Expliquez le bien-fondé des traitements
Dans de nombreux vignobles, des pavillons se sont construits en bordure de vignes. Leurs habitants ne connaissent guère les contraintes du vigneron. Beaucoup ne comprennent pas la nécessité des traitements. « Il est important de leur expliquer pourquoi il faut traiter la vigne », indique Arnaud Descôtes, du CIVC. Soyez pédagogue. Expliquez que la vigne est sujette à des maladies. Et montrez la réalité du terrain. « Vous pouvez garder un témoin non traité et inviter les riverains à constater les dégâts en fin de campagne : ils peuvent ainsi visualiser les conséquences des maladies et comprendre pourquoi les traitements sont indispensables », suggère Alexandre Davy, de l'IFV. Arnaud Descôtes conseille aussi de rappeler aux habitants la réglementation à laquelle sont soumis les produits phytosanitaires : « Ces produits sont homologués et relèvent d'un cadre réglementaire très précis et plus strict que bien des produits chimiques que l'on peut respirer au quotidien. »
Restez à l'écoute de vos voisins
En cas de conflit avec un voisin mécontent, ne cédez pas à l'agressivité. « L'écoute, le respect et le dialogue sont fondamentaux. Cela concerne les riverains comme les vignerons. Il faut être dans le raisonnement, et non dans l'émotion, souligne Arnaud Descôtes. Parfois, des habitants, des militants associatifs, peuvent être dogmatiques, mais il faut écouter leurs arguments. » Si vous avez des difficultés, vous pouvez vous faire aider par une organisation professionnelle. En Champagne, par exemple, le Syndicat général des vignerons peut intervenir au cas par cas en tant que médiateur.
Prévenez les riverains que vous allez intervenir
« La veille d'un traitement, on peut avertir ses voisins de façon simple, par l'envoi de SMS ou de mails groupés », suggère Alexandre Davy. Daniel Basset conseille également de prévenir les riverains « par un petit coup de fil, la veille ». « Il est possible que ce jour-là on ne puisse pas traiter en raison du vent, par exemple. Mais, au moins, les résidents sont prévenus ». D'une manière générale, et dans la mesure du possible, veillez à ne pas gêner le repos du voisinage. « Je recommande aux vignerons de ne pas traiter avant 6 heures du matin dans les parcelles proches d'habitations, note Daniel Basset. Nous faisons la chasse aux traitements le dimanche, mais le samedi est un jour ouvrable où les vignerons peuvent intervenir dans les vignes. »
Réduisez la dérive
Plusieurs précautions peuvent être prises pour éviter que vos voisins reçoivent des embruns de bouillie. Avant tout, respectez la réglementation et n'intervenez pas si le vent est supérieur à 19 km/h. Le jour du traitement, commencez par les zones sensibles si le temps est calme et que le vent risque de se lever.
En matière d'équipement, « les appareils face par face avec des diffuseurs positionnés dans l'interrang sont moins sensibles à la dérive, poursuit Alexandre Davy. De même, les buses antidérive produisent de grosses gouttes qui se dispersent peu. Mais il est vrai que ces buses sont sensibles au bouchage. » « Les vignerons doivent utiliser un matériel adéquat. Dans le Beaujolais, des pulvérisateurs à canons sont utilisés dans les parcelles en pente. Mais aux abords des habitations, je conseille de traiter en face par face ou à l'atomiseur à dos », insiste Daniel Basset.
À l'approche des écoles et maisons, il est aussi souhaitable de modifier sa conduite. « Avec un pulvérisateur à jet porté, on peut réduire voire couper la ventilation afin, là encore, de diminuer la dérive », suggère Alexandre Davy. Avec un appareil face par face, on peut couper les jets orientés vers les habitations.
Mais la solution ultime consiste à utiliser des appareils à panneaux récupérateurs. « Ils assurent généralement une bonne qualité de pulvérisation, réduisent considérablement la dérive et récupèrent du produit. Dans nos essais menés en 2014 en début de saison, la dérive à 5 mètres a été divisée par 25 », constate Alexandre Davy. Des vignerons qui utilisent ce type de pulvérisateurs sont très satisfaits : ils économisent des produits phyto et le regard de leurs voisins a changé.
Vous pouvez aussi aménager les abords de vos vignes. « Des brise-vent (haies artificielles ou naturelles) en bout de parcelle peuvent avoir leur utilité pour intercepter une partie de la dérive », indique Alexandre Davy. Vos voisins apprécieront certainement un tel investissement de votre part. Dans les cas extrêmes, « on peut être contraint d'arracher des pieds de vignes qui se situent à proximité des habitations quand celles-ci sont sous les vents dominants », ajoute Daniel Basset. À regret sûrement. Mais au moins cela permettra d'aménager des tournières plus vastes.
