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DOSSIER - Plantations nouvelles : ce que veulent les régions

LES RÉGIONS EN POINTE

SUD-OUEST La croissance pour tous les segments

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°271 - janvier 2015 - page 28

L'interprofession des vins du Sud-Ouest calcule qu'il faudrait 2 % de plantations nouvelles par an pour développer le vignoble. Les IGP demandent à produire davantage et les gros opérateurs veulent planter pour les vins sans IG.
« Le bassin aurait besoin d'augmenter ses surfaces d'environ 2 % par an sur les trois segments, AOP, IGP et vins sans IG. » (Michel Defrancès, coprésident de l'interprofession des vins du Sud-Ouest.) © P. ROY

« Le bassin aurait besoin d'augmenter ses surfaces d'environ 2 % par an sur les trois segments, AOP, IGP et vins sans IG. » (Michel Defrancès, coprésident de l'interprofession des vins du Sud-Ouest.) © P. ROY

Le Conseil de bassin Sud-Ouest et l'Inao ont tranché : un taux de croissance de 1 % serait insuffisant pour couvrir les besoins du vignoble. Pendant la campagne 2013-2014, pour les AOP et les IGP, les droits attribués s'élèvent à 511 ha de plantations nouvelles pour un vignoble évalué à 41 155 ha toutes productions confondues. Ce qui correspond à un taux de croissance de 1,25 %. Si l'on considère uniquement les surfaces en AOP et IGP, ce taux passe à 1,6 %.

Dans le Gers, « les maladies du bois entraînent, selon les années, des pertes de volumes de 10 à 20 %, souligne Bernard Bonnet, président de la section interprofessionnelle des côtes-de-gascogne (une section de l'interprofession des vins du Sud-Ouest). Pour assurer une stabilité de la production, il faudrait au moins une croissance des surfaces de 1,5 à 1,7 % par an en AOP, IGP et vins sans IG. Cela représenterait a minima 300 ha par an. Si nous obtenons moins de 1 % de plantations nouvelles par an, nous ne produirons jamais assez pour livrer tous nos clients. Pour les sans IG, on peut jouer sur l'augmentation des rendements. Mais sur les IGP, on est plafonné. Il nous faudrait aussi pouvoir planter par anticipation, trois ans à l'avance, environ 400 ha nouveaux par an, afin de remplacer les parcelles malades, dont certaines ont 20 % de manquants. Dès que les vignes nouvelles entreraient en production, nous arracherions les anciennes. »

« Il y a aussi des pertes inévitables liées aux cessations d'activité sans reprise et aux arrachages sans replantation, précise Alain Desprats, directeur de la section interprofessionnelle des côtes-de-gascogne. S'il veut progresser, le vignoble gascon doit planter davantage. En IGP Côtes-de-Gascogne, nos rendements moyens sont déjà assez hauts, nous ne pouvons pas faire plus. Quant aux prix, nous pourrions les augmenter si les hausses sur le marché du vrac pouvaient se répercuter sur le prix de vente au consommateur. Mais c'est rarement le cas, surtout sur les produits d'entrée de gamme. Si les prix augmentent trop, nous risquons de perdre des marchés au profit de vins moins chers. »

Pour Michel Defrancès, coprésident de l'interprofession des vins du Sud-Ouest, « le bassin aurait besoin d'augmenter ses surfaces d'environ 2 % par an sur les trois segments AOP, IGP et vins sans IG. Pour nous, ces productions ne sont pas opposées, mais complémentaires. La grande majorité des exploitations viticoles produisent les trois. Nous portons un regard positif sur les vins sans IG qui font partie de l'économie de nos entreprises. Notre position est sereine, sans dogmatisme, ni étanchéité. »

« Les vins identifiés France sont très cotés. Nous aurions la possibilité de développer un fort potentiel en vins sans IG si les plantations étaient libres, confirme Franck Clavier, directeur général du groupe coopératif Vivadour, à Riscle (Gers), réuni avec Gerland au sein de l'union commerciale de vrac CVG (Caves et vignobles du Gers). Nous pourrions planter sans problème 2 000 à 3 000 ha. Nous avons les viticulteurs, les parcelles, les sols adéquats et le savoir-faire. Il faudrait que ces vignes nouvelles restent attachées à une contractualisation avec un opérateur. »

Chez Vinovalie, à Brens (Tarn), qui commercialise les vins des coopératives de Fronton (Haute-Garonne), Rabastens et Técou (Tarn) et Cahors (Lot), Francis Terral, le président, est lui aussi persuadé que le segment sans IG doit être construit, mais en évitant les erreurs du passé. Il faut éviter que cela devienne une variable d'ajustement pour les autres segments, mais une catégorie de vin qui se valorise par elle-même. « Les vins sans IG sont une véritable opportunité pour l'export en vrac ou en bouteilles, argumente-t-il. Ils sont appréciés des consommateurs. Mais il ne faut pas les produire uniquement les années d'abondance et privilégier les AOC les années de pénurie. Les marchés évoluent. Vouloir capitaliser sur les AOP ne suffira pas au niveau mondial, surtout que la France a perdu son leadership. Les vins sans IG doivent être vus comme une force et leurs avantages pris en compte, si on ne veut pas les subir. Les trois segments sont complémentaires. Chez Vinovalie, nos adhérents exploitent 4 000 ha de vignes aujourd'hui. Nous aimerions planter 300 ha d'ici à cinq ans, ce qui représente une progression d'environ 8 %. » En avril 2014, le conseil de bassin viticole indiquait cependant que « la protection des différentes catégories suppose des règles du jeu ». Il souhaitait que « des mécanismes de vigilance puissent être mis en place afin d'éviter tout risque de détournement de notoriété d'une IGP ou d'une AOP ».

Fronton « Zéro, c'est la mort programmée »

« La surface du vignoble en AOC Fronton est de 2 000 ha et il faudrait que nous obtenions 1 % d'autorisation de plantations nouvelles, si nous voulons la maintenir, analyse Frédéric Ribes, président de l'ODG. Si nous restons à zéro, c'est la mort programmée. Mais la surproduction peut aussi être catastrophique. Les cours de l'AOC vont nettement mieux aujourd'hui, mais nous ne sommes pas encore prêts à augmenter significativement nos volumes. Nous voulons une croissance raisonnée. Nous savons par ailleurs que tout n'a pas été revendiqué en AOC, ces dernières années, mais qu'une partie a basculé en IGP comté tolosan. C'est notamment le cas des parcelles de gamay. Ce sont des choix conjoncturels. Si le cours du fronton continue à progresser, les vignerons reviendront vers l'AOC. »

Cahors « Nous visons 6 000 ha d'AOC »

« Nous avons acté, il y a trois ans, notre volonté d'atteindre à terme 6 000 ha de vignoble, contre 4 000 ha actuellement, confie Bertrand-Gabriel Vigouroux, président délégué de l'Union interprofessionnelle des vins de Cahors (UIVC). Nous avons une vision à long terme des marchés de demain qui seront majoritairement internationaux. Dans un univers fortement concurrentiel, une appellation trop petite n'est pas visible et le produit rare court le risque de se faire oublier. » Mais attention, « les plantations ne doivent pas conduire une nouvelle fois à la surproduction ou à la baisse des prix, tempère Jérémy Arnaud, directeur marketing de UIVC. L'Argentine a vocation à dominer le marché de masse du malbec à l'international. Or, le sud de la France commence à planter du malbec pour le sans IG et l'IGP. Cahors, qui dispose de 21 700 ha d'AOC non utilisés, doit se repositionner pour une plus forte valeur ajoutée et s'assurer d'un équilibre entre l'offre et la demande. Il doit aussi planter pour produire du blanc en IGP Côtes-du-Lot. »

Gaillac « Moins de 1 % par an »

« Si nous parvenons à une croissance de 1 % par an sur l'AOC Gaillac, ce sera déjà bien, reconnaît Cédric Carcenac, président de l'ODG. Nous n'envisageons pas de demander davantage. Cela nous permettrait de développer nos surfaces en cépages autochtones (braucol, duras) dont le prunelard, qui possède un vrai intérêt qualitatif et technique. Les vignerons en cultivent 51 ha actuellement et notre objectif est d'arriver à 200 ou 300 ha. » Dans le Tarn, le vignoble gaillacois représente 7 000 ha de vignes dont 3 500 ha en AOC. La plupart des vignerons produisent de l'IGP Côtes-du-Tarn, dont les surfaces ont davantage tendance à progresser que celles de l'AOC Gaillac. C'est généralement ce que choisissent les exploitants en polyculture qui arrêtent certaines productions céréalières. Ils plantent des cépages comme le gamay ou le merlot, avec une forte densité, irriguent et pratiquent la taille rase et les rendements élevés. « Les deux stratégies AOC et IGP tiennent la route, note Cédric Carcenac. L'objectif est de répondre aux demandes du marché. »

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Jean-Paul Albert, Domaine de Labarthe, 60 ha à Castanet (Tarn)

« J'achèverai en mars mon programme de plantation de 24 ha de vignes sur cinq ans, dont 4,5 ha de vignes nouvelles et 19,5 ha de replantations. Durant ces cinq années, j'ai eu beaucoup de mal à acheter des droits. La procédure était très compliquée. Des nouvelles procédures plus simples, c'est bien. En revanche, libéraliser le système, ça ne sera pas mieux. Si n'importe qui peut planter de grandes surfaces, l'AOC ne va pas tenir longtemps. Il faut qu'il y ait un marché pour valoriser la production. Il faut absolument que les responsables professionnels du bassin Sud-Ouest encadrent le système. »

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Guy Salmona, Château Laurou, 52 ha à Fronton (Haute-Garonne)

« J'ai repris l'exploitation en 1997. Depuis, j'ai planté 15 ha, dont 3,5 ha d'agrandissement. J'ai planté, je plante et je planterai. J'ai l'impression que les nouvelles procédures me faciliteront la tâche. Nous ne serons plus obligés d'arracher pour constituer des droits. Je remarque aussi que les droits demandés par notre ODG chaque année à l'Inao, ne sont pas tous consommés. En 2013-2014, sur 14 ha, seuls 7,5 ha ont été utilisés. À l'inverse, les IGP et les vins sans IG semblent avoir des stratégies de plantations nouvelles importantes. Il faudra voir ce que cela donne au niveau du bassin, qui devra gérer tout cela »

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Sylvain Barreau, Domaine Barreau, 38 ha, à Boissel (Tarn)

« Depuis mon installation, en 2008, à la suite de mon père, j'ai planté 10 ha de vignes nouvelles. Mon père avait 3 ha de droits en portefeuille et j'ai demandé 1 ha gratuit par an pendant sept ans. Cette année, avec mon frère qui s'est installé, nous allons planter encore 2 ha de muscadelle et de syrah, mais nous n'irons pas au-delà de 45 ha. Nous restructurons aussi nos vieilles vignes. D'ici huit ans, nous devons encore renouveler 8 ha. À l'avenir, j'espère que le programme d'aide aux restructurations sera maintenu. Aujourd'hui, il est assez compliqué à appliquer, mais il apporte un soutien non négligeable. »

L'essentiel de l'offre

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