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VIGNE - POUR APPROFONDIR

Xylella fastidiosa Un parasite sous surveillance

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°277 - juillet 2015 - page 30

Cette bactérie met tous les services phytosanitaires en état d'alerte depuis qu'elle est arrivée en Italie où elle décime des oliviers. Heureusement, la souche présente là-bas n'est pas celle qui provoque la maladie de Pierce chez la vigne.

Qu'est-ce que c'est ?

Il s'agit d'une bactérie pathogène originaire du continent américain. Elle se développe dans le xylème des plantes, c'est-à-dire dans les vaisseaux qui transportent la sève brute. Elle se propage de manière systémique et infecte aussi bien les organes aériens (feuilles, rameaux, fruits) que les racines. Elle forme un biofilm et des agrégats dans les vaisseaux. La sève ne peut alors plus circuler et les tissus ne sont plus alimentés. La plante se dessèche et dépérit.

Très polyphage, Xylella fastidiosa peut infecter plus de 300 espèces végétales appartenant à 60 familles botaniques différentes : prunus, laurier-rose, olivier, agrumes, amandier, caféier, chêne, pêcher... Toutefois, certaines plantes ne développent pas de symptômes. Ce sont des porteurs sains. C'est le cas du caféier, par exemple. « Les plantes qui ont co-évolué avec Xylella fastidiosa ont acquis une certaine tolérance. En revanche, les espèces d'origine asiatique ou européenne qui n'ont jamais été en contact avec la bactérie sont les plus menacées », précise Valérie Olivier, responsable de l'équipe bactériologie au sein du laboratoire de la santé des végétaux de l'Anses.

Peut-elle infecter la vigne ?

Oui. À ce jour, les scientifiques ont identifié cinq sous-espèces de X. fastidiosa. L'une d'elles, Xylella fastidiosa fastidiosa, peut se développer sur la vigne et est à l'origine de la maladie de Pierce. Les quatre autres sous-espèces sont X. f. multiplex, présente sur les pêchers, chênes, oliviers aux États-Unis ; X. f. sandyi, qui affecte le laurier-rose en Californie ; X. f. tashke, que l'on trouve sur les chitalpas (un arbuste d'ornement) dans le sud des États-Unis ; et X. f. pauca, parasite des agrumes (orangers) du caféier, de l'olivier, de l'amandier, du pêcher et du laurier-rose. Selon Xavier Foissac, de l'Inra de Bordeaux, cette dernière peut infecter la vigne, mais cela reste rare. Elle est surtout responsable de la chlorose variéguée des agrumes qui a fait des ravages dans les vergers d'orangers au Brésil dans les années 1990.

Quels sont les symptômes de la maladie de Pierce ?

Sur les feuilles, elle provoque des décolorations associées à un desséchement des marges du limbe. Attention à ne pas confondre ces symptômes avec la sénescence des feuilles en fin d'été. Ce qui est caractéristique, c'est les pétioles qui restent attachés aux rameaux après la chute des feuilles et le défaut d'aoûtement des bois. Les dégâts vont jusqu'au dépérissement et à la mort des ceps. « Les premiers symptômes sont difficiles à reconnaître. En cas de doute, il ne faut pas hésiter à contacter le service régional de l'alimentation (Sral) », insiste Bruno Legendre, responsable du projet « Xylella fastidiosa » au sein de l'équipe de bactériologie de l'Anses.

Comment se transmet-elle ?

Par des insectes piqueurs-suceurs qui se nourrissent de la sève brute. Aux États-Unis, les principaux vecteurs de la maladie de Pierce sont deux cicadelles : Graphocephala atropunctata et Homalodisca vitripennis. « Pendant longtemps, la maladie de Pierce était transmise uniquement par G. atropunctata, une petite cicadelle polyphage non inféodée à la vigne qui fait son cycle sur des plantes sauvages et infecte ponctuellement la vigne. Mais, dans les années 1990, H. vitripennis, une grosse cicadelle, est arrivée en Californie. Celle-ci effectue tout son cycle sur la vigne et passe l'hiver sous la forme adulte. Elle peut donc infecter la vigne dès le débourrement, ce qui laisse le temps à X. fastidiosa de se multiplier allègrement dans les ceps. En somme, les dégâts provoqués par cette bactérie dépendent surtout de l'insecte vecteur », rapporte Xavier Foissac. « Les deux cicadelles vectrices de la maladie de Pierce aux États-Unis ne sont pas présentes en France. En revanche, le cercope des prés (Philaenus spumarius) l'est. C'est aussi un vecteur de la maladie en Amérique du Nord, mais pas le plus actif », précise Bruno Legendre. X. fastidiosa peut aussi se propager via le greffage, avec du matériel végétal contaminé, et l'introduction dans un vignoble de matériel végétal contaminé ou d'insectes infectieux. La transmission par les outils de taille est possible mais pas très efficiente.

