Installé à Maruéjols-lès-Gardon (Gard), Romain Pesenti, vient d'acheter un pulvérisateur récent d'occasion Calvet T 200 à un particulier. Son nouvel appareil, équipé d'un DPAE, lui a coûté 12 000 euros. Il l'attellera à son tracteur John Deere 5515 V de 80 ch pour traiter les 17 ha de son exploitation et presque autant chez son frère, soit une trentaine d'hectares, plantés à 2,25 m ou 2,50 m de largeur.
Avant de débuter la saison, le jeune viticulteur l'a confié à son concessionnaire pour une révision. « Il y avait un problème électrique au niveau du vérin corrigeant le dévers. Calvet a profité de l'occasion pour changer le boîtier qui commande ce vérin, les électrovannes et les phares », explique-t-il. Après ces réparations, le concessionnaire a demandé à Renaud Cavalier, conseiller agroéquipement de la chambre d'agriculture du Gard, d'aller mettre en route le pulvérisateur chez le viticulteur. L'opération a eu lieu le lundi 11 mai dernier dans une jeune vigne située près du siège de l'exploitation. La Vigne y a assisté.
Le Calvet T200 de Romain Pesenti est un pneumatique doté de quatre mains, quatre canons et deux mains de retour. « Il est conçu pour traiter trois rangs à la fois », observe Renaud Cavalier. Mais le viticulteur a l'habitude de traiter quatre rangs par passage. « Si vous voulez vraiment réussir votre pulvérisation, c'est mieux », insiste le conseiller.
« Je suis sûr qu'en traitant trois rangs par passage, la pulvérisation est plus efficace, admet le viticulteur. Mais cela prend trop de temps. Je ne peux pas me le permettre. Il me faut 13 à 14 heures pour pulvériser ma trentaine d'hectares qui se trouve dans un rayon de 15 km. Je traite tous les dix jours, de 18 heures à 8 heures du matin, parfois aussi l'après-midi. »
« L'évaporation des gouttes est importante au-delà de 26 °C, rappelle le technicien. Et cela d'autant plus que les sorties sont distantes de la cible. On va faire le réglage pour quatre rangs et calculer celui qu'il faudrait faire pour trois rangs. Vous choisirez. » « Pourquoi pas, j'essaierai peut-être », admet Romain. Cette mise au point étant faite, le réglage commence.
1. Contrôle du régime de la prise de force
« Nous allons d'abord vérifier que vous travaillez bien à 540 tr/min, explique Renaud. S'agissant d'un appareil pneumatique, c'est très important pour avoir une bonne micronisation des gouttes. » Romain enclenche la prise de force en mode éco, celui préconisé pour traiter en conditions normales avec ce type d'appareil. Puis il monte le tracteur à 1600 tours, le régime annoncé par John Deere pour obtenir 540 t/min à la prise de force. Renaud Cavalier place son appareil de mesure au bout de la prise de force. Le résultat s'affiche sur l'écran digital. « 543 tours, c'est bon. On va maintenant contrôler la vitesse. »
2. Vérification de la vitesse du tracteur
Le technicien commence par baliser une distance de 100 mètres. Il mesurera le temps que le tracteur met à la parcourir pour calculer sa vitesse. « À quelle vitesse traitez-vous ? », demande-t-il. « À 5 km/h, en quatrième vitesse gamme moyenne avec doubleur en position lente », précise Romain. Il l'invite à monter sur son tracteur et à se lancer dans ces conditions. Chronomètre en main, le technicien mesure la vitesse réelle. Résultat : 5,1 km/h. Le compteur électronique sur le tableau de bord du tracteur et celui du DPAE indiquent tous deux 4,9 km/h. Explication, le premier est étalonné avec une monte de pneus neufs. Dans le cas présent, les pneus arrière du tracteur sont à mi-usure. La vitesse affichée sur le compteur est donc légèrement sous-évaluée. L'écart de vitesse sur le DPAE s'explique différemment. « L'ordinateur envoie une impulsion à intervalle régulier à partir de la roue arrière du pulvé », explique le technicien. La roue étant quasi neuve, il convient de procéder à un nouvel étalonnage du compteur depuis le boîtier du DPAE.
