LE DOMAINE DE TETRAMYTHOS, dans le Péloponèse, déroule ses vignes vers le golfe de Corinthe. P. BOURGAULT
LE DOMAINE DE TETRAMYTHOS, ravagé par les incendies de 2007, a reconstruit un chai avec l'aide des assurances et de l'Union européenne. P. BOURGAULT
À LA COOPÉRATIVE DE NÉMÉE, Panagiotis Stathakopoulos a eu l'idée de proposer du vin vendu en bouteilles en plastique à 1,60 euros. Leurs ventes augmentent de 50 % par an. P. BOURGAULT
LE DOMAINE LAZARIDI, PRÈS D'ATHÈNES , possède un musée de la vigne et du vin qui dévoile l'histoire millénaire du vignoble grec de manière très pédagogique. P. BOURGAULT
THÉODORE GEORGOPOULOS , directeur général de la Fédération des vins grecs qui rassemble les plus grands exportateurs du pays : « 25 à 30 % des vins grecs sont exportés. Les premiers prix vers l'Allemagne, les plus chers aux États-Unis. » P. BOURGAULT
La Grèce est une mosaïque de terroirs, de l'île de Santorin, épargnée par le phylloxéra, aux pentes du mont Olympe (2 917 m), enneigé la majeure partie de l'année. « En trente minutes de voiture, on passe de la côte aux pistes de ski », s'émerveille Thanos Parparoussis, vigneron près de Patras, dans le nord du Péloponnèse. « Notre vignoble est très dispersé. Il existe plus d'une centaine d'appellations d'origine contrôlée (POP) et d'indications géographiques contrôlées (PGE), dont certaines s'étendent sur un microterroir », confirme Théodore Georgopoulos, directeur général de la Fédération des vins grecs qui rassemble les principaux exportateurs du pays.
Selon des clichés éculés, les vignerons indolents vendraient des vins rouges alcooleux et oxydés et du retsina - du vin résiné - au prix fort aux touristes. La réalité est différente. La Grèce produit 65 % de blanc, 32 % de rouge et 3 % de rosé. Beaucoup de vignes sont plantées en montagne où le climat est frais. Les producteurs maîtrisent les températures de fermentation.
Dans les concours, la Grèce reprend sa place parmi les grands, même si elle ne fournit que 1 % du volume mondial. Mais la viticulture est éprouvée par la crise qui frappe le pays depuis 2010. La production de vin recule. Elle est passée de 4,5 millions d'hectolitres en 2006 à 2,9 millions en 2013 (chiffres OIV). Les Grecs ont vu leur pouvoir d'achat s'effondrer. Ils ont réduit leur consommation et leurs sorties. Autant de débouchés perdus pour les viticulteurs. « La production diminue aussi parce que la Grèce s'urbanise et qu'il était mal vu de cultiver la vigne, du moins jusqu'à la crise », ajoute Théodore Georgopoulos.
Selon Christos Fotiadis, l'oenologue de Lazaridi Winery, la crise a réduit de moitié la consommation du vin en bouteilles en Grèce. « Heureusement, 30 % de nos 800 000 bouteilles annuelles partent à l'exportation, qui représente 50 % de notre chiffre d'affaires », explique-t-il. « 25 à 30 % du vin grec sont exportés, les premiers prix vers l'Allemagne et les vins les plus chers vers les USA », détaille Théodore Georgopoulos.
Comme partout, des producteurs misent sur la Chine. Pas sûr que la privatisation du port du Pirée au bénéfice de ce pays le favorise. Théodore Georgopoulos défend un vigneron grec assigné en contrefaçon par son client chinois. Le temps d'acheminer une commande, l'acheteur avait déposé la marque du Grec dans le droit chinois. Puis il l'a attaqué et exigé un dédommagement ! Une « pure arnaque » selon Théodore Georgopoulos.
