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DOSSIER - Plantations nouvelles : ce que veulent les régions

LES RÉGIONS QUI TEMPÈRENT

CENTRE La chasse gardée des AOP

MARION BAZIREAU - La vigne - n°271 - janvier 2015 - page 53

Les viticulteurs se mobilisent pour la création d'un outil de régulation des plantations. Ils ne souhaitent pas voir leurs AOP concurrencées par des IGP ou des vins sans IG.
Au sein de l'AOP Sancerre (ici en photo), il reste peu de terrains à planter, ce n'est pas le cas dans les appellations voisines. ©P.MONTIGNY

Au sein de l'AOP Sancerre (ici en photo), il reste peu de terrains à planter, ce n'est pas le cas dans les appellations voisines. ©P.MONTIGNY

L'annonce de l'assouplissement des plantations n'a pas laissé les vignerons du Centre indifférents. La profession redoute les détournements de notoriété que pourraient engendrer des plantations de sauvignon et de pinot noir en IGP ou en vin sans IG à proximité de leurs aires d'appellation. Récoltants, négociants et coopérateurs parlent d'une même voix : si elle prenait une telle direction, la région se dirigerait droit vers une « faillite économique ».

La renommée des vignobles du Centre est en effet basée sur l'AOP (97 % des surfaces plantées). C'est un système gagnant. Nathalie Prieur, directrice de la FUVC, rappelle que « près de la moitié de la production est écoulée à l'export, les vins sont bien valorisés, et, contrairement à beaucoup, la région ne perd pas d'exploitants ».

Les viticulteurs se sont mobilisés tôt pour protéger « un système qui fonctionne depuis quatre-vingts ans », comme l'indiquait François Crochet, vice-président de l'Union viticole sancerroise, le 9 décembre dernier, à l'occasion d'une journée destinée à alerter la presse sur les dérives possibles du nouveau système de plantations. Les producteurs demandent l'interdiction des plantations d'IGP ou de vins sans IG en sauvignon ou en pinot noir, cépages phares de la région, à proximité des aires classées AOP. S'ils n'obtiennent pas gain de cause, ils préviennent qu'ils empêcheront eux-mêmes de telles plantations.

Ce « niet » n'interdit pas des évolutions. Jean-Max Roger, viticulteur et négociant à Bué (Cher), et membre du comité national de l'Inao, ne voit pas d'inconvénients à la plantation de cépages distincts de ceux autorisés dans les AOP. Mais pour lui, « c'est inutile car, pour faire du vin sans IG de façon rentable, il faut sortir au minimum 100 hl/ha, ce qui est impossible ».

Pour le moment, seuls deux ou trois projets d'extension en IGP ou vin sans IG ont été soulevés. Beaucoup d'opérateurs sont en attente de précisions sur les futures modalités de plantation.

Autre sujet d'inquiétude : l'augmentation des surfaces plantées en AOP. Si, au sein de l'AOP Sancerre, il reste peu de terrains à planter, ce n'est pas le cas dans les appellations voisines. À Menetou-Salon (Cher), seule la moitié de l'aire classée est occupée. À Pouilly ou à Reuilly, c'est le tiers, à Quincy, le quart !

À l'heure actuelle, le Centre plante en moyenne l'équivalent de 0,5 % de la superficie de son vignoble tous les ans. Sur les 9 500 ha que comptent les huit AOP, seuls 5 500 sont plantés.

La profession appréhende une croissance trop soutenue, qui ne laisserait pas le temps de valoriser les marchés. Surtout, la région étant réputée, les viticulteurs redoutent que plus de 1 % de nouvelles plantations soient demandées chaque année. Pour Gilles Guillerault, président de l'UVS, « sans régulation, il y aura un déséquilibre entre l'offre et la demande à court terme ». La profession fera tout pour l'empêcher.

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Philippe Gilbert, Domaine Philippe Gilbert, 28 ha, Menetou-Salon (Cher)

« La déréglementation n'est pas une bonne nouvelle. Les autorisations de plantation risquent de venir diluer l'appellation. Pour ma part, je plante chaque année une petite vingtaine d'ares. C'est un rythme raisonnable qui permet de prendre soin du végétal. Avec les ODG, nous sommes réputés être collectivement responsables de nos terroirs et jusqu'ici nous raisonnions nos plantations "en bon père de famille". Aujourd'hui, nous sommes pleins d'interrogations. Et les politiciens ne semblent pas davantage savoir où ils en sont. »

Le Point de vue de

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?

Jean Maudry, Domaine de La Chézatte, 30,5 ha, Ste-Gemme-en-Sancerrois (Cher)

« Toutes nos parcelles sont en AOP Sancerre. Nous n'avons plus planté depuis douze ans. Nous disposons de terrains sur les coteaux sud, à proximité de l'aire classée. Nous pourrions y planter du sauvignon mais nous ne le ferons pas car cela porterait atteinte à l'image de la région. Sancerre est un petit vignoble qui rayonne à l'international. Planter en IGP ou en vin sans IG serait une erreur. En revanche, il serait opportun d'effectuer quelques plantations en AOP, voire d'étendre l'aire classée, car la demande est là.»

L'essentiel de l'offre

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