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Magazine - Terroir & tradition

L'acanage L'attachage naturel

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°273 - mars 2015 - page 86

Comme quelques autres grands noms, le Château Latour, à Pauillac, perpétue la tradition de l'attachage des ceps avec des brins d'osier récoltés dans la région.
JULIE, EMPLOYÉE AU CHÂTEAU, a appris l'acanage en une journée et a acquis la rapidité d'exécution en une saison. C. GOINÈRE

JULIE, EMPLOYÉE AU CHÂTEAU, a appris l'acanage en une journée et a acquis la rapidité d'exécution en une saison. C. GOINÈRE

POUR ATTACHER LE CEP, on tient un brin et on enroule trois fois autour de lui l'autre extrémité du brin avant de le coincer avec le cep ou le fil.  C. GOINÈRE

POUR ATTACHER LE CEP, on tient un brin et on enroule trois fois autour de lui l'autre extrémité du brin avant de le coincer avec le cep ou le fil. C. GOINÈRE

SERGE LACOSTE livre au château des bottes d'osier durant l'hiver, pour un volume de 400 bottes/an. C. GOINÈRE

SERGE LACOSTE livre au château des bottes d'osier durant l'hiver, pour un volume de 400 bottes/an. C. GOINÈRE

L'osier ? « C'est l'attache naturelle de la vigne. » Domingo Sanchez n'en démord pas. Le chef de culture du Château Latour, premier grand cru classé, à Pauillac, en Gironde, n'en finit pas de vanter l'utilisation de ce matériau naturel. Depuis des lustres, dans ce domaine de 93 ha, on attache les ceps de vigne avec ce végétal. Une tradition qui n'a jamais été remise en cause.

« Les qualités de l'osier sont indéniables. Il est biodégradable, solide tout en étant souple et il respecte le pied de vigne lors de sa croissance », explique Domingo Sanchez. Autre avantage : le château aime à rappeler qu'il s'approvisionne localement auprès de L'Osier Vallée de la Garonne. Cette entreprise de l'osiériculteur Serge Lacoste, à Bassanne, produit 120 000 boutures par ha et par an sur 12 ha. Les trois quarts de sa production sont destinés aux viticulteurs.

Pendant les mois d'hivers, Serge Lacoste livre toutes les semaines le château. En un an, le domaine consomme autour de 400 bottes de 150 à 200 brins de Salix alba 'Vittelina', une variété d'osier orange qui offre des fibres longues de 1,60 à 1,80 mètre. Avant d'être mis en botte, l'osier est fendu en quatre pour obtenir des brins plus souples et plus faciles à travailler. Chaque botte équivaut ainsi à 1 100 mètres de liens. Dès leur arrivée sur la propriété, elles sont immergées dans l'eau pendant 24 heures. L'objectif étant d'assurer leur réhydratation. Car, dès que l'osier est coupé, il s'assèche.

Seul l'acanage, à savoir l'attache des ceps de vigne à leur tuteur ou au fil porteur, est effectué avec de l'osier. Les sarments à fruits sont, eux, liés avec du fil de fer.

Reste que l'osier requiert un certain coup de main. « C'est très particulier, car on n'a pas affaire à une simple ficelle. Le savoir-faire et l'expérience sont primordiaux et se transmettent entre vigneronnes », indique-t-il.

Julie, 32 ans, est une des seize vigneronnes, salariées du château, affectées à l'acanage. De décembre à avril, elle attache les pieds de vigne avec du « vime », nom donné à l'osier en jargon viticole. Lorsqu'elle débarque il y a six ans au château, elle ne connaît rien à l'acanage ni à l'osier. C'est une vigneronne, employée à la propriété depuis vingt ans, qui va lui transmettre son art. « En une journée, elle m'a appris les gestes. Et en une saison j'avais acquis de la rapidité dans l'exécution », se souvient-elle.

Tous les jours, les bottes d'osier sont apportées près des vignes. Julie, comme les autres vigneronnes, attache une botte à sa ceinture. Et démarre. Elle lie les pieds par un de leur bras en faisant trois boucles : la première pour serrer, la deuxième pour maintenir l'osier et la troisième pour le bloquer en le coinçant sous le bras du cep.

« Le fait de rabattre l'osier vers le haut ou le bas, selon que l'on est droitière ou gauchère, sert de frein. C'est important, car il faut éviter que le noeud se défasse. Pour cela, il est nécessaire de bien tirer dessus et que le frein soit suffisamment long pour maintenir les noeuds », explique-t-elle. Puis, avec son couteau, elle coupe le brin et passe au pied suivant. « C'est un tour de main à prendre, mais l'osier est souple. Il ne fait pas mal à la main et est agréable à travailler », lâche-t-elle. En une journée, Julie aura posé 2 000 attaches.

De mars à novembre, la jeune femme va laisser de côté l'osier pour se consacrer au labour à cheval. Elle est la seule femme sur la propriété à faire ce travail. « Ici, il y a une vraie philosophie tournée vers ce qui est naturel », confie-t-elle.

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