3. Calcul du débit
« Maintenant que nous sommes sûrs du régime moteur et de la vitesse, nous allons calculer le débit par minute de votre pulvérisateur pour traiter quatre rangs par passage dans vos vignes à 2,50 m. À quel volume par hectare travaillez-vous ? » demande Renaud. « À 125 l/ha pour pouvoir traiter 8 ha avec une cuve pleine. »
Calculette en main, Renaud détermine le débit selon la formule suivante : 125 (volume en l/ha) x 10 (largeur traitée par passage pour 4 rangs plantés à 2,50 m) x 5,1 (vitesse du tracteur en km/h), le tout divisé par 600. Résultat : « 10,62 litres, c'est ce que doit débiter votre pulvérisateur par minute », annonce le technicien.
Comment répartir ce volume entre les différentes sorties du pulvérisateur ? « Si l'on passe tous les quatre rangs, on va traiter huit faces par passage, soit 1,33 l par face et par minute (10,62/8). Chaque canon et chaque main de retour traitent une face. Ils doivent donc débiter 1,33 l/min. Pour les mains placées derrière la turbine, c'est une autre affaire. Elles sont quatre, soit deux pour traiter une face. Chacune doit donc débiter 0,66 l/min seulement pour éviter un surdosage », détaille Renaud.
4. Choix des pastilles
Renaud Cavalier consulte le tableau Teejet - la marque du viticulteur - pour choisir les pastilles correspondant aux débits souhaités. « Les débits indiqués par le constructeur ne sont qu'une approche. Ils ne sont pas toujours très précis », prévient-il. Son choix se porte finalement sur des Teejet 51, pour les six diffuseurs hauts montés sur la rampe, et des 39 pour les quatre mains fixées de part et d'autre de la turbine. « Il faut veiller à les mettre dans le bon sens, celui où l'on voit l'affichage. Dans l'autre sens, il y a une petite différence de débit », prévient le technicien. Au passage, il apporte une information au viticulteur : « Chez Berthoud et Pellenc, il existe des buses à turbulence que l'on peut utiliser comme des pastilles de calibrage. Pour le même débit, ces buses ont un orifice plus gros que les pastilles. Elles sont moins sensibles au bouchage. »
5. Contrôle des débits
Le technicien vérifie ensuite le débit à chacune des sorties à l'aide d'un débitmètre électronique. Pour cela, le viticulteur règle au préalable le pulvérisateur à 3 bars, la pression à laquelle il a l'habitude de traiter. « C'est convenable, il faut au minimum 1,2 bar pour ce type d'appareil, observe Renaud tout en soulignant : la pression se règle toujours avec les jets ouverts. » Dès lors, le technicien passe en revue les huit sorties avec son éprouvette. « Bizarre », note-t-il, à propos de deux buses. Le débit est de 0,66 l, soit la moitié de celui prévu. Vérification faite, il y a eu erreur au remontage des écrous quart de tour où s'insèrent les pastilles (photo ci-dessous). « Comme il n'y a pas de repère sur les durites pour savoir où remonter chaque écrou, c'est le risque. Ces erreurs de remontage peuvent vous arriver sur toutes les marques qui centralisent les pastilles car aucune ne donne de repère. Il faudrait numéroter les durites. »
Renaud vérifie une nouvelle fois le débit à chaque sortie, consciencieusement (photo à droite). Nouveau problème : la sortie au niveau d'une main ne débite que 0,39 l/min. « La pastille est certainement bouchée », suppose le technicien. Vérification faite, c'est le cas. « Il faudrait contrôler les buses deux fois par saison au moins. Ce genre d'anomalie ne peut pas se voir depuis la cabine, même avec votre DPAE. Cet appareil garantit une pulvérisation à débit constant en montée et descente. Mais il ne détecte pas le bouchage d'une pastille. Il compense en augmentant le débit sur les autres sorties. »
Nouveau contrôle : 5,19 l/min côté gauche, 5,20 l/min à droite. Cette fois, l'équilibre est excellent. Le débit mesuré correspond à 122 l/ha. « Il va falloir augmenter légèrement la pression pour atteindre 125 l/ha. On va s'appuyer sur l'électronique », annonce Renaud. Romain augmente la pression un peu au-delà de trois bars depuis le pupitre. Le technicien vérifie à nouveau les débits. « C'est OK ! » Désormais le pulvé est réglé et équipé pour traiter quatre rangs par passage dans les vignes à 2,50 m.
