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VIGNE

Ils travaillent en bio sans revendiquer le label

CHANTAL SARRAZIN - La vigne - n°276 - juin 2015 - page 38

Tous les vignerons en viticulture biologique ne franchissent pas forcément l'étape de la certification AB. Trois d'entre eux nous expliquent pourquoi.
BASILE SAINT-GERMAIN, VIGNERON À NIZAS (HÉRAULT)

BASILE SAINT-GERMAIN, VIGNERON À NIZAS (HÉRAULT)

CATHERINE COHEN, VIGNERONNE À VIGNONET-SAINT-ÉMILION (GIRONDE)

CATHERINE COHEN, VIGNERONNE À VIGNONET-SAINT-ÉMILION (GIRONDE)

ÉLODIE AUBERT ET RAPHAËL GONZALES, VIGNERONS À MÉRINDOL-LES-OLIVIERS (DRÔME)

ÉLODIE AUBERT ET RAPHAËL GONZALES, VIGNERONS À MÉRINDOL-LES-OLIVIERS (DRÔME)

BASILE SAINT-GERMAIN, VIGNERON À NIZAS (HÉRAULT) « Je préfére payer des analyses de résidus »

Son exploitation. J'ai huit hectares en viticulture biologique depuis 1995. Je produis 25 000 cols en AOC Languedoc. Je les vends entre 20 et 25 euros la bouteille.

Le choix de la non-certification. Lorsque j'ai commencé, la qualité des vins bio faisait l'objet de critiques. Il n'était donc pas opportun de certifier l'exploitation. Puis j'ai construit mon réseau de clients. Ils me connaissent. Je n'ai plus besoin de justificatif. Toutefois, je garantis que mes vins sont exempts au microgramme près de résidus de produits phytosanitaires. Tous les ans, je fais analyser mes quatre cuvées par un laboratoire spécialisé. Je transmets ces résultats à mes clients français et étrangers, des restaurateurs et des cavistes principalement. Cela me coûte environ 300 € par échantillon, soit 1 200 € au total. C'est la somme que j'aurais à verser pour me faire certifier.

L'entretien des sols. Je n'utilise aucun herbicide. Au printemps, je commence à tondre les interrangs avec un girobroyeur. Sous le rang, je coupe avec un rotofil manuel. Au mois de mai, je passe des interceps sous le rang et une griffe pour aérer et décompacter les interrangs. Je laisse l'herbe se développer un peu sous le rang et dans les interrangs. Tant qu'elle ne monte pas trop haut, cela ne gêne pas la vigne.

La fertilisation. Je n'apporte aucun engrais. Je préfère une vigne en légère sous-nutrition. Mon vignoble produit en moyenne 25 hl par hectare.

La lutte phytosanitaire. Je procède à un important travail d'ébourgeonnage et de vendange en vert afin que les grappes ne se touchent pas. C'est le premier traitement contre les maladies. Malgré cela, le carignan reste très sensible à l'oïdium. Je lutte contre cette maladie avec du soufre en poudre. Je démarre les traitements tôt : dès deux feuilles étalées. Globalement, j'effectue six à sept traitements jusqu'aux vendanges. Contre le mildiou, j'utilise du cuivre. Généralement, la pression est faible. L'an dernier, je n'ai effectué qu'un seul traitement à 100 g/ha de cuivre métal. Cette année, la pression est beaucoup plus forte. Je vais en utiliser davantage. J'ai essayé des traitements à base de plantes (prèle, ortie...), mais ils n'ont pas été efficaces. La rapidité d'intervention est primordiale en bio. Je possède deux tracteurs et deux pulvérisateurs. Cela me permet d'être réactif et de traiter toute l'exploitation, rang par rang, en cinq heures.

CATHERINE COHEN, VIGNERONNE À VIGNONET-SAINT-ÉMILION (GIRONDE) « Je me donne la possibilité d'intervenir en cas de forte pression »

Son exploitation. J'ai cinq hectares sur l'aire de Saint-Émilion. Je commercialise 30 000 cols, 70 % à l'export, 30 % en France auprès des restaurateurs et des cavistes. J'inaugure ma seconde année de conversion en bio. Deux ingénieurs agronomes m'accompagnent dans cette démarche.

