Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

Production Des rendements moindres en bio

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°274 - avril 2015 - page 40

Pendant onze ans, l'IFV et la Sicarex Beaujolais ont comparé les conduites en conventionnel, raisonné et bio sur une parcelle. Les leçons à en tirer...
LA PARCELLE DE SAINT-ÉTIENNE-LA-VARENNE OÙ L'ESSAI A ÉTÉ CONDUIT. Dans la modalité bio, les expérimentateurs ont effectué en moyenne durant les onze années, 4,6 passages/an : buttage, débuttage, 2 à 3 griffages sur l'interrang et passage de lames sur le rang. © IFV/SICAREX BEAUJOLAIS

LA PARCELLE DE SAINT-ÉTIENNE-LA-VARENNE OÙ L'ESSAI A ÉTÉ CONDUIT. Dans la modalité bio, les expérimentateurs ont effectué en moyenne durant les onze années, 4,6 passages/an : buttage, débuttage, 2 à 3 griffages sur l'interrang et passage de lames sur le rang. © IFV/SICAREX BEAUJOLAIS

De 2003 à 2013, l'IFV et la Sicarex Beaujolais ont comparé sur une même parcelle, en beaujolais-villages, trois itinéraires : conventionnel, raisonné et biologique. Les expérimentateurs ont conduit l'essai sur du gamay planté en 1988 et taillé en gobelet. La parcelle est située sur un sol granitique (61 % de sable et 14 % d'argile), superficiel et présentant une faible pente (8 %). Voici leurs observations.

Rendements. 45 % plus faibles en bio

C'est le principal résultat de cette étude. En bio, avec 45 hl/ha en moyenne pendant toute la durée de l'expérimentation, le rendement accuse une baisse de 45 % par rapport au conventionnel (82 hl/ha) et de 33 % par rapport à la viticulture raisonnée (67 hl/hl). L'écart se creuse encore plus en 2008 et 2012, deux années où la pression de mildiou a été particulièrement forte. Toutefois, rapporté au rendement de l'appellation qui est actuellement de 52 hl/ha (contre 57 hl/ha en 2003 au démarrage de l'essai), la perte n'est que de 13,5 %.

Pourquoi de tels écarts entre les modes de conduite ? À la base, la modalité bio est moins productive. La fertilité et le poids moyen des grappes sont plus faibles en raison d'une moindre vigueur des vignes. En cause : le désherbage mécanique qui réduit le nombre de racines superficielles et qui permet un développement plus important des adventices les années pluvieuses. À cela s'ajoutent les pertes de rendement dues aux attaques de mildiou les années de forte pression.

En viticulture raisonnée, durant les premières années de l'essai, les rendements ont été similaires à ceux de la modalité conventionnelle. Mais, à partir de 2008, ils ont chuté. Cette année-là, les expérimentateurs ont abandonné le désherbage chimique en plein au profit de l'enherbement naturel dans tous les interrangs. Il s'en est suivi une baisse de la vigueur et donc des rendements. « Dans ce type de sol, l'enherbement de tous les interrangs est à éviter », constate Jean-Yves Cahurel, de l'IFV pôle Beaujolais. En 2012, les expérimentateurs sont donc passés à un enherbement un rang sur deux. Les rendements sont revenus à un niveau acceptable.

À noter que ces différences de rendement n'ont pas eu d'influence sur la qualité des baies.

Vigueur. Plus élevée en conventionnel

Pour mesurer ce paramètre, les testeurs ont pris comme indicateur le poids moyen des sarments (en grammes) après avoir pesé et dénombré les bois de taille. C'est dans la modalité conduite en conventionnel que la vigueur est la plus élevée : le poids moyen des sarments est de 18,5 g sur les onze années. En raisonné, elle est inférieure de 15 % pendant toute la durée de l'essai. La baisse s'est produite durant les cinq années où les expérimentateurs ont enherbé tous les interrangs. En 2012, lorsqu'ils sont repassés à un enherbement un interrang sur deux, la vigueur est redevenue proche de celle observée en conventionnel.

C'est en bio qu'elle est la plus faible : - 19 % par rapport à la conduite en conventionnel. « En bio, il y a davantage d'adventices, notamment les années humides, ce qui engendre un peu plus de concurrence avec la vigne », explique Jean-Yves Cahurel.

