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ACTUS - FRANCE

AOC L'encépagement à l'essai

La vigne - n°275 - mai 2015 - page 20

La Cnaoc demande aux pouvoirs publics de lever le principal obstacle à l'expérimentation de nouveaux cépages. Elle souhaite que les vins issus de ces cépages puissent bénéficier de l'appellation d'origine contrôlée.
Georges Subrin, vigneron à Morancé (Rhône), exploite 0,5 ha de gamaret qu'il vend en IGP, pour l'instant.

Georges Subrin, vigneron à Morancé (Rhône), exploite 0,5 ha de gamaret qu'il vend en IGP, pour l'instant.

Donné pour immuable il y a encore peu, l'encépagement des appellations est devenu un sujet de débat. La Cnaoc s'en est emparée lors de son congrès du 23 avril, à Sancerre (Cher). Et pour cause : plusieurs des syndicats membres de la confédération mènent des essais. Et surtout, les Bordelais veulent bousculer l'ordre établi.

Bordeaux voit grand

Sept ODG sont engagés dans un projet piloté par la Fédération des grands vins de Bordeaux. Il s'agit de tester sept cépages : des rouges et des blancs, d'anciennes variétés du Sud-Ouest et des obtentions récentes de l'Inra. Une soixantaine de viticulteurs se sont portés candidats pour participer à l'étude, sachant qu'ils devront planter au moins 30 ares et pas plus de 10 % de leur encépagement par couleur. Un programme d'une ampleur inédite.

« Le changement climatique est avéré, explique Yann Le Goaster, directeur de la Fédération. Les pratiques culturales évoluent avec la progression de l'enherbement et du travail du sol. Nous voulons voir ce que ces cépages apportent à nos assemblages dans ces nouvelles conditions. Car ils n'entreront pas pour plus de 10 % dans nos vins. »

Les Bordelais veulent faire des essais en grandeur réelle « pour pouvoir juger la qualité des vins sur des volumes qui ne sont pas issus de microvinifications, ajoute Yann Le Goaster. Cela suppose que les vins puissent être vendus en AOC. » Or, à ce jour, c'est interdit. Il est impossible de vendre sous le nom d'une AOC des vins issus de cépages ne figurant pas dans le cahier des charges.

La Cnaoc s'est attelée au dossier. « Nous demandons de pouvoir mener des expérimentations tout en revendiquant l'appellation pendant la durée de ces essais », indique Bernard Farges, le président - bordelais - de la confédération.

Le dossier est entre les mains des ministères de l'Agriculture et des Finances. En attendant, « on peut faire évoluer l'encépagement après une expérimentation d'au moins dix ans, en intégrant moins de 10 % de nouveaux cépages et en les assemblant obligatoirement avec les cépages du cahier des charges », a rappelé, lors du congrès, Éric Rosaz, responsable vin à l'Inao.

Marselan et gamaret bien notés

Le Syndicat général des vignerons des Côtes du Rhône n'a pas eu à satisfaire toutes ces conditions. En 2009, il a fait entrer le marselan dans le cahier des charges de l'AOC Côtes du Rhône, à hauteur de 10 % de l'encépagement. Trois ans plus tôt, il avait mis en place des essais qui sont toujours en cours aujourd'hui. « Le marselan est un cépage tardif qui donne des degrés élevés, observe Biliana Arsic, responsable des essais. Il produit avec régularité et se montre généreux en couleur et en tanins. »

Dans ses essais, le syndicat teste aussi le caladoc et le couston, qu'il veut également inscrire au cahier des charges. « Ces trois cépages contrebalancent la faible intensité colorante du grenache et sa sensibilité à la coulure », souligne Biliana Arsic. Malgré leurs qualités, ensemble, ils ne pourront pas dépasser 10 % de l'encépagement.

En Beaujolais, l'ODG du Beaujolais et du Beaujolais-villages et celui des crus demandent l'introduction du gamaret, une obtention suisse. Leur dossier s'appuie sur un essai mené sur 0,5 ha par l'IFV-Sicarex depuis 2004. L'Inao devrait trancher en 2016.

Déjà 7 ha de gamaret sont exploités dans la région et vendus en IGP, avec bonheur. « Le gamaret résiste au botrytis. Il peut donc être récolté huit à dix jours après le gamay pour attendre une meilleure maturité, expose Valérie Lempereur, de la Sicarex. Ses tanins sont présents, mais il reste très rond en bouche, avec des pointes épicées. Il apporte aussi de la couleur. »

Même son de cloche chez Georges Subrin, vigneron à Morancé (Rhône). « J'en récolte depuis 2011 sur une parcelle de 0,5 ha. Il a parfaitement sa place dans un assemblage à hauteur de 10 % avec du gamay en AOC. Il donne des vins qui se gardent bien et ajoute une rondeur qui plaît aux femmes. » Actuellement, Georges Subrin vend son gamaret en IGP à 7,50 €, soit plus cher que ses beaujolais. « La nouveauté permet ce prix », observe-t-il. La nouveauté et la mixité entre appellation et IGP : une notion que Bordeaux ne connaît pas.

Des tests de cépages résistants dans le Bordelais

Jonathan Ducourt teste des cépages résistants, à Ladaux, en Gironde. © J.WYAND

Jonathan Ducourt teste des cépages résistants, à Ladaux, en Gironde. © J.WYAND

Jonathan Ducourt l'avoue : « Il faut être motivé pour tester des cépages résistants au mildiou et à l'oïdium. » De fait, il lui a fallu six mois pour décrocher l'autorisation d'en planter sur son vignoble, à Ladaux, en Gironde. Finalement, en juin 2014, il a planté un cépage en blanc (nom de code cal 604), acheté en Allemagne, sur 1,3 ha, et du cabernet jura, un rouge acheté en Suisse, sur 1,7 ha. Le tout à 4 000 pieds/ha. Qu'a-t-il observé ? « Ces cépages sont costauds. Nous n'avons pas vu de mildiou ni d'oïdium. Nous n'avons pratiqué qu'un seul traitement contre quatre pour les cépages habituels. Nous avons observé peu de taches de black-rot et elles ne se sont pas propagées », explique-t-il.

C'est en visitant le domaine de la Colombette, dans l'Hérault, pionnier des cépages résistants, que les Ducourt ont eu l'idée de faire appel à ces vignes pour réduire l'utilisation des produits phyto. Les vins seront vendus en vins de France. Sur quel circuit ? La question n'est pas tranchée. Seule certitude : « Il faudra faire preuve de pédagogie pour expliquer que ces cépages ne sont pas des OGM », souligne Jonathan Ducourt.

À Marcillac, la coopérative des Vignerons de Tutiac a planté quinze cépages résistants venant d'Allemagne, d'Italie et de Suisse, sur 50 ares, en avril 2014. Deux traitements ont suffi à les protéger. « Cet essai entre dans un projet global d'optimisation des coûts de production de nos coopérateurs et de réduction des intrants », explique Jérôme Ossard, directeur technique de la coopérative. Ces cépages peuvent-ils entrer dans une expérimentation pour l'AOC Bordeaux ? « C'est un autre débat », répond Jérôme Ossard.

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