En Champagne, les plantations nouvelles ne sont pas à l'ordre du jour. D'abord parce qu'il reste peu de place : 34 200 ha des 35 280 ha que compte l'aire d'appellation sont déjà plantés, soit 97 % de sa superficie. Ensuite, et surtout, parce qu'en 2012, le Syndicat général des vignerons (SGV) a décidé de mettre un coup d'arrêt aux nouvelles plantations, comme ce fut déjà le cas de 1993 à 1998.
Une décision qui a été bien acceptée, les ventes ne progressant plus depuis 2008. La recherche de la croissance passe par l'export, où les places sont chères. « Lorsque la croissance reviendra, on pourra augmenter les rendements ou débloquer la réserve individuelle des producteurs », décrit Éric Potié, président de la Fédération des coopératives viticoles de Champagne.
Le SGV a interrompu les plantations dans un contexte particulier pour l'appellation, celui de la révision de son aire. Votée en assemblée générale en 2003, cette révision a pour objectif de sécuriser juridiquement cette aire, mais aussi d'agrandir la surface plantée pour répondre à la demande.
En 2010, l'Inao a intégré 45 nouvelles communes dans l'aire d'appellation. Depuis début 2014, une commission d'experts arpente le vignoble. Elle vérifie que les parcelles actuellement classées répondent bien aux critères de l'AOC et classe celles qui méritent de l'être parmi les 45 nouvelles communes. Avec un prix de l'hectare qui varie entre 700 000 € et 1,7 M€ pour les parcelles de Champagne les plus recherchées, l'enjeu est de taille. La commission avance donc prudemment. Elle ne dévoilera ses résultats qu'en 2018 au plus tôt. Avec les inévitables recours que cela entraînera, les professionnels estiment que les premières plantations nouvelles pourraient se faire en 2020.
Pour les plantations nouvelles, les regards se tournent donc vers la prochaine décennie, avec plus ou moins de sérénité. La révision de l'aire suscite quelques craintes. Des viticulteurs redoutent une baisse de leurs revenus après l'arrivée de nouveaux producteurs ou l'agrandissement d'exploitants sur leurs parcelles nouvellement classées. Les ventes ne progressant pas, ils craignent que les rendements autorisés soient revus à la baisse. « Il ne faudrait pas que la baisse des rendements à l'hectare devienne une habitude », résume Michel Loriot, président de la Fédération des Vignerons indépendants de Champagne.
Les jeunes viticulteurs semblent, quant à eux, relativement confiants. « Je ne pense pas que l'extension de l'aire puisse faire baisser le rendement à l'hectare, estime Jean-Marc Charpentier, président du Groupe des jeunes viticulteurs. Jusqu'à présent, les nouvelles plantations n'ont jamais eu cette conséquence. » En 1970, le vignoble planté ne couvrait que 17 000 ha, c'est-à-dire la moitié de la surface actuelle.
S'il est un point qui fait l'unanimité, c'est qu'il faudra rester prudent et mesuré dans l'octroi des droits de plantation quand le dossier de la révision de l'aire sera clos. « Si en 2020, le niveau de ventes de bouteilles reste similaire à celui de 2014, ce serait de la folie de planter, commente Michel Loriot. Il faudra reprendre le même rythme qu'auparavant, à savoir très modéré. »
Comme toutes les autres régions, la Champagne regarde attentivement la réforme de la gestion des droits, en espérant pouvoir reconduire un système qui lui a réussi jusqu'à présent. « La fixation des rendements et des droits de plantation s'est toujours faite en cogestion avec les négociants, en s'appuyant sur les données économiques, souligne Éric Potié. Cela s'est toujours bien passé. Nous espérons qu'il en sera de même avec la réforme. »
La Champagne sera également attentive à ce qu'il n'y ait pas de plantations de vins sans IG sur son aire de production en raison du risque de détournement de notoriété.
Le Point de vue de
ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT PLANTER ?
Lucie Richard adhérente coop Charles Collin, 5,5 ha, Essoyes (Aube)
« Le fait que les nouvelles plantations soient arrêtées ne pose pas vraiment de problème. Il y a très peu de parcelles à planter et les ventes restent globalement stables depuis plusieurs années. Si les marchés devenaient plus actifs, on pourrait accompagner la croissance avec une augmentation du rendement. La révision de l'aire n'est pas un sujet dont on parle beaucoup. C'est la baisse des ventes chez les viticulteurs qui nous inquiète. C'est sûr qu'en 2014, avec des ventes qui stagnent depuis plusieurs années, la révision de l'aire n'est plus aussi évidente qu'il y a dix ans. Mais c'est une bonne décision à long terme. Pour la nouvelle aire, il faudra veiller à ce que les droits de plantation soient distribués au compte-gouttes pour ne pas perturber le marché. »