Le choix de la non-certification. Le bio est une évidence, car désormais je connais les dangers des produits phyto de synthèse sur la santé et l'environnement. Certains défenseurs du bio sont assez sectaires. Ce n'est pas mon état d'esprit et je ne souhaite pas être enfermée dans un carcan administratif. Je veux pouvoir intervenir avec des produits conventionnels plus performants en cas de forte pression phytosanitaire. Il y a peut-être 3 % de chances que cela arrive, mais c'est une question de survie économique de mon exploitation que j'ai acquise sans apport financier personnel. Pour finir, je ne veux pas faire du bio un argument commercial. Lorsque je présente mes cuvées, je préfère mettre en avant le terroir, le travail que je fais dans les vignes et la dégustation du vin.

L'entretien des sols. Je ne désherbe plus chimiquement depuis longtemps. Je laisse pousser l'herbe dans les jeunes vignes pour limiter la vigueur. Dans les autres, je travaille les sols. Je passe les interceps sous le rang et une griffe entre les rangs. À partir du printemps, je peux ainsi faire jusqu'à un passage par mois si la pousse de l'herbe est importante.

La fertilisation. Pour renforcer les défenses de la vigne, je pratique la nutrition foliaire, de fin avril à fin août, via des apports d'azote, de zinc, de manganèse... Je fais au préalable des analyses de terre pour déceler les carences.

La lutte phytosanitaire. Dans le Bordelais, la pression botrytis est élevée. Je traite donc mes vignes avec une préparation à base de Bacillus subtilis (Sérénade Max). J'utilise du soufre mouillable contre l'oïdium, à partir du stade 4 à 6 feuilles étalées, jusqu'à la fermeture de la grappe, soit six traitements en moyenne. Je suis particulièrement vigilante vis-à-vis du mildiou. Pour prévenir les attaques, j'emploie 150 à 300 g/ha de cuivre métal par traitement d'avril à mai, puis 400 à 600 g/ha jusqu'à la fermeture de la grappe. Cette année, j'ai ainsi prévu de faire huit traitements avec des quantités qui vont osciller entre 2,5 et 3,8 kg de cuivre métal/ha. Pour lutter contre les vers de la grappe, j'ai recours à la confusion sexuelle et je dispose en avril des diffuseurs de phéromones Rak qui protègent les vignes jusqu'à la mi-août.

ÉLODIE AUBERT ET RAPHAËL GONZALES, VIGNERONS À MÉRINDOL-LES-OLIVIERS « Le prix de la certification, c'est 15 jours de vacances »

Leur exploitation. Nous avons huit hectares de vignes en bio depuis 2009. Notre environnement s'y prête. Nos parcelles sont isolées, en bordure de montagne, entre 500 m et 600 m d'altitude. L'activité des parasites de la vigne y est limitée.

Le choix de la non-certification. La certification est payante et nous ne souhaitons pas faire cet investissement. Nous avons calculé qu'avec le prix de la certification, nous pouvons nous offrir 10 à 15 jours de vacances ! De plus, nous n'avons pas vraiment besoin de certificat. Nous vendons 100 % de notre production en bouteilles, 12 000 cols de côtes-du-rhône et de vin de France, en moyenne. Nous distribuons nous-mêmes nos vins chez les cavistes et les restaurateurs, ce qui nous permet d'expliquer nos pratiques culturales. Pour prouver notre mode de conduite, nous envisageons de publier sur notre site le calendrier de nos traitements et les factures des produits que nous utilisons.

La fertilisation et l'entretien des sols. Nous avons arrêté le désherbage chimique depuis une dizaine d'années. Depuis deux ans, nous avons un troupeau d'une trentaine de brebis. Nous n'avons quasiment plus besoin de réaliser des apports de fumure, ni de travailler sous le rang. Nous avons toutefois investi dans une tondeuse intercep pour passer là où les brebis ne vont pas. Et dans les interrangs, nous effectuons un labour au printemps et un autre après la floraison.

La lutte phytosanitaire. L'oïdium est notre principal souci. Nous le maîtrisons avec du soufre mouillable et de la poudre. L'an passé, la pression a été forte. Nous avons effectué six passages, du stade deux feuilles étalées jusqu'au début de la véraison. Nous évitons le cuivre contre le mildiou. Nous avons peu de pression car nous sommes dans un secteur très venteux. Nous avons testé, voilà deux ans, des tisanes de prêle et d'ortie, ainsi que de l'écorce de chêne en poudre sur trois rangs d'une même parcelle, en laissant un témoin. Nous avons eu des attaques sur chaque modalité, mais moins avec l'écorce de chêne. Nous renouvellerons l'expérience pour avoir plus de recul. L'an passé, nous avons utilisé du cuivre car le mildiou et le black-rot menaçaient. Ce traitement a été efficace.

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