Chaque année, durant l'été, La Vigne met à jour sa base de données levures. L'occasion de constater une fois de plus que les fournisseurs fourmillent d'idées et ne cessent d'enrichir le marché. 2015 voit la sortie de quinze levures, ce qui porte le nombre de préparations disponibles sur le marché à 351. Le groupe AEB n'a pas chômé et propose six nouvelles souches, dont trois non-Saccharomyces.
Non-Saccharomyces. L'engouement continue
Les premières levures non-Saccharomyces ont été commercialisées en 2009. D'abord utilisées pour augmenter la complexité aromatique des vins, on leur découvre de plus en plus de propriétés. Cette année, c'est le groupe AEB qui s'engouffre dans la brèche en proposant trois nouvelles souches. Ces levures doivent être incorporées dans le moût le plus tôt possible. N'étant pas capables de terminer la fermentation alcoolique, elles supposent l'ajout d'une Saccharomyces cerevisæ classique entre 48 et 72 heures après le premier levurage.
Levulia pulcherrima est une Metschikowia pulcherrima, à utiliser lors des macérations préfermentaires. « Elle favorise l'expression aromatique des cépages thiolés tels que le colombard ou le sauvignon, en augmentant la production d'A3MH et de 3MH. Les vins sont plus marqués par des notes d'ananas et de fruits de la passion », indique Arnaud Delaherche, le référent levures du groupe. Ajoutée à d'autres moûts, comme le chardonnay, elle donne des arômes plus fermentaires, de type abricot. Cette levure convient aux vins blancs et rosés. Elle résiste bien au sulfitage, produit peu d'acidité volatile et ne masque pas les arômes primaires.
Levulia TD est une Torulaspora debrueckii, également axée sur la révélation des thiols et la complexité aromatique. Son emploi s'accompagne en plus d'une baisse de l'acidité volatile.
Levulia alcomeno, comme son nom l'indique, permet de vinifier des vins contenant moins d'alcool. C'est une Kluyveromyces thermotolerans, sélectionnée en Bourgogne à la suite des travaux de thèse de Mouhand Sadoudi. Arnaud Delaherche nous explique que « son patrimoine enzymatique lui permet de transformer le pyruvate en acide lactique plutôt qu'en éthanol. On obtient des vins à plus haute acidité totale, plus tendus, plus frais et présentant jusqu'à 1,2 % vol. alc. en moins que s'ils avaient été fermentés uniquement par une S. cerevisiæ ». Il ajoute qu' « elle peut vinifier les trois couleurs et donne au vin un profil plus citrus, ce qui est intéressant dans les assemblages ou cuvées marketés dans ce sens ».
Profil aromatique. Les thiols toujours plébiscités
Presque tous les fournisseurs proposent des levures capables de révéler les arômes de pamplemousse, de fruits exotiques ou de buis des cépages thiolés. La cinquantaine de souches recensée dans la catégorie « levures révélatrices de thiols » de notre dernier guide en témoigne. Cette année, cinq souches viennent encore s'ajouter à cette liste. La majorité produit peu de composés soufrés. Les fournisseurs se diversifient et proposent également des packs, contenant des levures et des nutriments (voir encadré).
IOC Be thiols (IOC) « ne produit pas de composés soufrés, quelles que soient les conditions fermentaires dans lesquelles elle est placée », indique Olivier Pillet, chef de produits chez IOC. Autre avantage, elle produit très peu d'éthanal (qui combine les sulfites) et convient donc bien aux vinifications avec peu de SO2. « Elle est bien adaptée aux moûts de sauvignon, colombard, melon de Bourgogne, syrah rosé, grenache... Tous les cépages qui présentent un potentiel thiolé que l'on veut maximiser. »
Anchor VIN 7 (La Littorale). « Jusqu'ici, nous la proposions uniquement à certains de nos clients, indique Renny Lebrun, directeur technique chez La Littorale. Compte tenu de son succès, nous avons décidé de l'ajouter au catalogue. » Cette levure destinée aux vins blancs favorise les profils thiolés. « Elle nécessite en revanche un bon suivi car elle est susceptible de produire de l'acidité volatile. »
Atecrem 7H (Prédel) est la nouvelle levure conditionnée sous forme liquide de la gamme Prédel. Destinée en priorité aux vins blancs et rosés, sa plage optimale de fermentation se situe entre 13 et 16 °C. Elle produit peu de sulfites et de composés sulfureux.
Opale 2.0 (Institut coopératif du vin). Lallemand, l'Inra de Montpellier et Montpellier SupAgro ont travaillé de concert pour développer Opale 2.0, une levure destinée à remplacer son aînée « Opale » pour des vinifications en rosés et blancs sur des profils thiolés type « agrumes » ou « fruits exotiques ». Cette souche a l'avantage de ne produire ni SO2, ni composés soufrés négatifs. « Cette levure est bien adaptée à une large gamme de températures, capable de fermenter entre 10 et 20 °C, et peu exigeante en azote assimilable. Elle est en outre dotée du facteur killer », indique Daniel Granès, Directeur scientifique responsable des produits oenologiques à l'ICV, qui précise « qu'elle sortira progressivement en 2015 pour être plus massivement lancée en 2016 ».