Dans quels pays est-elle présente ?

Principalement aux États-Unis. Elle sévit surtout en Californie. Mais, selon l'Anses, on la rencontre également au Texas, en Louisiane, en Alabama, en Floride, en Géorgie, en Caroline du Nord et du Sud. Elle a également été observée au Mexique, en Amérique centrale et dans quelques pays du nord-ouest de l'Amérique du Sud. Plus récemment, elle a été découverte en Asie, à Taïwan.

Y a-t-il des cépages tolérants ?

Oui. C'est le cas des chenin, ruby cabernet, sylvaner, riesling et zinfandel. En revanche, le barabera, le calmeria, le carignan, le chardonnay, l'emperor et le pinot noir y sont, quant à eux, très sensibles.

Quelles sont les conditions favorables à son développement ?

X. fastidiosa affectionne les conditions chaudes. Les climats tropicaux, subtropicaux et méditerranéens lui sont donc plutôt favorables bien qu'on la retrouve sous des climats plus froids, notamment au Canada. X.f. fastidiosa redoute néanmoins les hivers froids. « Les zones géographiques où la culture de la vigne n'est pas possible à cause de la maladie de Pierce sont celles où les températures minimales de janvier sont supérieures à 4,5 °C », rapporte Bruno Legendre.

Peut-on la combattre ?

Non, pas à ce jour. Il n'existe aucun moyen de lutte curative contre cette bactérie. « Seuls les antibiotiques seraient efficaces. Mais pour éviter le risque de résistance et préserver la santé humaine, il est interdit d'en épandre dans l'environnement », explique Bruno Legendre. Le seul recours est donc l'arrachage puis la destruction des plantes contaminées pour éviter la dissémination de la bactérie, et le contrôle des vecteurs. « Toutefois, il n'y a pas que les plantes d'intérêt agronomique qui peuvent héberger la bactérie. Il y a également les plantes sauvages, comme le romarin qui constitue des réservoirs d'inoculum. Or, il est impossible de tout arracher », insiste Valérie Olivier.

Le meilleur moyen de se prémunir contre la bactérie est donc d'éviter son introduction. Par ailleurs, le traitement à l'eau chaude des plants de vigne permet d'éradiquer la bactérie.

Peut-elle arriver en France ?

X. fastidiosa est présente en Italie depuis 2013 et décime les oliviers dans la région des Pouilles. Toutefois, la souche qui cause ces dégâts appartient à la sous-espèce pauca. Elle est différente de X. f. fastidiosa qui est responsable de la maladie de Pierce. « Les vignobles situés à proximité des oliveraies contaminées ne présentaient pas de symptômes en 2014. Néanmoins, des essais sont en cours en France et en Italie pour déterminer si la souche italienne est transmissible à la vigne ou pas », rapportent Bruno Legendre et Valérie Olivier.

Il n'empêche que le risque d'introduction en France de la bactérie est réel en raison des nombreux échanges de matériel végétal avec le continent américain ainsi qu'avec les autres zones déjà contaminées.

Quelles sont les mesures prises pour éviter son introduction ?

Elles sont régies par des textes réglementaires. Le dernier, paru le 18 mai, émane de la Commission européenne. Il précise que les plants provenant de la zone contaminée en Italie et appartenant à des espèces susceptibles d'héberger X. fastidiosa sont interdits de circulation au sein de l'Union européenne. Ainsi, il est interdit d'importer en France des plants de vigne des Pouilles. « Les pépinières viticoles ont été alertées sur ce problème. Elles sont régulièrement contrôlées par FranceAgriMer », explique Thierry Aumonier, du Sral Aquitaine.

X. fastidiosa fastidiosa est responsable de la maladie de Pierce.

Celle-ci se manifeste par des décolorations des feuilles associées à un desséchement des marges du limbe. Autre manifestation : les pétioles restent attachés aux rameaux après la chute des feuilles et les bois présentent des défauts d'aoûtement. Au final, le cep dépérit puis meurt.

Les principaux vecteurs de la maladie

Graphocephala atropunctata © K. SCHULZ

Graphocephala atropunctata © K. SCHULZ

Homalodisca vitripennis © A. L. WILD

Homalodisca vitripennis © A. L. WILD

Philaenus spumarius © LMBUGA

Philaenus spumarius © LMBUGA

Les cicadelles Graphocephala atropunctata et Homalodisca vitripennis sont les deux principaux vecteurs de X. fastidiosa fastidiosa aux États-Unis. Ces deux cicadelles ne sont pas présentes en France. En revanche, Philaenus spumarius, le cercope des prés l'est. Il est connu pour être un vecteur potentiel en Amérique du Nord.

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