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PRIX DES TERRES Record pour les AOP

ÉMILIE-ANNE JODIER - La vigne - n°276 - juin 2015 - page 8

La hausse du foncier se poursuit, selon les derniers chiffres de la Safer. En 2014, le prix moyen de l'hectare de vigne en AOP en France a atteint un niveau inédit, tiré par la Champagne qui s'envole. Tour d'horizon dans les régions.

Alsace-Est : Marché dynamique

Les affaires reprennent en Alsace. Les prix grimpent pour atteindre 102 100 €/ha dans le Bas-Rhin (moyenne départementale AOP) et 158 300 €/ha dans le Haut-Rhin. En moyenne, un hectare en AOP dans la région s'est vendu à 134 500 € (+6,6 % par rapport à 2013).

Bordeaux-Aquitaine : Ralentissement

Le nombre des transactions se tasse dans le Bordelais, après plusieurs années dynamiques. En appellations Bordeaux rouge (15 000 €/ha en 2014), Haut-Médoc (75 000 €/ha) ou encore Saint-Estèphe (350 000 €/ha), les prix affichent une certaine stabilité. De même sur le marché « très confidentiel » des AOP communales du Médoc.

À l'inverse, d'autres zones connaissent des variations très sensibles. À Sauternes, l'hectare perd 30 % (voir encadré). En revanche, en Canon-Fronsac, les terres ont gagné 17 % pour atteindre 70 000 €/ha. Même chose en Saint-Émilion, + 10 % pour un prix moyen à l'hectare de 220 000 €. En Médoc, « les lots qualitatifs s'échangent désormais à des valeurs à l'hectare comparables à celles du Haut-Médoc », pointe la Safer. L'hectare y atteint en moyenne 45 000 € (+13 %) contre 75 000 € en Haut-Médoc.

Bourgogne-Beaujolais : Deux poids, deux mesures

En Saône-et-Loire, les terres de Saint-Véran (115 000 €/ha) et de Viré-Clessé (110 000 €) grimpent respectivement de 10 et 11 %. À Chablis, les transactions sont plus nombreuses qu'en 2013, le marché bénéficiant de prix stables (158 000 €/ha). « Les fermiers en place réalisent plus de la moitié des acquisitions », se réjouit la Safer.

La Côte-d'Or porte toujours bien son nom. L'hectare de bourgogne grand cru y atteint 4,3 millions d'euros en moyenne, mais les transactions sont rares et portent sur de petites surfaces.

Dans le Beaujolais, l'horizon s'assombrit sous l'effet du recul du marché du vin. Les beaujolais-villages décrochent (-8 %, à 11 000 €/ha) au même titre que le cru côte-de-brouilly (-9 %, à 50 000 €). Seules quelques appellations tirent leur épingle du jeu, comme Moulin-à-Vent et Saint-Amour (+4 % à 90 000 €/ha).

La Safer inclut dans cette zone la Savoie, où quelques appellations sont en hausse, et le Jura, où l'hectare se vend en moyenne 148 000 € (+4,3 %).

Champagne : Toujours plus haut

La région cumule les records et tire vers le haut le prix moyen de l'hectare de vigne AOP. En Champagne, la valeur des échanges a atteint le record de 177 millions d'euros, soit une hausse de 40 % en un an ! Le prix moyen s'établit à 1,1 million l'hectare (+4,2 %).

Dans la Marne, les échanges ont beau s'intensifier, les prix ne baissent pas. « Il n'est pas rare d'enregistrer des prix de 1,8 million d'euros/ha sur la Côte-des-Blancs », reconnaît la Safer. Côté acheteurs, l'organisme observe une évolution des profils, pointant un « marché dominé par des récoltants-manipulants ». Dans l'Aube, où les valeurs foncières sont moins élevées, de plus en plus d'acquéreurs extérieurs à la région et au métier se lancent dans des investissements « plaisir ».

Corse : Stabilité

Sur l'île de Beauté, le prix moyen n'a pas bougé, à 17 900 €/ha. Les vignes en Patrimonio et Coteaux-du-Cap-Corse s'échangent à 28 000 €/ha. La Safer précise que « le prix des terres à vignes retrouve un niveau plus en adéquation avec la réalité du marché, après deux années de hausse consécutives ».

Languedoc-Roussillon : Hausse quasi générale

Le plus grand vignoble français connaît une petite augmentation : +1,7 %, soit 11 900 €/ha en moyenne. La quasi-totalité des appellations y est en hausse, à l'exception des vignes en vins doux naturels. En Languedoc, Corbières, Minervois et Côtes-du-Roussillon, les hausses de prix s'échelonnent de 4 à 11 % pour un hectare valant entre 9 000 et 14 000 €. Dans les crus cotés, certaines parcelles peuvent se vendre à des prix très élevés pour la région : 46 000 €/ha en Pic-Saint-Loup.

Le marché retrouve un certain dynamisme, avec une hausse du nombre de parcelles échangées et de la valeur de l'ensemble. La Safer constate que les « opérateurs traditionnels, majoritairement propriétaires-exploitants, sont à nouveau à la recherche de foncier », au même titre que les investisseurs extérieurs, attirés par « une offre de domaines diversifiée et de qualité ».

