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VENDRE - Paroles de pros

FRÉDÉRIQUE JOURJON, DIRECTRICE DE RECHERCHE À L'ESA D'ANGERS « Les AOP ont une excellente image »

PROPOS RECUEILLIS PAR ÉMILIE-ANNE JODIER - La vigne - n°276 - juin 2015 - page 64

Les consommateurs jugent les appellations d'origine protégée respectueuses de l'environnement mais méconnaissent les logos environnementaux. Décryptage avec la chercheuse à l'origine de ces observations instructives.
FRÉDÉRIQUE JOURJON, DIRECTRICE DE RECHERCHE À L'ESA D'ANGERS

FRÉDÉRIQUE JOURJON, DIRECTRICE DE RECHERCHE À L'ESA D'ANGERS

Directrice de la recherche et de la valorisation à l'École supérieure d'agriculture d'Angers (Maine-et-Loire), Frédérique Jourjon mène, au sein de l'unité de recherche Gappe, plusieurs études pour mieux comprendre les attentes des consommateurs français en matière d'information environnementale sur les vins. Dans l'une d'entre elles, intitulée Qualenvic pour « qualité, environnement et consommateur », le lien positif entre appellation d'origine protégée et environnement apparaît clairement dans les résultats d'enquêtes menées auprès de 4 500 consommateurs français.

Quelle image les consommateurs ont-ils de l'impact environnemental de la production de vin ?

F. J. : D'une manière générale, elle n'est pas négative. Au cours de notre étude, nous avons recueilli des témoignages qui reconnaissent à la viticulture un intérêt pour le maintien des paysages et de la ruralité, par exemple. Pour affiner notre analyse, nous avons segmenté les consommateurs en deux parties : ceux plus ou moins impliqués dans le vin (simples amateurs, curieux...) et ceux portés par les questions environnementales. Il en ressort que les consommateurs les plus impliqués dans le vin perçoivent la viticulture comme respectueuse de l'environnement.

Comment est-il possible que les AOP, un signe de qualité, renforcent cette impression ?

F. J. : L'interaction entre appellation et environnement est assez claire, c'est une chose que nous avons mesurée à plusieurs reprises. Que le consommateur soit impliqué dans le vin ou dans l'environnement, quand on lui demande quelle catégorie de vin est la plus respectueuse de l'environnement, c'est l'AOP qui obtient les meilleurs résultats, suivie de l'IGP et du Vin de France. Pour les consommateurs, plus la catégorie est qualitative, plus elle est signe d'une viticulture respectueuse de l'environnement. Lors d'entretiens un peu plus poussés avec quelques personnes, celles-ci nous ont fait remarquer que les AOP ont des cahiers des charges très contraignants, que les produits sont contrôlés, ce qui, pour eux, est synonyme de respect de l'environnement.

Plus l'aire d'une appellation est petite, plus elle paraît respectueuse de l'environnement...

F. J. : Effectivement. C'est très lié à la notion de terroir, qui a une excellente image environnementale. Nous avons voulu savoir ce que ce mot pouvait représenter dans l'imaginaire du consommateur. C'est très clair : pour tous les consommateurs, amateurs de vin ou engagés écologiques, le terroir est presque synonyme de respect de l'environnement. Pour eux, un vin qui respecte l'environnement est un vin de terroir... mais il doit aussi être bon ! Ce qu'ils n'oublient pas de rappeler !

Qu'en est-il des logos qui donnent de véritables indications environnementales ?

F. J. : Ils sont très peu connus. Seul le label « AB » est identifié. Et encore, il n'inspire pas forcément confiance : les consommateurs ont du mal à comprendre ce qui se cache derrière ce label. Mais il reste leur seule référence connue en matière d'environnement. En fait, la majorité des consommateurs de vin ne cherche pas spontanément d'information au sujet de l'impact sur l'environnement de la production d'un vin, à l'exception de ceux impliqués dans l'environnement. Ils n'ont pas d'attente en matière d'affichage ou d'étiquetage environnemental. Il y a déjà, selon eux, beaucoup d'informations sur les bouteilles. Et si jamais cet affichage devait devenir obligatoire, ils préféreraient des informations simples, sans trop d'explications, avec un système de notation chiffrée, par exemple, pour évaluer l'impact environnemental du vin qu'ils achètent. Ces informations devraient se situer sur la contre-étiquette, ou être affichées dans les lieux de vente.

Quelles conclusions tirez-vous de ces travaux ?

F. J. : Les AOP sont une vraie chance pour la filière viticole : elles ont une excellente image auprès des consommateurs, même en matière d'environnement. Il faut la conserver. Pourtant, l'appellation ne garantit rien en matière de protection de l'environnement, si l'on s'en tient aux règles de l'Inao. Lier les deux pourrait être une stratégie payante !

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