Proposez une charte des bonnes pratiques
En cas de problème, une charte de bonnes pratiques rappelant les principes d'une cohabitation apaisée peut permettre aux riverains de prendre du recul et de mieux comprendre les contraintes du vigneron. « En 2005, une charte a été mise en place par le Syndicat général des vignerons de Champagne après des désaccords entre vignerons et riverains », signale Arnaud Descôtes. Cette charte va être réactualisée pour prendre en compte l'évolution de la réglementation.
Dans le Lot-et-Garonne, une charte de bon voisinage a été lancée en 2006 par les Jeunes Agriculteurs, avec l'association des maires, le préfet et la chambre d'agriculture. Elle rappelle le rôle économique de la viticulture, la possibilité de nuisances mais aussi le respect par les vignerons des réglementations environnementales.
À Saint-Étienne-la-Varenne, le maire et vigneron Daniel Basset a établi pour la commune une « charte du bien-vivre en milieu rural ». Le document évoque notamment la vie de la vigne, sa « fragilité », l'importance de la météo et les traitements raisonnés. « Il est toujours nécessaire de sensibiliser les habitants et les vignerons, constate l'élu. Globalement, les choses se passent bien. Il est préférable de communiquer sur les bonnes pratiques par une charte plutôt que de recourir à des arrêtés municipaux. La charte est là pour rappeler que chacun doit faire des efforts dans le cadre du vivre ensemble. »
Le Point de vue de
DIDIER BRANGER,VIGNERON SUR 20 HA, À MAISDON-SUR-SÈVRE (LOIRE-ATLANTIQUE)
« Je me suis équipé d'un pulvérisateur à panneaux récupérateurs »
« Je travaille en viticulture raisonnée et, depuis trois campagnes, je me suis équipé d'un pulvérisateur à panneaux récupérateurs. Il me permet d'économiser des produits phyto (50 à 60 % de gains sur les premiers traitements) et il est aussi très apprécié de mes voisins. Une partie de mes vignes borde des maisons. Lorsque je traite, il n'y a pas de dérive. Les riverains ont vraiment vu la différence par rapport au face-par-face que j'utilisais auparavant. Un d'entre eux m'a même dit : c'est drôlement bien votre système ! Avec cet appareil, je constate que les voisins restent dans leur jardin lors des traitements. Dans la mesure du possible, je passe les prévenir la veille. Je leur indique à quelle heure je compte intervenir et je leur précise qu'il vaut mieux qu'ils ne mettent pas du linge à sécher dans le jardin s'ils comptent s'absenter pour la journée. Je ne traite pas ces vignes trop tôt le matin (pas avant 7 h 30). Avant d'acquérir mon pulvérisateur à panneaux récupérateurs, je coupais la pulvérisation de mon face-par-face sur le côté du rang longeant les maisons. Sur une parcelle, j'ai arraché deux rangs pour implanter une haie entre les maisons et la vigne. Je ne traitais pas ces rangs de toute façon afin de préserver les voisins. Sur les conseils de la chambre d'agriculture, j'ai opté pour des espèces qui favorisent les auxiliaires contre les vers de la grappe. »
Le Point de vue de
CHARLES DUBY, RESPONSABLE DU VIGNOBLE, DOMAINE DE L'ARJOLLE, 102 HA, À POUZOLLES (HÉRAULT)
« Je ne traite pas près des maisons le week-end ni trop tôt le matin »
« Notre domaine comprend une parcelle qui longe un lotissement de villas avec piscine. Lorsque je dois la traiter, je n'y vais pas trop tôt le matin : je commence vers 9 h. J'évite d'y intervenir le week-end. Nous sommes certifiés Terra Vitis depuis plus de dix ans. Nous ne traitons que si c'est nécessaire en choisissant les produits les moins nocifs pour l'environnement. Nous faisons également contrôler depuis longtemps les réglages du pulvérisateur face par face afin de bien orienter les jets par rapport à la végétation. Nous allons même plus loin aujourd'hui avec un pulvérisateur à panneaux récupérateurs, avec lequel la dérive est largement réduite. Je l'utilise systématiquement dans les vignes proches des villas, et les résidents installés sur leur terrasse ou dans leur jardin me regardent avec le sourire. Outre le fait que les embruns de traitement sont très limités, ce pulvérisateur est aussi moins bruyant. Les riverains voient que cet équipement est approprié, contrairement aux pulvérisateurs à canons dont ils se plaignent. »