Le tourisme paraît un débouché sûr. L'insécurité qui règne dans de nombreux pays musulmans du bassin méditerranéen profite à la Grèce. Chaque année, près de 20 millions de touristes visitent le pays, boivent du vin et en emportent dans leurs valises. Un marché vital pour de nombreuses entreprises.
Sur la côte ouest du Péloponnèse, près du site d'Olympie, le domaine Mercouri reçoit 10 000 visiteurs par an. Il a rassemblé d'anciens outils viticoles dans son musée et propose différentes formules à des prix croissants : 1 € le verre pour un pique-nique libre sur des tables, 4 € la visite et 12 à 33 € par personne pour une visite-dégustation-déjeuner. À 90 km de là, à Patras, le domaine historique Achaia Clauss arbore des foudres en bois magnifiquement sculptés datés de 1882. En poursuivant vers l'est, on découvre le domaine de Tetramythos. Ravagé par les incendies de 2007, il a rebâti un chai et un bar à vins splendides pour 1,6 M€, grâce aux assurances et à l'Union européenne. Il propose des formules jusqu'à 25 € pour une visite, une dégustation et un repas. En 2013, il a reçu 11 000 touristes. Enfin, près d'Athènes, Lazaridi possède son centre de congrès bâti pour accueillir des réceptions de 2 000 personnes. Son musée de la vigne et du vin est un modèle de pédagogie sur 1 500 m2.
En visitant ces lieux, on découvre que les Grecs savent valoriser l'histoire millénaire de leur vignoble. On constate que les Anciens grecs avaient des préoccupations semblables aux nôtres : bien conserver le vin, se protéger des importations, servir à bonne température, éviter l'ivresse...
Reste que pour survivre, il faut comprimer les coûts. Pour cela, les exploitants ont recours à la main-d'oeuvre familiale. Les acheteurs de raisin revoient leurs tarifs à la baisse. Les embouteilleurs se tournent vers les verriers bulgares qui conquièrent le marché de la bouteille. Les producteurs sont prêts à faire des remises. « 1,25 €/col, si vous m'en prenez un camion », promet Stelios Tsiris, du domaine Cavino, qui exporte 95 % des 8 millions de cols produits par an.
Le champion des économies s'appelle Panagiotis Stathakopoulos. Le directeur de la coopérative de Némée, forte de 1 105 membres, qui produit 65 000 hl de vin, fait tourner ses chaînes d'embouteillage 24 heures sur 24 pour les rentabiliser. Et il a développé un nouveau créneau : « Des bouteilles en plastique à 1,60 €, dont les ventes augmentent de 50 % par an. Quand la situation est dure, chacun doit devenir meilleur ! » Panagiotis Stathakopoulos a été à bonne école : il a pratiqué le marketing pendant dix ans chez Coca-Cola et douze ans chez Pepsi-Cola...
Assemblage de cépages
Cépages locaux ou internationaux ? Le débat est quotidien. Une soixantaine de cépages autochtones sont référencés et 20 % du vignoble sont plantés en cépages internationaux. « Les gens apprécient ces cépages pour goûter à des vins de style français, à petit prix », indique Thanos Parparoussis, vigneron à Patras, dans le nord du Péloponnèse. D'autres producteurs affirment au contraire que « personne n'est intéressé par un merlot grec. Nous devons exister avec nos cépages locaux, tels les mavrodafni, agiorgitiko (rouge) ou assyrtiko (blanc) ». Pour Hara Tsougriani, qui dirige l'École spéciale de viticulture de Némée, ces cépages sont une cause nationale, une fierté qu'elle transmet à ses étudiants. D'autres vignerons tempèrent : « L'assemblage entre cépages locaux et internationaux fonctionne bien », affirme Stelios Tsiris, du domaine Cavino. Chez Lazaridi, Christos Fotiadis approuve : « Le marché veut un assemblage des deux. » Un peu d'aventure, mais en terrain connu.