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VIN

Caméra cachée au coeur d'une barrique

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°274 - avril 2015 - page 58

Grâce à un système innovant de visualisation de l'oxygène dissous, des chercheurs ont montré la porosité des douelles vis-à-vis de l'oxygène.

C'est désormais incontestable. La barrique est perméable à l'oxygène. Et ce n'est pas seulement à travers la bonde, le jable (jointure entre les fonds et la barrique) et les interstices entre deux douelles que s'effectue cet échange gazeux. L'oxygène traverse également toute l'épaisseur des douelles. Cette démonstration a été faite par une équipe de chercheurs espagnols de l'Université de Valladolid.

Ignacio Nevares, Raul Crespo, Carlos Gonzalez et Maria Del Alamo-Sanza ont mis en oeuvre un système innovant de visualisation de l'oxygène dissous. Ils ont placé à l'intérieur d'une barrique des capteurs luminescents sensibles à la quantité d'oxygène dissous et les ont raccordés à une caméra numérique. Ce dispositif leur a permis de voir et de quantifier la diffusion de l'oxygène depuis l'extérieur jusqu'à l'intérieur de la barrique.

Pour leurs essais, les chercheurs ont utilisé non pas du vin mais une solution hydro-alcoolique désoxygénée pour éviter que les composés du vin capables de consommer l'oxygène ne minorent les mesures d'oxygène à l'intérieur de la barrique. Les résultats montrent, sans discussion possible, le passage de l'oxygène à travers les douelles et sa dissolution dans le liquide à l'intérieur de la barrique.

Pas de dégazage. Les chercheurs ont mesuré la teneur en oxygène dissous dans le vin durant 24 h. Ils ont observé un enrichissement continu du liquide dans la zone immédiatement en contact avec le bois. À ce niveau, la teneur en O2 dissous, de 46 µg/l au départ, passe à 874 µg/l au bout de 24 h (voir graphique). La teneur en oxygène augmente de la même manière dans le liquide et dans le bois. Les chercheurs en concluent donc que l'oxygénation du vin n'est pas due à un dégazage du bois mais bien à un passage de l'oxygène au travers des douelles.

Dans un autre essai, les chercheurs ont comparé une barrique sèche à une autre préalablement humectée pendant 48 h. Ils ont mesuré l'oxygène dissous à l'entonnage, puis 12 h et 24 h plus tard. Dans les deux cas - bois sec et bois humide -, ils ont observé une pénétration de l'oxygène, mais le bois humecté a freiné le phénomène. Dans ce cas, les teneurs en oxygène dissous au bout de 24 h sont trois fois plus faibles : 310 µg/l contre 925 µg/L pour le bois sec.

Une autre observation montre que la perméabilité à l'oxygène décroît au fur et à mesure que le bois s'humidifie. En effet, l'équipe espagnole a suivi la diffusion de l'oxygène sur une période de 40 jours, en effectuant des mesures à l'entonnage puis 2, 7 et 40 jours plus tard. Ils ont contrôlé en parallèle l'évolution de l'humidité du bois sur les cinq premiers millimètres de l'intérieur de la douelle. L'humidité, qui est inférieure à 10 % dans les premières 48 heures, dépasse 25 % au bout de 40 jours. Dans le même temps, l'OTR (taux de transmission d'oxygène) chute de 304 à 5 mg/l/an. Malgré cela, les mesures à 40 jours révèlent que la diffusion d'oxygène à travers le bois perdure même si la perméabilité a fortement chuté.

« C'est un travail très intéressant, estime Nicolas Vivas, qui a déjà publié en 2003 une étude mettant en évidence le passage de l'oxygène au travers des douelles. L'utilisation de la luminescence permet de conforter et d'affiner les résultats que nous avions obtenus. C'est la démonstration définitive de la perméabilité du bois de la barrique, que certaines études contredisaient encore. »

Le chêne français plus perméable

Les chercheurs ont aussi comparé la perméabilité du chêne français avec celle du chêne américain. Ils ont mené leurs essais sur huit barriques : 4 françaises, 4 américaines, fournies par deux tonnelleries. Les résultats montrent que l'entrée totale d'oxygène dans les barriques est semblable quelle que soit la provenance du bois mais que les voies de pénétration diffèrent. Dans le cas des fûts américains, l'oxygène passe pour moitié à travers l'épaisseur du bois et pour moitié par le trou de bonde et les interstices entre les douelles. Dans le cas du chêne français, l'apport via l'épaisseur du bois représente 75 % de l'oxygène total reçu par le vin. Le chêne français laisse donc passer davantage d'oxygène que l'américain.

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