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DOSSIER - Plantations nouvelles : ce que veulent les régions

LES RÉGIONS EN POINTE

VALLÉE DU RHÔNE Une AOC mesurée, des IGP entreprenantes

CHANTAL SARRAZIN - La vigne - n°271 - janvier 2015 - page 32

Les producteurs de l'appellation Côtes-du-Rhône veulent se cantonner au niveau actuel de 0,4 % de plantations nouvelles par an quand le négoce milite en faveur de 1 %. L'IGP Méditerranée, portée par le rosé, demande également le maximum.
« Aujourd'hui, nos adhérents sont davantage dans une logique de restructuration de leurs exploitations que de hausse de leurs superficies. » (Denis Guthmuller, président de la coopérative Cécilia, dans le Vaucluse.)  © P. ROY

« Aujourd'hui, nos adhérents sont davantage dans une logique de restructuration de leurs exploitations que de hausse de leurs superficies. » (Denis Guthmuller, président de la coopérative Cécilia, dans le Vaucluse.) © P. ROY

Prudence et pragmatisme. Ce sont les maîtres mots de l'organisme de défense et de gestion (ODG) de l'appellation Côtes-du-Rhône à l'égard de la réforme sur les droits de plantation. « Notre vignoble réalise 80 ha de plantations nouvelles par an, ce qui représente 0,4 % de sa superficie globale, indique Philippe Pellaton, le président. A priori, nous nous en tiendrons à ce ratio. » Selon lui, après dix ans de crise, les vignerons de l'appellation n'ont pas encore retrouvé la confiance nécessaire pour se lancer dans de nouvelles plantations. Entre 2003 et 2013, les surfaces récoltées en côtes-du-rhône ont chuté de 20 % pour tomber à 31 926 ha. « Aujourd'hui, les cours repartent à la hausse, mais nos adhérents sont davantage dans une logique de restructuration de leurs exploitations que de hausse de leurs superficies », souligne Denis Guthmuller, président de la coopérative Cécilia, à Sainte-Cécile-les-Vignes (Vaucluse).

Dans les rangs du négoce, le discours est tout autre. « Nous sollicitons clairement le 1 % de croissance octroyé par la réforme, lance Étienne Maffre, le tout nouveau président de l'Union des Maisons du Rhône et directeur général adjoint de la Maison Gabriel Meffre, à Gigondas (Vaucluse). L'appellation Côtes-du-Rhône commercialise 1,5 million d'hl. Les deux petites récoltes de 2012 et surtout de 2013, avec seulement 1,2 million d'hl récoltés, ont provoqué un déséquilibre entre l'offre et la demande. » Faute de vins, les sorties de chais ont reculé de 3 %. Quant au cours du vin en vrac, il s'est établi à 135 €/hl en 2013-2014, soit 20 % plus cher que la campagne précédente. « Nous avons réduit nos marges, explique Étienne Maffre. Mais ce n'est pas envisageable de continuer ainsi plusieurs années de suite. »

À la Compagnie Rhodanienne, à Castillon-du-Gard (Gard), Thomas Giubbi, le directeur général, prévient : « Ces tensions sur les cours conduisent à des augmentations de prix sur les marchés finaux. À partir d'un certain seuil, le consommateur ne suit plus. » Et d'ajouter : « La consommation mondiale de vin augmente et, parallèlement, la population mondiale. Les côtes-du-rhône doivent accompagner ces évolutions. »

La production, qui connaît bien ces arguments, veut des garanties. « On nous demande de répondre à une demande conjoncturelle par une réponse structurelle, rétorque Philippe Pellaton. Un nouveau vignoble demande cinq ans avant d'entrer en production. » L'ODG réclame donc aux entreprises de l'aval, qui absorbent les deux tiers des volumes de l'appellation, le détail de leurs perspectives de développement pour les cinq prochaines années. « Ces informations nous sont indispensables pour gérer sereinement le vignoble », précise Philippe Pellaton.

En attendant d'avoir une idée plus claire de l'avenir, l'ODG privilégie des mesures conjoncturelles en vue de rééquilibrer le marché. Il a ainsi rehaussé le rendement de l'appellation régionale à 54 hl/ha au lieu des 51 hl/ha prévus par le cahier des charges. Cette décision, renforcée par une nature généreuse, a permis de récolter 1,6 million d'hl en 2014. Ce qui va permettre de reconstituer les stocks tombés à 645 000 hl en début de campagne. Par ailleurs, l'ODG demande que le volume complémentaire individuel (VCI), testé à Bordeaux, soit étendu à l'ensemble des AOC rouges dès la campagne 2015.

Autre point de discorde entre les deux familles, l'avenir des vins sans indication géographique (VSIG). La production est convaincue que le vignoble ne s'y prête pas. « En l'état actuel, il est difficile de produire chez nous 120 hl/ha », observe Denis Guthmuller.

