de 5 à 8 t/ha. S'y ajoute 5 à 10 % de raisins achetés autour de 0,55 €/kg pour une production totale de 800 000 cols vendus entre 4 et 23 euros.

Positionné sur le même créneau haut de gamme, Bouza se targue d'avoir les seuls crus du pays sélectionnés par Parker. Toute sa production est réservée jusqu'en 2017 malgré des prix oscillant entre 15 et 46 € la bouteille. « Les clients payent un acompte de 20 % à la commande et le solde à la livraison », explique Juan Martin Borda, qui conserve toutefois 35 % de ses bouteilles pour les vendre à la winery et dans le restaurant réputé qui y est associé.

Comme chez Bodegas Carrau, 45 % de la production est exportée, en premier lieu vers le Brésil et les États-Unis. « Depuis trois à quatre ans, les marchés européens sont difficiles », déplore Javier Carrau, en charge du marketing, qui vend ses vins dans vingt-cinq pays. Heureusement, la demande locale est en hausse, malgré la concurrence des vins argentins et chiliens. Mais elle est limitée, car la population du pays n'excède pas 3,4 millions d'habitants.

En raison de la prépondérance de la capitale, la famille Irurtia a décidé d'y ouvrir un magasin « avec des producteurs de fromages et d'huile d'olive de la région », précise Marcelo Irurtia. La famille est à la tête d'un domaine de 250 ha situé à Carmel, à 250 km à l'ouest de Montevideo, à la naissance du rio de la Plata. Elle y produit encore 60 à 70 % de vins de table vendus en moyenne un euro le litre dont une partie conditionnée dans des dames-jeannes de 3, 5 et 10 litres. « C'est un débouché ancestral que nous ne pouvons pas ignorer. »

Mais le domaine a également innové en sortant des bouteilles de 75 cl et 28 cl de medio y medio « vendues 3,50 € et 1,50 € pour concurrencer la bière auprès des jeunes », explique Marcelo Irurtia. Le medio y medio est un mélange à parts égales de vin blanc tranquille et de pétillant. C'est l'apéritif traditionnel de Montevideo. Celui d'Irurtia est un assemblage gazéifié de chardonnay et de muscat.

Mais l'entreprise souhaite avant tout augmenter le volume de ses vins fins, « en faisant passer nos exportations de 10 % à 40 % dans les sept ans à venir ». Irurtia a donc deux lignes de production bien distinctes. D'un côté, cuves extérieures en béton et refroidissement par circulation des moûts dans un échangeur thermique ; de l'autre, table de tri, cuves en Inox avec contrôle des températures et vieillissement en fûts américains et français, comme c'est la règle chez Bouza et Carrau. Même différenciation dans les vignes avec des vendanges manuelles et des rendements entre 6 et 9 t/ha pour les vins fins.

Tous les domaines ont le même souci lié au climat : maîtriser le mildiou, l'oïdium et le botrytis. « La clé est d'avoir des vignes hautes, des raisins pas trop proches du sol, d'effeuiller et d'enherber entre les rangs pour que l'eau soit absorbée plus vite », assure Francisco Carrau. Pour une meilleure aération, Marcelo Irurtia a opté pour le palissage en lyre sur 60 % de ses vignes. Il expérimente aussi le marselan « car il est réputé supporter les variations climatiques ».

À l'intérieur des terres, les gelées tardives peuvent survenir. Pour combattre ce fléau, Bouza s'est doté de machines qui aspirent l'air froid situé au ras du sol et le rejettent en hauteur. « C'est une invention uruguayenne. Une machine est efficace sur 1 ha environ », précise Fernando Scalabrini, responsable des vignes, qui a aussi empierré le dessous de ses cépages rouges pour leur apporter plus de chaleur.

Toutes ces mesures n'empêchent pas les domaines de traiter une dizaine de fois par an. Un coût non négligeable. Mais pour Javier Carrau, le principal handicap dont souffre la viticulture de son pays est le niveau très élevé des taxes appliquées aux vins, de l'ordre de 35 % du prix de vente. « Vu sa taille réduite, notre filière n'est guère prise en compte par les politiques. » Une des raisons qui a poussé la famille à créer un petit domaine au Brésil.

La vigne gagne de nouvelles régions

L'Uruguay compte 281 wineries et 8 000 ha de vignes. Les trois quarts de ce vignoble sont situés à proximité de Montevideo. Viennent ensuite les régions bordant le rio de la Plata. « La masse d'eau de l'estuaire tempère les écarts thermiques, et nous vendangeons quinze jours avant les autres vignobles », souligne Marcelo Irurtia. De plus en plus de vignerons regardent aussi vers le Nord où le domaine Carrau est implanté depuis 1997. « Car ce terroir donne des vins plus élégants », déclare Francisco Carrau. Mais, la nouvelle tendance est de planter à l'Est, dans la province de Maldonado, comme Bouza qui y possède 5 ha. « Du fait de la proximité de l'Atlantique, le climat est plus venté, plus frais et convient bien à des variétés comme le riesling », explique Juan Martin Borda. Un cépage encore rare en Uruguay où un tiers des superficies restent encépagées avec des variétés donnant des vins de table, tels le muscat de Hambourg et l'ugni blanc.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :