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VIGNE

Des extraits de sarments contre le mildiou

INGRID PROUST - La vigne - n°270 - décembre 2014 - page 38

Des composés phénoliques extraits de sarments de côt ont donné des résultats intéressants contre le mildiou cet année.
PULVÉRISATION de l'extrait de sarments sur une vigne de côt. En 2014, sur les grappes, il a permis de diminuer la fréquence d'attaques de mildiou de 40 % et l'intensité de 16 %.  © IFV VAL DE LOIRE

PULVÉRISATION de l'extrait de sarments sur une vigne de côt. En 2014, sur les grappes, il a permis de diminuer la fréquence d'attaques de mildiou de 40 % et l'intensité de 16 %. © IFV VAL DE LOIRE

Pourra-t-on à l'avenir soigner la vigne par la vigne ? Ses bois de taille actuellement peu valorisés recèlent des composés phénoliques aux propriétés antifongiques. Peuvent-ils être utilisés comme biofongicides ? Depuis 2012, l'IFV Val de Loire, l'université de Tours, la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire et le lycée viticole d'Amboise travaillent sur ce sujet dans le cadre du projet Actisarm.

Dans un premier temps, les expérimentateurs ont caractérisé et quantifié les polyphénols présents dans les sarments de vignes d'une trentaine de parcelles en Touraine. Leurs conclusions ? « Plusieurs facteurs interviennent sur la teneur des bois en composés phénoliques : la pression des maladies, le cépage, les conditions de stockage des sarments », observe Guillaume Delanoue, ingénieur viticulture à l'IFV Val de Loire. Ce dernier n'a pas voulu donner plus de détails, préférant attendre la publication scientifique des travaux prévue au premier semestre 2015. La seule chose que l'on sait c'est que plus la pression des maladies est élevée, plus il y a de polyphénols, les plus intéressants étant le t-resveratrol, la t-epsilon-viniférine et l'hopéaphénol.

En parallèle, les chercheurs ont prélevé des bois sur une parcelle de côt conduite en bio du lycée d'Amboise. Ils ont choisi ce cépage, car les moûts de côt étant très concentrés en polyphénols, ils ont pensé que ses sarments en contiendraient également plus que d'autres cépages. Mais, leurs recherches ont prouvé par la suite que ce n'était pas le cas.

Les chercheurs ont broyé les sarments puis en ont extrait les composés phénoliques à l'aide d'un solvant (éthanol et eau). « Cet extrait montre une efficacité très élevée (90 %) sur le mildiou, en inhibant la mobilité des zoospores, indique Guillaume Delanoue. Mais il a eu peu ou pas d'effet sur l'oïdium et le botrytis. »

En 2013, l'équipe passe aux essais sur vigne, sur plus de 600 ceps de côt plantés en 1976 au lycée d'Amboise. Les chercheurs pulvérisent l'extrait de sarments à une cadence hebdomadaire, tout comme les fongicides de contact auxquels il est comparé : bouillie bordelaise, manèbe et métirame-zinc. Au total, ils ont effectué douze applications, du 14 mai au 13 août pour toutes les modalités. Mais face à la pression de mildiou très importante en 2013, l'extrait de polyphénols de sarments n'a pas permis de réduire l'intensité des attaques de mildiou par rapport au témoin non traité.

Cette année en revanche, les résultats sont différents. « Nous avons appliqué l'extrait juste avant les pluies afin de limiter sa dégradation, car les polyphénols sont sensibles à la lumière », poursuit Guillaume Delanoue. Les expérimentateurs ont ainsi réalisé quatorze applications, toutes les semaines en moyenne, de début mai jusqu'à mi-août. Ils ont testé deux concentrations d'extraits. Dans les autres modalités, ils ont traité les vignes à la bouillie bordelaise ou avec des produits conventionnels (folpel, fosétyl-Al, métirame-zinc).

« Fin juillet, dans les vignes traitées avec l'extrait de sarments le plus dosé, 25 % des feuilles étaient attaquées par le mildiou contre 45 % dans le témoin non traité et 5 % dans les modalités traitées avec les fongicides conventionnels. Fin août, sur grappes, l'extrait de sarments le plus dosé a permis de diminuer la fréquence de mildiou de 40 % et l'intensité de 16 % par rapport au témoin non traité », détaille l'ingénieur. L'efficacité est donc intéressante, d'autant que nous avons travaillé avec des extraits de polyphénols totaux, partiellement purifiés, tous les composés phénoliques n'agissant pas contre le pathogène. À la récolte, les raisins des vignes ayant reçu l'extrait de sarments présentaient des tanins mûrs, sans altération de qualité », note Guillaume Delanoue.

Prévu pour se terminer cette année, ce programme de recherches financé par le Conseil régional du Centre et InterLoire va être prolongé d'un an. En 2015, les chercheurs vont tester une modalité où ils appliqueront l'extrait de sarments en début de saison, puis de la bouillie bordelaise le reste de la campagne. L'objectif : réduire l'indice de fréquence des traitements.

D'autres résultats prometteurs en Suisse

À l'Agroscope de Nyon, en Suisse, Katia Gindro et son équipe travaillent depuis trois ans sur les composés fongicides extraits de sarments de plusieurs cépages. « Ces constituants phénoliques sont en majorité des stilbènes. C'est l'E-vitisine B qui s'est montrée la plus intéressante, car elle est très toxique vis-à-vis du mildiou, explique Katia Gindro. En laboratoire et en serre, les extraits de sarments ont été efficaces à 100 % sur mildiou et à 90 % sur oïdium. » Reste à passer aux essais au champ. « Nous avons lyophilisé les extraits pour les stabiliser, mais ils restent très photosensibles », note la chercheuse suisse. Soutenue financièrement par plusieurs prestigieux châteaux bordelais, Katia Gindro s'est aussi associée à deux entreprises françaises. Le but : trouver des formulations permettant d'éviter la dégradation des molécules fongicides à la lumière. « Nous espérons aboutir sur ce point d'ici la fin de l'année pour lancer des essais au vignoble en 2015 », indique-t-elle.

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