Avec un peu moins de 2 000 ha en production, la surface du vignoble jurassien n'a quasiment pas évolué depuis quarante ans. Mais les temps changent. « Nous compterons l'an prochain 27 ha de plantations nouvelles, le double des années précédentes. C'est un signe encourageant », se réjouit Jean-Charles Tissot, président du Comité interprofessionnel des vins du Jura (CIVJ).
Plusieurs facteurs militent en faveur d'une augmentation des surfaces. « On manque de vins », s'inquiète d'abord Christophe Botté, directeur de la Fruitière vinicole d'Arbois, la principale coopérative de la région. Depuis trois ans, les volumes que nous récoltons sont inférieurs à nos ventes. Nous déstockons fortement. » « Le Jura a besoin de surfaces supplémentaires », renchérit Arnaud Van Der Voorde, responsable d'exploitation à la Maison du Vigneron, pôle jurassien des Grands Chais de France, à Crançot.
Après une petite année 2012 (44 hl/ha), puis une année 2013 catastrophique (29 hl/ha), le rendement de la Fruitière d'Arbois, qui vinifie 270 ha pour une centaine d'adhérents, n'a atteint, cette année encore, que 42 hl/ha. Après une forte pression du mildiou en 2012 et du filage en 2013, les vignes ont subi cette année une attaque de la mouche suzukii. La récolte du cépage poulsard, notamment, a chuté de moitié.
Les aléas climatiques n'expliquent pas à eux seuls ces faibles rendements. « Le vignoble est assez vieux. Il tourne autour des 40 ans en moyenne », poursuit Christophe Botté. « On perd l'équivalent de 40 ha de production par an à cause des maladies du bois », estime, quant à lui, Jean-Charles Tissot. Les cépages savagnin et trousseau sont très touchés par l'esca. L'enherbement, aussi, se développe. Le Jura, en effet, est la région française où la proportion de vignes biologiques, qui tourne autour des 15 %, est la plus importante. « C'est intéressant pour la qualité, mais cela pèse sur les volumes », observe Christophe Botté.
Ces faibles rendements sont d'autant plus dommageables que les vins se vendent bien. « Notre vignoble a un potentiel de croissance, assure Jean-Charles Tissot. Il a acquis une bonne notoriété. Si nos droits à planter sont strictement limités à 1 %, on ne pourra pas se développer autant que nécessaire. Il ne faut pas que l'on soit brimé. Notre objectif n'est pas de replanter les 9 000 ha possibles de l'aire mais d'engager une dynamique régulière. » « Si on nous accorde des facilités pour planter, nous aurions des adhérents intéressés, tout particulièrement les jeunes, appuie Christophe Botté. Car le marché des blancs est porteur, pour les chardonnays et les effervescents, notamment. Il n'y a pas de problèmes de débouchés. »
« Aujourd'hui, la demande est forte sur les crémants, confirme Arnaud Van Der Voorde. La question des plantations devra se poser chaque année en fonction de la demande. »
Le Point de vue de
ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?
Patrick Clavelin, Gaec Hubert Clavelin et fils, 30 ha, Le Vernois
« Mon fils a bénéficié de 5 ha de droit de plantation lorsqu'il a rejoint le Gaec il y a deux ans. Nous avons déjà planté 3 ha de savagnin. Nous planterons 2 ha de pinot noir dans les deux prochaines années. Et nous souhaitons planter 3 ha supplémentaires de savagnin. Pour cela, nous avons déjà la cuverie, le matériel et la clientèle. En ce qui concerne le Jura, un accroissement de 200 à 300 ha ne pourrait être que bénéfique car nous perdons des parts de marché par rapport à la Bourgogne et à l'Alsace, faute de produits. Or, il y a de la demande sur les blancs, en particulier sur les crémants. »
Le Point de vue de
« Je suis favorable à la croissance du vignoble jurassien. Il est en vogue, notamment le bio. Je n'ai aucun doute que les ventes suivront, si on se développe. Augmenter de 1 % par an paraît le bon taux à long terme. Mais une progression de 2 ou 3 % les premières années permettrait de récupérer le retard accumulé. De mon côté, je reprends l'exploitation familiale. Je vais d'abord renouveler le parcellaire pour gagner en rendement. Ensuite, je pense planter 2 ha en deux ans. Mais je n'irai pas au-delà de 6,5 ha. Je préfère conserver une taille modeste en valorisant mes vins. »