Lancé en 2010, le programme européen BioDiVine vient de s'achever. Il a porté sur l'étude de la biodiversité dans huit vignobles de France (Saint-Émilion, Limoux, Costières-de-Nîmes, Bourgogne, Saumur-Champigny), d'Espagne (Rioja, Penedes) et du Portugal (Douro).
Chercheurs et naturalistes ont recensé les arthropodes (insectes, araignées, acariens et cloportes), les oiseaux, les mammifères et la flore de ces habitats cultivés. Ils ont présenté leurs résultats début novembre lors d'un colloque organisé à l'ISVV (Institut des sciences de la vigne et du vin) de Bordeaux (Gironde).
Pour dénombrer les arthropodes, les chercheurs ont installé 25 stations de piégeage dans chaque vignoble, avec des pièges au sol et d'autres aériens. Ils ont ainsi collecté les petites bêtes qui y sont tombées chaque semaine pendant deux mois, d'avril à juin et ont recensé entre 43 000 et 90 000 arthropodes selon le site et l'année. Il s'agit avant tout de coléoptères, coccinelles, carabes et toutes sortes de guêpes, mouches, punaises, fourmis, papillons ou encore araignées. « Les parcelles viticoles sont des milieux fréquentés par une diversité importante d'espèces d'arthropodes », souligne Benjamin Porte, chargé de coordonner le projet BioDiVine à l'Institut français de la vigne et du vin.
Pour la flore, les chiffres sont plus modestes. Les chercheurs ont dénombré de quatre à trente espèces dans les interrangs, avec une grande variabilité d'une parcelle à l'autre. Pour comptabiliser les oiseaux, ils les ont écoutés en avril-mai et juin-juillet. Ils ont ainsi listé entre 42 et 64 espèces selon les sites. Quant aux mammifères recensés - chevreuils, renards et autres lièvres -, ils semblent affectionner autant les vignes que leurs abords.
Bref, autant d'observations qui démontrent que les vignobles grouillent d'une vie sauvage abondante et discrète. De quoi redonner une image plus positive de la viticulture, souvent pointée du doigt pour ne pas respecter l'environnement. Sans surprise, les chercheurs notent une relation significative entre la biodiversité et la présence d'éléments « semi-naturels » : haies, enherbement, murets de pierre sèche... Sauf en ce qui concerne les oiseaux pour lesquels aucune corrélation n'a été établie entre la complexité paysagère et le nombre d'espèces comptabilisées sur les points d'écoute.
Outre son volet scientifique, le programme BioDiVine comprenait un volet pédagogique. À ce titre, sur chaque site, des actions concrètes ont été mises en place pour préserver la biodiversité : enherbement des interrangs, plantation de haies composées de plusieurs espèces d'arbustes... Dans les Costières-de-Nîmes, par exemple, une centaine de mètres de murets de pierre sèche ont été montés. Ils offrent des abris à la faune, stabilisent les sols et facilitent l'infiltration des eaux. Autre action : la lutte par confusion sexuelle pour réduire l'usage des insecticides. Et enfin, l'amélioration de la richesse botanique des abords des parcelles de vigne, talus, fossés et jachères appartenant aux vignerons.
Cent soixante vignerons ont été directement impliqués dans ces actions. Dix mille visiteurs ont consulté le site internet de BioDiVine. Reste les limites d'un tel projet qui ne peut établir, par exemple, une relation directe entre des aménagements visant à préserver la biodiversité et la réduction des ravageurs, ni dire s'il y a plus de biodiversité en bio qu'en conventionnel.
L'abus de tonte nuit à la biodiversité
Préserver la biodiversité et l'eau, c'est le projet Biodiv'Eau lancé en 2012, à l'initiative de l'IGP Côtes de Thongue, indépendamment de BioDiVine. En 2013, il a été étendu aux Côtes de Thau et aux Coteaux d'Ensérune. Quatorze viticulteurs se sont engagés dans la démarche au départ. Ils ont commencé par établir un état des lieux de leur propriété en utilisant les grilles de notation du Conservatoire d'espaces naturels du Languedoc-Roussillon. Ils ont ainsi mesuré neuf éléments : forêts, matorrals, haies, fossés, garrigues, friches, mares, murets de pierre, alignements d'arbres. Puis ils ont retranscrit ces données dans un outil cartographique. À partir de là, le Conservatoire leur a préconisé des pratiques. « Tondre quatre fois par an des abords de parcelles n'est pas nécessaire. Une seule fois suffit. De même, il faut éviter de curer un fossé en une seule fois, mieux vaut procéder par petits tronçons pour laisser des zones de refuges aux amphibiens », indique Carole Sainglas, chargée de mission au Conservatoire et à la Fédération des IGP de l'Hérault. Autre conseil : pour gérer des espèces envahissantes, comme le robinier, rien de tel que de pratiquer l'écorçage au niveau du tronc. Cela fatigue l'arbre. À terme, il meurt. Aujourd'hui, 56 viticulteurs adhèrent à Biodiv'Eau et 36 d'entre eux ont réalisé des travaux d'aménagement. En trois ans, ils ont planté 7,5 km de haies et 90 arbres isolés, et aménagé six mares... Cette démarche fait école avec le département du Gard qui prend exemple sur Biodiv'Eau.
L'Hérault offre un nichoir aux chauves-souris
Comment limiter la prolifération des papillons ravageurs des cultures ? En mettant en place des nichoirs pour les chauves-souris. C'est du moins l'idée du conseil général de l'Hérault. « Les chauves-souris sont de précieux auxiliaires. En une seule nuit, une chauve-souris peut manger de 1 000 à 2 000 insectes et papillons nocturnes, des espèces dont l'eudémis fait partie », explique Rodolphe Majurel, en charge de l'opération « Un abri pour les chauves-souris » lancée par le conseil général en 2013. Depuis cette date, 400 abris ont été fabriqués et mis gratuitement à la disposition des agriculteurs. Une cinquantaine de viticulteurs ont décidé de participer au projet. À la fin de l'hiver dernier, ils ont ainsi installé 150 abris - deux planches de 30 et 50 cm de long en bois de châtaignier non traité - dans les arbres, près des vignes et hors des vents dominants. « On étudiera le régime alimentaire des chauves-souris pour savoir si elles ont bien mangé des eudémis », promet Rodolphe Majurel. Olivier Azan, du domaine du Petit Roubié, en bio, a placé quatre abris sur son exploitation. Comme les autres agriculteurs, il a signé une charte l'engageant à respecter la tranquillité des occupants des nichoirs. Curieux, il les surveille régulièrement pour savoir si les chauves-souris ont pris possession des lieux, en pistant l'éventuelle présence de crottes au sol. « Pour l'instant, je n'ai rien vu. Il faut savoir être patient », confie-t-il.