Renaud Cavalier calcule ensuite le réglage à opérer pour traiter quatre rangs dans des vignes à 2,25 m. À cette largeur, il faut débiter 9,56 l/min. Après des mesures successives, le technicien détermine qu'il faut travailler à 2,4 bars pour atteindre ce débit. Il propose ensuite de calculer les réglages pour un passage tous les trois rangs. « Ça peut être utile lors des traitements en pleine végétation, ou si vous traitez au bord du Gardon [rivière voisine], insiste-t-il. Trois rangées, c'est le mieux si on a une forte pression de maladies. Et vous pourrez avancer un peu plus vite. Vous perdrez peu de temps. Rouler à 6 km/h si l'on traite trois rangs, cela reste acceptable avec ce type d'appareil sur un sol roulant. » Après cette argumentation, il plonge dans ses tables. « On gardera les pastilles de 39 sur les mains et les canons, ces derniers pulvérisant en configuration trois rangs une même face de rang, et on mettra des 57 sur les mains de retour », calcule-t-il.
6. Mesure de la vitesse d'air
Elle s'effectue à l'aide d'un anémomètre de type tube de pitot, avec la turbine à grande vitesse dans un premier temps, puis à petite vitesse ensuite. « Les vitesses mesurées à chaque orifice s'échelonnent entre 290 et 310 km/h en petite vitesse et de 310 à 350 km/h en grande vitesse. Les mesures sont excellentes. La répartition est homogène. La petite vitesse suffit largement. »
7. Vérification de l'agitation en cuve et du retour compensé
Renaud Cavalier observe ensuite l'agitation en cuve. « Ce n'est pas top. Le brassage est insuffisant. Trop léger. Il faudrait voir des vagues. Ce point est très important. Les produits phyto sous forme de granulés dispersibles contiennent moins de coformulants que les produits liquides. Ils se mélangent moins bien que ces derniers. Faute de système de brassage suffisant, vous risquez de retrouver du dépôt au fond de votre cuve. » Pour éviter ce genre d'ennui, le technicien conseille à Romain d'équiper son pulvérisateur d'un plus gros hydro-injecteur. En attendant, il lui donne un autre conseil. « Lorsque vous ferez vos mélanges, augmentez la pression. Cela facilitera la dispersion de la poudre. » Histoire de voir le résultat sur l'agitation, Romain Pesenti s'exécute. Immédiatement, des vaguelettes apparaissent à la surface de la cuve. « C'est mieux, constate Renaud. Et comment procédez-vous pour préparer un produit en poudre ? » « Je le verse directement dans la cuve », confesse le viticulteur. « Il vaut mieux le passer par le panier », indique Renaud.
Puis il procède au réglage du retour compensé avec l'aide du viticulteur afin que la pression de travail reste constante lorsqu'on coupe un tronçon. Ce réglage s'effectue à l'aide des deux molettes situées près du manomètre, à l'avant de l'appareil.