Val de Loire-Centre : Petite baisse

Avec un prix moyen à l'hectare de 27 700 €, la région enregistre une petite baisse de 1,4 %. Dans le Val de Loire, la plupart des appellations sont stables. Quelques-unes décrochent. À Montlouis, les terres perdent 40 % en un an, passant de 10 000 à 6 000 €/ha. Même constat à Bourgueil et Vouvray qui chutent de 16 %, respectivement à 21 000 et 18 500 €/ha, « dans un contexte de baisse des surfaces échangées », note la Safer. Dans le Centre, l'AOP Châteaumeillant gagne 4 %, à 25 000 €/ha. Elle attire « des viticulteurs issus d'autres appellations, notamment Reuilly et Quincy ».

Vallée du Rhône-Provence : Beaucoup de demandes

L'hectare atteint 40 000 euros en moyenne, en hausse de 2,8 %. Dans le Gard, toutes les appellations grimpent de 3 % pour les Côtes-du-Rhône - appellation régionale ou villages - (17 000 et 18 000 €/ha) à 7 % en Lirac (30 000 €/ha).

La Safer remarque une forte demande pour les terroirs recherchés des côtes-du-rhône septentrionaux (Côte-Rotie, Condrieu...) qui « entraînent dans leur sillage des appellations moins connues (Saint-Joseph, Saint-Péray...) ». Beaumes-de-Venise rouge, Gigondas, Vacqueyras et Châteauneuf-du-Pape sont d'autres appellations recherchées et en hausse. Mais c'est Grignan-les-Adhémar qui fait le bond le plus spectaculaire : +37 %, à 13 000 €/ha.

Dans le Var, l'hectare de Côtes-de-Provence est stable, alors qu'il progresse de 10 % à Bandol. Et dans les Bouches-du-Rhône, la petite appellation Cassis atteint 100 000 €/ha (+33 %).

Sud-Ouest : Les IGP en forme

Si les prix sont stables, les transactions sont en hausse. L'hectare s'échange à 13 600 € en moyenne, soit une toute petite baisse de 0,7 %. En Gascogne, les ventes sont rares, sauf sur l'aire de l'Armagnac et de l'IGP Côte-de-Gascogne. Les vignes à armagnac progressent de 4 %, à 12 000 €/ha, celles en IGP gagnent 8 %, à 13 000 €/ha.

Chute des prix à Sauternes

Selon la Safer, entre 2013 et 2014, le prix de l'hectare de Sauternes a chuté de 30 % passant de 50 000 €/ha à 35 000 €/ha. Les raisons ? « Nous sommes confrontés à la désaffection du sauternes. Le consommateur pense toujours que ce vin ne peut s'accorder qu'avec du foie gras. Or, nos vins ont évolué pour se marier avec les cuisines du monde », indique Michel Garat, directeur du château Bastor-Lamontagne. De fait, cette propriété de 50 ha, qui produit de 100 000 à 150 000 cols par an, a créé il y a trois ans So Sauternes, avec des raisins moins concentrés. Un vin qui peut accompagner la cuisine thaï, par exemple. Une façon de relancer l'image vieillotte de cette AOC qui rassemble 160 viticulteurs sur 2 000 ha.

Le Point de vue de

« Le prix du raisin n'a pas suivi »

BENOÎT MUNIER, 1,5 HA EN CÔTES-DES-BLANCS (MARNE)

« Il est devenu impossible d'acheter des terres en Côte-des-Blancs où les prix peuvent atteindre 1,8 million d'euros l'hectare ! Il faut 70 ans pour rentabiliser un tel investissement. Dans les années 1990, on pouvait trouver un hectare à 500 000 €, et le kilo de raisin était autour de 5 €. La valeur de la terre a triplé, mais pas celui du raisin ! »

Le Point de vue de

« Trop cher pour les jeunes »

ROMUALD PETIT, 12 HA À SAINT-VÉRAN (RHÔNE)

« La dernière fois que j'ai acheté des terres, c'était en appellation régionale Bourgogne. Mais ici, en Saint-Véran, ça ne fait qu'augmenter et ce n'est pas fini, avec la hausse des cours du vin. Les jeunes vignerons comme moi ne peuvent plus acheter. Et les occasions sont rares. Ma propriété est à moitié Bourgogne, à moitié Beaujolais. Et là-bas, c'est l'inverse : il y a des terres disponibles et abordables mais pas de candidats... »

Le Point de vue de

« Des acheteurs viennent d'ailleurs »

LAURENT COUSTAL, 38 HA, DANS LE MINERVOIS

« Dans le secteur, nous avons beaucoup de mal à trouver des terres. Il y a une population étrangère au monde agricole qui achète des parcelles pour le plaisir et qui est prête à payer le prix fort. Cette situation perturbe la vie des viticulteurs qui ne peuvent plus s'agrandir. Il n'y a quasiment pas d'échange en Minervois La Livinère, alors que nous serions intéressés par quelques hectares afin d'équilibrer notre production et approvisionner nos marchés, notamment à l'exportation. »

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