Le négoce prétend l'inverse. « On peut implanter des vins sans IG en assurant la rentabilité économique des exploitations, soutient Étienne Maffre. Au sein de la Maison Gabriel Meffre, ces vins représentent 15 % de notre activité, et nos ventes dans cette catégorie ont progressé de 60 % entre 2011 et 2013. Dans le même temps, nos ventes d'AOC sont restées stables. »

Si l'AOC Côtes-du-Rhône se montre prudente, ce n'est pas le cas des vins IGP du Sud-Est. « Nous postulons au 1 % de croissance, indique Thierry Icard, président de la fédération InterMed, l'ODG de l'IGP Méditerranée. Les IGP Vaucluse et Ardèche sont à ce ratio. Il est même de 2 % par an pour l'IGP Bouches-du-Rhône. »

L'IGP Méditerranée dont 60 % de la production est en rosé se porte bien. L'an dernier, ses ventes ont progressé de 14 % en grande distribution française. Et la généreuse récolte de 2014, estimée à 400 000 hl, renforce encore son attrait auprès du négoce. « Jusqu'à présent, les producteurs d'IGP plantaient peu car le revenu dégagé ne couvrait pas leurs coûts de production, explique Didier Pauriol, président des Vignerons du Roy René, une coopérative dont l'IGP Méditerranée représente 35 % de la production. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Les rendements se rapprochent des 120 hl/ha. Les cours atteignent 90 €/hl. Les vignerons en vivent correctement. » Lui aussi est favorable au 1 % de croissance, « mais il faudra être vigilant, rajoute-t-il. Il ne faudrait pas déséquilibrer la répartition entre AOP et IGP au sein de notre offre. »

Les jeunes appellations plus motivées que le côtes-du-rhône

Faute de disponibilités en 2013-2014, les sorties de chais des appellations périphériques de la vallée du Rhône - Luberon, Ventoux, Costières-de-Nîmes et Grignan-les-Adhémar - ont plongé de 26 % par rapport à la période précédente. « Nous avons perdu des marchés, déplore Yves Favier, le président de l'ODG Ventoux. Heureusement, la vendange 2014 a atteint 280 000 hl, ce qui correspond à notre capacité de commercialisation. Il est indéniable que nous avons besoin d'augmenter notre potentiel de production. » L'appellation a demandé 30 à 35 hectares de droits nouveaux ces deux dernières années, ce qui correspond à 0,5 % de sa superficie. Problème : ce contingent n'a pas été utilisé dans son intégralité. « Cela tient à la complexité des critères d'attribution, analyse Yves Favier. S'ils sont assouplis, nous pourrons optimiser les choses et, pourquoi pas, atteindre le 1 % accordé par la réforme. » Pour lui, il faudrait aussi des primes pour que des plantations nouvelles soient réellement mises en oeuvre. L'ODG du Luberon vise aussi le 1 % de croissance. « C'est peu ou prou ce que nous connaissons actuellement, souligne Joël Bouscarle, le président de l'ODG. Il y a eu une accélération des demandes en 2014 du fait de la reprise des cours, à 108 €/hl en 2013-2014. » L'appellation bénéficie du courant porteur du rosé. L'an passé, sa production dans cette couleur a franchi la barre des 50 %. Quelles que soient les évolutions futures, « il faudra ajuster le taux de croissance à la hausse ou à la baisse, suivant le contexte économique des campagnes à venir », prévient le président.

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Raphaël Castor, Château Saint Nabor, 140 ha, Cornillon (Gard)

« À mon avis, cela ne va pas changer beaucoup quant aux demandes de plantation que feront les vignerons. Les droits vont simplement être remplacés par des autorisations. J'exploite la moitié de mon vignoble en côtes-du-rhône, le reste en vins d'indication géographique protégée (IGP) du Gard et du Pays d'Oc. Aujourd'hui, si je devais me lancer dans de nouvelles plantations, ce serait pour développer la superficie en IGP car la demande s'accroît, notamment en rosés. »

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Alexandre Chabanis, coopérateur, 30 ha, Bourg-Saint-Andéol (Ardèche)

« Je crains que le marché ne subisse à nouveau des dérégulations si l'on accorde un trop grand nombre de plantations nouvelles dans les côtes-du-rhône. Pour rendre nos exploitations plus performantes, il me semble plus judicieux de favoriser la restructuration de nos vignobles. Pour ma part, j'ai replanté plus de 7 ha au cours des cinq dernières années dans le cadre du plan collectif porté par l'ODG. Grâce à ce rajeunissement, nous collons au rendement de l'appellation, fixé à 54 hl/ha cette année. »

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Rémy Onde, Domaine des Ondines, 48 ha, Sarrians (Vaucluse)

« Je me bats depuis onze ans pour obtenir des droits de plantation en AOC Vacqueyras. Alors, la réforme en cours, j'y suis favorable à 100 % ! L'Inao m'a finalement accordé 4 ha sur 2013 et 2014. Je suis prêt à planter encore 4 ha supplémentaires pour porter ma superficie en vacqueyras à un tiers de mon vignoble. Depuis l'an passé, je commercialise la totalité de la production en bouteilles en France et à l'export, aux États-Unis et en Belgique où je manque de rouge et de blanc. »

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Jérôme Margnat, Château La Borie, 75 ha, Suze-la-Rousse (Drome)

« Nous ferons des demandes de plantations nouvelles. En effet, nous disposons encore d'une réserve foncière, et tous nos marchés particuliers - restauration, export - sont en croissance. Le côtes-du-rhône séduit les consommateurs pour son bon rapport qualité-prix. Il est toutefois difficile de se projeter, car nous ignorons encore comment le système va fonctionner. Cela étant, les ODG doivent continuer à gérer les attributions. Elles sont en mesure d'assurer l'équilibre du marché. »

L'essentiel de l'offre

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