Avant de prendre congé du viticulteur, Renaud Cavalier distille quelques conseils utiles sur l'entretien de son appareil. « Sur ce modèle, il y a une double aspiration à l'avant et à l'arrière de la turbine. Vérifier régulièrement que les feuilles ne colmatent pas les grilles de protection de la turbine. Nettoyez le filtre de tronçon et le filtre d'aspiration tous les jours. Vérifiez le niveau d'huile de la pompe et graissez régulièrement, y compris le croisillon du cardan à l'avant sous la cuve, et le multiplicateur à l'arrière. »
La mise en route a duré une demi-journée en tout après laquelle Romain Pesenti a pu partir traiter avec toutes les indications pour appliquer d'entrée de jeu la bonne dose à l'hectare et l'assurance que cette dose serait bien répartie. La chambre d'agriculture facture cette prestation 400 euros, une somme prise en charge par le concessionnaire dans le cas présent. « Cela représente le prix de la matière active utilisée pour le traitement d'un hectare par an. C'est amorti en une année », assure Renaud Cavalier.
Des accessoires pour une pulvérisation plus précise
La chambre d'agriculture du Gard développe depuis quelques années, en partenariat avec Bayer, plusieurs accessoires permettant d'améliorer le suivi de la pulvérisation en temps réel. Ils s'adaptent sur les pulvérisateurs existants.
Top contrôle : il se compose de deux débitmètres électromagnétiques (photo 1) et d'un boîtier monté en cabine (photo 2). Les débitmètres s'installent après la régulation et avant la distribution de la bouillie, sur les tronçons droit et gauche de l'appareil. Top contrôle détecte immédiatement le bouchage d'une buse, garantissant ainsi une répartition régulière tout au long du traitement. Le chauffeur contrôle le débit, le volume restant en cuve et le vol/ha en temps réel. Prix : 2 000 euros.
Top pression (photo 3) : capteur de pression électronique. L'accessoire s'installe en lieu et place du manomètre. Il est relié par un raccord électrique à un boîtier fixé en cabine. Doté d'un écran à affichage digital, ce dernier permet au chauffeur de suivre avec précision (au centième près) et en temps réel la pression de pulvérisation. Coût : 357 euros.
Top compteur (photo 4) : compteur électronique destiné au remplissage des pulvés. Branché sur l'arrivée d'eau, l'instrument permet de mettre le volume exact en cuve. Coût : 151 euros.
Le Point de vue de
ROMAIN PESENTI, 17 HECTARES DE VIGNES À MARUÉJOLS-LÈS-GARDON (GARD)
« Une opération utile et instructive»
« J'ai appris des choses. Cette mise en route est instructive et utile. Je pensais, par exemple, que la vitesse de l'air en sortie des canons était nettement supérieure à celui sortant des mains. En fait, il y a à peine 20 km/h de différence entre les deux. Jusqu'à présent, je mettais de l'eau et la dose de produit dans l'appareil, sans trop me soucier de la qualité de l'application. Je savais juste que la dose par hectare était correcte. Maintenant, je sais que le produit est bien réparti, que tous les rangs reçoivent la même dose de produit car le test de débit complet a révélé seulement de petites variations entres les sorties de l'appareil. Je suis aussi convaincu qu'il faut changer l'hydro-injecteur. Un capteur électronique de pression serait intéressant aussi. Mais ça va rajouter un appareil en plus dans la cabine. Je vais aussi m'équiper d'un volucompteur pour la préparation des bouillies. »
Le Point de vue de
RENAUD CAVALIER, CONSEILLER EN AGRO-ÉQUIPEMENT À LA CHAMBRE D'AGRICULTURE DU GARD
« La mise en route est indispensable »
« La mise en route d'un pulvé neuf est une démarche indispensable et primordiale. C'est un moment d'échange. C'est aussi l'occasion pour moi d'essayer de faire évoluer les pratiques de pulvérisation. Mais tout le monde ne fait pas cette démarche. Dans neuf cas sur dix, le concessionnaire qui vend un appareil n'assure pas cette prestation. Les viticulteurs, livrés à eux-mêmes, procèdent le plus souvent à un réglage par tâtonnement. Rares sont ceux qui font appel spontanément à mes services. Par contre, je reçois plusieurs coups de fil par jours d'agriculteurs ou de viticulteurs qui m'appellent depuis la cabine de leur tracteur pour me signaler une anomalie et me demander conseil. »