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À LA VIGNE - JUIN

Les maladies mettent la pression

La vigne - n°276 - juin 2015 - page 6

Le black-rot est particulièrement virulent cette année. Le mildiou aussi, mais dans deux régions seulement. Quant à l'oïdium, il se tient en embuscade...
Attaque de mildiou sur des inflorescences, à Florensac, dans l'Hérault. © P. PARROT

Attaque de mildiou sur des inflorescences, à Florensac, dans l'Hérault. © P. PARROT

Black-rot : Une sortie inattendue

C'est le parasite de l'année. Il est particulièrement agressif dans le Gard. Début juin, il était déjà responsable de pertes de récolte dans les vallées de la Cèze et du Gardon. « Dans certaines parcelles de grenache et de marselan, 20 à 50 % des inflorescences sont détruites », déplore un distributeur de la région, interrogé le 29 mai. La maladie sévit également dans l'Hérault et dans le Vaucluse. « On observe des taches dans quasiment toutes les parcelles depuis la mi-mai. Cela peut aller d'une tache pour 100 ceps à 20 taches par cep. Dans les cas les plus graves, des inflorescences sont touchées. Mais pour le moment, il n'y a pas de perte de récolte. Les viticulteurs doivent opter pour des antioïdiums homologués contre le black-rot », expliquait Olivier Jacquet, de la chambre d'agriculture, le 1er juin.

Selon Bernard Molot, de l'IFV pôle Rhône-Méditerrannée, plusieurs facteurs expliquent cette pression inédite : l'été 2014 a été très favorable au black-rot. Le champignon s'est développé alors que les vignes n'étaient plus protégées contre la maladie. Il s'est constitué un fort inoculum qui s'est bien conservé durant l'hiver du fait des pluies. Puis, en avril, deux épisodes pluvieux ont engendré de fortes contaminations. Résultat : une importante apparition de symptômes depuis le 4 mai.

Le black-rot prolifère également dans le nord de l'Aquitaine et dans les Charentes. Là encore, les symptômes sur les feuilles sont nombreux avec des dégâts sur les rameaux, les pétioles et, dans les cas extrêmes, sur les inflorescences. En Loire-Atlantique, en Touraine, dans le Centre, en Bourgogne, dans le Jura, en Alsace et dans le Beaujolais, la pression est un peu moindre : la maladie s'observe aisément, mais seulement sur les feuilles. Faut-il s'en inquiéter ? « Certes, la sortie de taches sur les feuilles est spectaculaire. Mais cela ne présage en rien de ce qui se passera sur les grappes. La protection est en place. Tout va dépendre de la météo à venir », insistait Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de la Côte-d'Or, le 29 mai.

Mildiou : Bordeaux et l'Hérault touchés

La Gironde fait aussi face à une exceptionnelle sortie de mildiou. « Nous suivons une centaine de parcelles chaque semaine. Seulement 15 % d'entre elles ne présentent pas de symptôme. Elles appartiennent à des viticulteurs qui ont démarré la protection avant le 1er mai, des bio pour la plupart. Dans les parcelles où les viticulteurs ont démarré entre le 1er et le 8 mai, on observe jusqu'à 10 % de feuilles tachées et une inflorescence sur mille est touchée. Dans les parcelles où la protection a démarré après le 8 mai, la situation est plus grave : jusqu'à 20 % des grappes sont attaquées », rapporte Cédric Elia, de l'Adar des Deux Rives, le 29 mai.

La situation est la plus critique dans le nord du Libournais. Là, le mildiou a pu se développer sur les rameaux, ce qui les a rendus très cassants. « Ces symptômes, plutôt rares, confirment la virulence du mildiou cette année », indique le BSV Aquitaine du 2 juin.

Dans l'Hérault, à la mi-mai, le mildiou a aussi surpris pas mal de viticulteurs en sortant abondamment sur les feuilles et, à un moindre degré, sur les inflorescences. Mais le 1er juin, selon Laurent Gourdon, de la chambre d'agriculture, la situation était « maîtrisée ».

Dans le Jura, l'apparition des foyers primaires a également été d'une rare ampleur. En cause : les contaminations qui ont eu lieu à la faveur des pluies du week-end du 1er mai. Depuis, la situation était stabilisée « grâce à l'ébourgeonnage et la protection », indiquait Marie Darnand, de la société de viticulture du Jura, début juin. En Loire-Atlantique, en Touraine, dans le Centre et dans le Vaucluse, le mildiou n'est pas un problème.