État sanitaire. Le bio plus attaqué par le mildiou

« Sur les onze années d'expérimentation, les maladies et les ravageurs ont été bien maîtrisés dans l'ensemble des modalités », note Jean-Yves Cahurel. Un bémol toutefois dans la partie bio. En 2008 et 2012, deux années de forte pression de mildiou, la maladie y a fait plus de dégâts qu'ailleurs. Pour preuve : à la vendange 2012, 32 % des grappes en bio étaient attaquées contre 13 % en conventionnel et 10 % en raisonné. D'autres années, les expérimentateurs ont aussi observé des développements de mildiou ou de black-rot un peu plus importants en bio, mais l'intensité des attaques est restée faible. En 2013, ils ont détecté des foyers plus importants d'oïdium dans la modalité raisonnée. Pour la pourriture grise, les expérimentateurs n'ont pas vu de grosses différences. Toutefois, « la tendance, c'est qu'il y en a un peu plus en conventionnel et en bio certaines années qu'en raisonné », indique Jean-Yves Cahurel.

Nombre de passages. Moins en raisonné

Le nombre de passages varie d'une année sur l'autre, car cela dépend des conditions climatiques. Globalement, il est moins important en raisonné. Dans cette modalité, les expérimentateurs ont en moyenne effectué 5,7 passages par an pour lutter contre les maladies et les ravageurs, contre 8,9 en conventionnel et 8,7 en bio.

Pour l'entretien des sols, c'est le bio qui est le plus gourmand : 4,6 passages par an en moyenne. En conventionnel et en raisonné, les expérimentateurs ont en moyenne effectué deux passages jusqu'en 2007. Puis, en 2008, avec la mise en place de l'enherbement dans la partie raisonnée, ils ont rajouté des tontes : deux par an en moyenne.

IFT. Des réductions significatives

Sans surprise, l'IFT (Indice de fréquence des traitements) total le plus élevé se constate en conventionnel (16,5 en moyenne sur les onze années). « C'est un peu en dessous de l'IFT régional qui est de 17,8 », note Jean-Yves Cahurel. En bio et en raisonné, il est respectivement de 7,7 et de 10,1, soit une réduction de 53 % et de 39 % par rapport au conventionnel.

En raisonné, l'IFT a baissé après la mise en place en 2010 de la règle de décision Pod Mildium pour lutter contre le mildiou et l'oïdium. Il a ensuite à nouveau augmenté, notamment en 2013, car les expérimentateurs ont dû renforcer la protection contre l'oïdium à cause d'une présence accrue du champignon. En bio, l'IFT a été faible au départ - 5,4 - mais il a augmenté à partir de 2009, car les testeurs ont dû revoir à la hausse les doses de soufre, toujours pour contrôler l'oïdium. Ils ont également introduit des traitements antibotrytis à base de Bacillus subtilis.

Bilan économique. Peu de différences

Les expérimentateurs ont chiffré le coût de toutes les opérations culturales (rognage, récolte...), d'entretien des sols et de protection phytosanitaire. Au cours des onze années d'expérimentation, les coûts en modalité bio s'élèvent en moyenne à l'année à 1 663 €/ha. Ce qui représente des coûts supérieurs de 5 % par rapport à la conduite raisonnée et de 9,5 % par rapport au conventionnel. Mais si l'on s'en tient aux trois dernières années, c'est la modalité raisonnée qui s'avère être la plus économique (1 738 €/ha) et la conduite bio la plus coûteuse (1 982 €/ha).

« Le bio a été favorisé les premières années car il y a eu moins de traitements sur cette modalité. Mais, à partir de 2009, on a augmenté les doses de soufre, changé de forme de cuivre et intégré des traitements à base de Bacillus subtilis pour lutter contre la pourriture grise », commente Jean-Yves Cahurel

Les trois modalités étudiées

Conventionnel : traitements phytosanitaires appliqués selon un calendrier préétabli. Désherbage chimique en plein.

Raisonné : application du cahier des charges Terra Vitis. Introduction en 2010 de la règle de décision Pod Mildium pour le mildiou et l'oïdium. Désherbage chimique en plein au départ, puis enherbement spontané tous les interrangs en 2008 et un rang sur deux en 2012.

Bio : application du cahier des charges bio. Désherbage mécanique. À partir de 2009, augmentation des doses de soufre à cause de problèmes d'oïdium et introduction d'un traitement antibotrytis à base de Bacillus subtilis.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :