Le futur régime d'autorisation de plantation de vignes, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2016, a déjà fait couler beaucoup d'encre. Et pour cause : il comporte de profonds changements par rapport au système actuel. Il autorise 1 % de plantations nouvelles par an et par État membre, et ce pour toutes les catégories de vin. Toutefois, les États membres peuvent accorder moins de 1 % au niveau national ou à certaines de leurs régions s'il existe un risque d'offre excédentaire ou « de dépréciation importante d'une AOC ou d'une IGP », indique le réglement communautaire.
La répartition de ce droit à la croissance devrait se dérouler en deux temps. C'est en tout cas ce que souhaite la production. D'abord un contingent de plantations nouvelles sera fixé. Pour cela, les ODG établiront leurs besoins selon leurs marchés. Elles transmettront leur demande au Crinao, avec l'avis de leur interprofession afin qu'il se prononce. La somme des demandes remontera vers les conseils de bassin, puis vers le conseil des vins de FranceAgriMer. Si cette somme dépasse 1 % du vignoble, l'AGPV, les JA et la FNSEA réclament que l'administration réduise les contingents des régions ou des segments demandant plus que le plafond.
Une fois les contingents établis, viendra le tour des viticulteurs. Ils pourront déposer leur demande de plantations nouvelles sur un site de téléprocédure dédié (voir encadré ci-contre). Si le total de leurs demandes dépasse le quota fixé, les responsables professionnels veulent que les jeunes agriculteurs soient servis en priorité. La réglementation européenne permet en effet de rendre les « premiers entrants » âgés de moins de 40 ans prioritaires. Il s'agit de ceux qui déposent pour la première fois un dossier de plantation nouvelle. En principe, un jeune viticulteur ne sera donc prioritaire qu'une fois, alors qu'il l'est aujourd'hui tant qu'il a moins de 40 ans.
Une question se pose. Qui portera les demandes de contingents pour les vins sans IG ? Sans surprise, la production milite pour que ce soit elle. Le Syndicat des producteurs girondins de vins sans indication géographique s'est déjà constitué dans ce but. Coopératives et vignerons indépendants du Languedoc-Roussillon envisagent de créer une association pour la même raison. Et dans les autres régions ? Faute de voir apparaître une organisation de producteurs, les décisions pourraient être prises en conseil de bassin à l'issue de discussions entre viticulture et négoce.
Soutenue par le négoce, la fin de l'interdiction de planter des vignes sans IG a suscité bien des oppositions parmi les producteurs d'appellations et d'IGP. Bon nombre d'entre eux redoutent de voir leurs débouchés ou leur notoriété mis à mal par l'arrivée d'une nouvelle concurrence et des détournements de la réglementation. Sauf énorme surprise, ils devraient obtenir un minimum de garde-fou, avec un système d'engagement empêchant qu'une vigne plantée sans indication géographique puisse produire des vins AOC ou IGP. Cependant, si le principe semble acquis, la mécanique n'est pas encore arrêtée.
L'AGPV, soutenue par les JA et la FNSEA, réclame qu'un producteur qui demande une autorisation de plantation en vin sans IG en zone AOC ou IGP s'engage à produire uniquement du vin sans IG sur la parcelle concernée jusqu'en 2030, date de fin du nouveau régime de plantation. Ce serait un critère d'éligibilité de son dossier. Les organisations de la production souhaitent que cette règle s'applique sur tout le territoire national.
Les plantations réalisées aux abords des aires d'appellation ou IGP seraient-elles également concernées par cette obligation d'engagement ? La position de l'AGPV est moins systématique sur ce point. Elle estime que la question est à étudier au cas par cas, au regard du risque de détournement de notoriété de l'indication géographique concernée.
Cependant, pour que l'engagement à produire du vin sans IG puisse être contrôlé, les douanes doivent mettre en place un système de traçabilité des autorisations de plantations nouvelles. En clair, il faudrait qu'elles conservent pour chaque parcelle l'autorisation correspondante, ce qui suppose une refonte du CVI. Si ce système voit le jour, les producteurs concernés devront mentionner dans leur déclaration de récolte de vins sans IG les surfaces issues de plantations nouvelles.
Le négoce veut planter
Dans un communiqué paru le 15 décembre, Michel Chapoutier, président de l'Union des maisons et des marques de vin (Umvin), affirme que la France a besoin de planter. Il plaide pour « la distribution de l'intégralité des autorisations de plantations nouvelles », c'est-à-dire 1 % de la surface de production, soit environ 7 500 ha. Le président se dit favorable à une régulation a posteriori : « Si des dérives sont constatées, il appartiendra à la filière et aux pouvoirs publics de réviser, au fur et à mesure, les critères d'attribution des autorisations de plantation. » Michel Chapoutier soutient que les surfaces en production reculent de l'ordre de 1,4 % par an en France. Aussi, 1 % de plantations nouvelles par an « n'assurera pas la croissance du potentiel de production mais seulement une moindre décroissance ». Il ajoute que la France souffre d'un manque structurel de vin puisqu'elle a importé 5 à 6 millions d'hectolitres par an ces dernières années. Il faut renforcer les vins sans indication géographique, sous-représentés dans l'offre française. « De nombreux viticulteurs, coopératives et négociants vinificateurs ont d'ores et déjà fait part de leur intention de demander des plantations afin de produire des vins sans IG. C'est un signal clair : en prise directe avec les marchés, ils savent qu'il y a une forte demande pour ces produits », plaide le président du négoce.
Tous les viticulteurs sont concernés
FranceAgriMer et l'Inao préparent un nouveau site de téléprocédure dédié aux autorisations de planter qui devrait ouvrir au printemps 2015. Tous les viticulteurs sont concernés, car la nouvelle réglementation qui se met en place régit aussi bien les replantations de vignes que les plantations nouvelles. Dans les deux cas, une autorisation sera nécessaire pour planter une parcelle. Elle sera gratuite, incessible et valable trois ans seulement, un délai problématique pour ceux qui veulent respecter un long repos de leur sol. Le viticulteur qui ne l'aura pas utilisée au bout de trois ans s'exposera à une sanction non encore définie. Les autorisations seront obtenues après une demande de plantation nouvelle ou, automatiquement, après l'arrachage d'une vieille vigne dûment déclaré aux douanes. Le site de téléprocédure comprendra un espace réservé à chaque viticulteur où figureront les autorisations de plantation qu'il a obtenues et celles dont il dispose pour avoir arraché de vieilles vignes. C'est là qu'il faudra déposer les demandes de plantations nouvelles et demander la transformation des droits actuels en autorisations. Les viticulteurs auront jusqu'à leur délai de péremption de leurs droits et, au plus tard jusqu'en 2020, pour accomplir cette formalité. Ils obtiendront alors des autorisations valables trois ans. En principe, les informations figurant sur ce site se synchroniseront automatiquement avec celles du CVI. Pour cela, les exploitations devront être à jour des renseignements les concernant, particulièrement de leurs numéros de Siret et d'EVV.