Oïdium : La forte pression se confirme

En Côte-d'Or, fin mai, les vignes étaient sur le point de fleurir. Et sur le tiers des parcelles qu'ils visitent chaque semaine, les techniciens avaient déjà observé des symptômes d'oïdium sur les feuilles et les tout premiers symptômes sur les inflorescences. « Voir cela juste avant la floraison, ce n'est pas rassurant. Les viticulteurs doivent être extrêmement vigilants, d'autant que l'on arrive au stade le plus sensible pour les grappes », indiquait Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture, le 29 mai. Celui-ci recommandait de réaliser des poudrages à la floraison ou des traitements complémentaires à base de soufre mouillable, de Prosper ou de Karathane 3D localisés sur les grappes, en association avec l'antibotrytis appliqué à ce stade.

Même chose dans le Jura et en Alsace. « On trouve des symptômes sur les feuilles et sur quelques inflorescences des cépages sensibles comme le sylvaner ou l'auxerrois. C'est tôt pour la région », indiquait Marie-Noëlle Lauer, de la chambre d'agriculture d'Alsace.

Dans les Pyrénées-Orientales, le Vaucluse et le Gard, la pression paraît également importante. « Sur les carignans, on a observé une grosse extériorisation de drapeaux avec une évolution sur les étages supérieurs », indique un distributeur du Gard. Or, la région a été confrontée à de fortes rafales de vent durant une douzaine de jours consécutifs. Beaucoup de viticulteurs n'ont pas pu renouveler le traitement en temps voulu. Les techniciens craignaient donc une explosion des symptômes dans les semaines à venir.

Premiers dégâts de grêle en Alsace

Le 13 mai au soir, la grêle s'est abattue sur Dambach-la-Ville (Bas-Rhin). Elle a touché 50 à 60 ha de vignes, en particulier celles du grand cru Frankstein, situé à l'épicentre de l'orage. Là, 80 à 100 % des pousses ont été détruites. Après l'événement, il ne restait quasiment plus rien dans ces vignes. Un coup dur pour les viticulteurs concernés. Selon Didier Pettermann, vigneron à Dambach, les dégâts représentent un manque à gagner d'environ 350 00 bouteilles, soit 7 millions d'euros de chiffre d'affaires. Début juin, les vignes touchées se remettaient, produisant de nouveaux entrecoeurs.

De la casse due au vent dans le Midi

Dans les Pyrénées-Orientales, le vent a soufflé jour et nuit, du 15 au 27 mai, à 80 km/h avec des pointes à 110-120 km/h. Peu de vignes palissées avaient été relevées et les gobelets n'avaient pas été écimés. En conséquence beaucoup de rameaux ont cassé. « Sur certaines souches, il n'en reste que deux ou trois », déplore Marc Guisset, de la chambre d'agriculture. Même constat dans les Côtes-du-Rhône gardoises. « Nous avons eu douze jours de mistral avec des rafales à plus de 100 km/h. Cela a provoqué de la casse sur tous les cépages », note Thierry Favier, un distributeur.

Le Point de vue de

Bernard Gérus, viticulteur à Saint-Étienne-des-Sorts (Gard), 70 hectares

« L'inoculum du black-rot était là, je me suis méfié»

 © P. PARROT

© P. PARROT

« Une partie de mon domaine est située autour de Carsan, une zone favorable au black-rot. Il s'agit d'un secteur où il n'y a pas de vent et où les nuits sont fraîches au printemps, ce qui provoque de fortes rosées matinales. L'an passé, j'ai essuyé des attaques sur les grappes dans les parcelles de grenache, un cépage très sensible à la maladie. Cela a provoqué une petite perte de récolte. L'inoculum était donc là. Je me suis méfié. En tout début de végétation (deux à trois feuilles étalées), j'ai effectué un traitement spécifique contre le black-rot à base de métirame zinc (Polyram) associé à un traitement composé de fosétyl-Al (Slogan) pour lutter contre l'excoriose. Par la suite, j'ai maintenu une protection soignée en privilégiant des antimildious ou des antioïdiums qui sont homologués contre le black-rot. Du coup, le 29 mai, je n'ai que quelques taches sur les feuilles. Rien d'affolant. Le black-rot est une maladie beaucoup plus vicieuse que le mildiou car il n'y a pas de symptômes primaires. Il faut vraiment être vigilant. »

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