Rouges et rosés. Fruité et typicité
Qu'ils soient noirs, rouges ou acidulés, plusieurs fournisseurs ont misé sur les fruits. Dans cette catégorie, les levures doivent également se faire petites pour une plus grande typicité et de la netteté aromatique.
Zymaflore Xpure (Laffort). Cette levure diminue la perception du caractère végétal et favorise la fraîcheur aromatique et l'expression de notes de fruits noirs. D'après la firme, elle accentue également la souplesse en bouche. Elle produit très peu d'H2S et de SO2.
La Délicieuse (nofrance). D'après Aline Martin, chef de projets marketing chez Sofralab, « la Délicieuse est assez neutre et sied bien aux vins rouges frais et fruités, à la structure tannique moyenne. Elle s'adapte à tous les cépages rouges classiques, vinifiés de façon traditionnelle ou plus technologique, en thermovinification, par exemple ».
La SR (onofrance). La levure SR, « spéciale rosés », donne des arômes de petits fruits rouges et acidulés aux vins de pressurage direct ou de saignée.
Cryofruit (AEB). Cette levure a été obtenue par croisement entre une Saccharomyces cerevisiæ et une Saccharomyces uvarum. Lors des macérations préfermentaires à froid des moûts rouges, blancs et rosés, autour de 10 °C, cet hybride produit beaucoup de phényl-éthanol et donne au vin des arômes de rose. Après réchauffement du moût, il devra être ensemencé avec une Saccharomyces cerevisiæ classique pour déclencher la fermentation alcoolique.
Fermol Exception (AEB). Cette levure est adaptée aux vins de garde, de haut de gamme. Elle doit favoriser le respect du terroir. Elle peut fermenter jusqu'à 16 % vol. alc. dans de bonnes conditions, sans relarguer d'acidité volatile, d'acides gras, ou de SO2. Elle produit des polysaccharides qui apportent du gras au vin. Arnaud Delaherche explique également que la levure « s'associe bien avec nococcus oeni, assurant un bon déclenchement de la fermentation malolactique ».
La Bayanus (nofrance). C'est une Saccharomyces cerevisiæ bayanus, aujourd'hui plus souvent appelée galactose. Sa très bonne résistance à l'alcool lui permet de mener la fermentation à terme, sans déviations organoleptiques. C'est une levure neutre qui ne modifie pas le profil aromatique des vins.
Vinifications spéciales. Quelques nouveautés
Pas de révolution dans cette catégorie mais tout de même deux nouvelles levures, en plus du référencement par le BNIC, l'interprofession du cognac, de la levure Lalvin D254 (ICV/Lallemand), désormais préconisée pour la vinification des vins de base de cognac.
Fermol Spirit (AEB). Cette levure est destinée à la vinification des vins de distillation. AEB l'a développée en partenariat avec l'IFV Val de Loire et testée sur vingt sites différents en Charente en 2014. « Nous avons croisé deux levures, Azymalzyle et Fermol Pur Blanc, afin d'obtenir des vins présentant de faibles teneurs en alcools supérieurs, éthanal et acétate d'éthyle. À l'inverse, la levure produit beaucoup d'esters d'acides gras », indique Arnaud Delaherche.
Maurivin Pop (AB Mauri). Cette levure est préconisée pour l'élaboration des vins de base et pour la prise de mousse des effervescents (méthode Charmat ou traditionnelle). Neutre, elle favorise l'expression des arômes variétaux des raisins et la typicité des vins.
Ça bouge chez vos fournisseurs
Les fournisseurs de levures font leur ménage de printemps. Ainsi, le groupe AEB, qui a racheté Immelé nolia Conseil en début d'année, est en train d'unifier sa gamme. À terme, les marques Fermol, Levulia et Primaflora devraient donc fusionner. Chez La Littorale, la marque nologia a disparu. Les levures ont été réintégrées à la gamme principale. Enfin, Lesaffre (division Fermentis) change le nom de ses levures. Étienne Dorignac, chef de produits oenologie, explique qu' « elles ne seront plus distribuées sous la marque Springer nologie mais sous la marque Fermentis afin d'harmoniser toute la gamme de produits pour les boissons fermentées ».
La base de données levures de La Vigne
Toutes les levures disponibles sur le marché sont recensées dans un tableau page 46 et dans la base de données du site web de La Vigne (www.lavigne-mag.fr). L'accès à cette liste est réservé aux abonnés. Vous y trouverez les 350 levures classées par ordre alphabétique, par propriétés oenologiques (besoins en azote, température et vitesse de fermentation, cépage de prédilection...) ou par fournisseur.
Des levures et des nutriments
En 2014, l'Institut oenologique de Champagne (IOC) a présenté Impack Thiols, un kit composé d'une levure (IOC Révélation Thiols) censée favoriser la révélation des arômes thiolés dans les vins blancs ou rosés, et d'un nutriment (Prothiols), destiné à obtenir des teneurs élevées en glutathion à la fin de la fermentation ainsi que peu de composés combinant le SO2.
Cette année, c'est Biotech nologie qui a senti le bon filon et propose un pack thiols. Dans le cadre du projet Nutrilev, la société Lallemand, l'IFV Sud-Ouest et la société Nyséos recherchent les couples levure/nutriment qui favorisent le plus la révélation de composés aromatiques. De bons résultats ont déjà été obtenus sur les thiols et la société devrait commercialiser un pack en 2016.