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Magazine - Histoire

Période : XIXe Lieu : Champagne Eugène Mercier : génie publicitaire

FLORENCE BAL - La vigne - n°271 - janvier 2015 - page 73

Audacieux et excellent communicant, cet homme met à profit toutes les innovations de la révolution industrielle pour développer sa maison.
Le plus grand foudre du monde, construit par Mercier à Épernay,  a été transporté en 1889  à l'Exposition universelle de Paris par douze paires de boeufs. Un coup médiatique d'Eugène Mercier. © COLLECTION CHAMPAGNE MERCIER

Le plus grand foudre du monde, construit par Mercier à Épernay, a été transporté en 1889 à l'Exposition universelle de Paris par douze paires de boeufs. Un coup médiatique d'Eugène Mercier. © COLLECTION CHAMPAGNE MERCIER

Eugène Mercier naît le 1er avril 1838, à Épernay, dans la Marne. Enfant naturel, il ne connaît pas son père. Sa mère est d'origine modeste. Elle travaille dans une épicerie. Nul doute que son fils est obligé de travailler très jeune. Dès 1858, à l'âge de 20 ans, il s'associe avec Philippe Bourlon, un négociant propriétaire de 15 ha de vignes à Cramant (Marne), dont il a épousé la fille.

Son idée est de mettre en commun l'élaboration et la commercialisation des vins pour réduire les coûts, et de démarrer la vente de champagne sous son nom, Mercier. Son ambition ? « Loin de la consommation institutionnelle et des têtes couronnées, il lance un champagne destiné au plus grand nombre et accessible en prix », raconte le groupe LVMH, aujourd'hui propriétaire de la marque. Sa stratégie ? Vendre davantage et moins cher.

À partir de 1869, son entreprise change radicalement d'envergure. Eugène Mercier « sait mettre à profit toutes les opportunités et innovations que lui apporte la révolution industrielle (chemin de fer, électricité, cinéma) et en profite toujours pour faire de la publicité et promouvoir sa maison », continue le groupe. Il n'a pas froid aux yeux, il voit grand, il investit.

Il acquiert tout d'abord un terrain dans l'actuelle avenue de Champagne, à Épernay, et il ordonne la construction de caves gigantesques. « Comptez par kilomètre, non par mètre ! », aurait-il commandé à l'architecte. Ses caves sont décorées par le sculpteur champenois Gustave-André Navlet. Elles communiquent avec la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg, ce qui permet d'expédier aisément le champagne et d'accueillir des voyageurs.

En 1885, les caves sont ouvertes au public. Même Sadi Carnot, le président de la République, les visitera. Dès 1886, elles sont éclairées à l'électricité, cette innovation récente. Cette même année, Eugène Mercier part à la conquête du marché allemand. Il n'hésite pas à installer des caves au grand-duché du Luxembourg pour contourner les taxes douanières.

Autre coup médiatique : en 1871, Eugène Mercier lance à Épernay la construction du plus grand foudre du monde, d'une contenance de 1 600 hl, soit plus de 200 000 bouteilles, et pesant plus de 20 tonnes. Il faudra seize ans pour achever sa construction. En 1889, il entreprend de le transporter à Paris pour l'Exposition universelle. Quantité d'articles de journaux racontent l'épopée du voyage et tiennent leurs lecteurs en haleine durant trois semaines. Le foudre y est emmené, tiré par douze paires de boeufs. « L'objet sera une des attractions majeures de la manifestation et finira deuxième, derrière la tour Eiffel qui remportera le concours, souligne le groupe. Le champagne Mercier est désormais connu en France mais aussi à l'international. »

En 1900, Paris accueille à nouveau l'exposition universelle. Eugène Mercier récidive. Cette fois, il a repéré le potentiel de l'invention des frères Lumière, le cinéma. Il commande le premier film publicitaire, intitulé De la grappe à la coupe, et le fait projeter au pavillon Mercier. Mais le vaillant entrepreneur ne s'arrête pas là. Il exploite une autre innovation pour assurer la publicité de sa maison. Il propose aux visiteurs de déguster son champagne à 300 m dans le ciel de Paris lors d'une ascension en ballon. Douze personnes peuvent prendre place dans la nacelle. C'est un succès. L'un de ses derniers.

En 1904, Eugène Mercier meurt à sa table de travail. À l'époque, sa maison produit 4 millions de bouteilles par an et en possède 15 millions dans ses caves. Son fils et ses gendres reprennent une entreprise prospère.

En 1970, la Maison Mercier fusionne avec Moët & Chandon. En 1987, la marque passe sous le contrôle du groupe LVMH. En 2013, ce dernier décide « de réveiller la belle endormie et de lui donner un coup de jeune » en ciblant « les actifs urbains de 25-35 ans, connectés, sensibles aux marques mais également aux prix ». La nouvelle gamme est composée d'un brut, d'un rosé, d'un demi-sec et d'un brut réserve, vendus entre 18 € et 25 €. Ils sont « accessibles au plus grand nombre, selon l'esprit de son fondateur », conclut le groupe.

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