Pour l'instant, seul AEB commercialise des levures de l'espèce Metschnikowia pulcherrima. Pour ces vendanges, il lance Levulia Pulcherrima, censée augmenter le potentiel aromatique des blancs et rosés. Et il utilise déjà cette espèce dans Primaflora, un cocktail de non-Saccharomyces permettant de limiter le recours au SO2 lors des vendanges. Mais d'autres fournisseurs vont le suivre, plusieurs travaux ayant mis en lumière les atouts de cette levure.
Dégustation. Des vins fruités et fleuris
À l'Université de Bourgogne, Mohand Sadoudi a montré les bénéfices d'une co-inoculation avec Saccharomyces cerevisiæ sur la complexité aromatique des vins. En 2013, sur du sauvignon, il a utilisé Fermol PB2023 d'AEB, une Saccharomyces à faible apport aromatique, et M. pulcherrima MCR-24, une souche isolée sur un moût de pinot noir en Bourgogne. Il a réalisé des mini-vinifications en utilisant soit la Saccharomyces, soit la M. pulcherrima, soit les deux. Dans ce dernier cas, il a ensemencé le moût en Saccharomyces 48 heures après l'apport de M. pulcherrima. Contrairement à ce qui était admis dans la littérature scientifique, il a d'abord constaté que M. pulcherrima a un potentiel fermentaire élevé, jusqu'à 10 % vol. alc. Ensuite, en dosant les composés aromatiques des vins, il a montré que la co-inoculation produit plus de molécules rappelant les fruits et les fleurs, que les fermentations générées par les espèces pures. Il a dosé plus de béta-damascénone (rose), de 4-terpinol (fleurs, épices) et d'héxéonate d'éthyl (fruit, anis)... À la dégustation, la modalité co-inoculée est plus marquée par des notes de pêche et de fruits exotiques. En revanche, le vin fermenté par M. pulcherrima seule est perçu comme plus gras et complexe. D'après le chercheur, « on pourrait imaginer implanter la Saccharomyces plus ou moins tardivement en fonction du profil de vin souhaité ». Mohand Sadoudi a également constaté que l'ajout de M. pulcherrima a permis de diviser par deux la production d'acide acétique. Une observation que l'IFV vient de confirmer.
Macération préfermentaire. Fini la piqûre acétique
L'IFV de Beaune et Lallemand ont sélectionné la souche Gaïa MP98.3. Cette M. pulcherrima empêche la production d'acide acétique et d'acétate d'éthyle pendant la macération préfermentaire à froid. Elle a été retenue parmi une collection de plus de 500 souches bourguignonnes, pour ses aptitudes fermentaires et aromatiques. Elle résiste à un sulfitage initial de 50 mg/l et à de basses températures. Les chercheurs ont fait subir une macération préfermentaire à une vendange de pinot noir selon deux modalités. Ils ont ensemencé un lot avec Hanseniaspora uvarum, une espèce commune dans les moûts qui se développe durant les macérations préfermentaires en produisant beaucoup d'acide acétique et d'acétate d'éthyle. Ils ont ensemencé le second avec H. uvarum puis, quatre heures plus tard, avec M. pulcherrima. Dans tous les cas, la macération a duré cinq jours à 15 °C. Après cela, les chercheurs ont inoculé une S. cerevisiæ dans tous les moûts puis lancé la fermentation en les réchauffant à 28 °C. En fin de fermentation, le second lot renfermait moitié moins d'acide acétique que le premier. « Metschnikowia inhibe Hanseniaspora. Si l'on veut bénéficier de cette propriété, elle doit être inoculée le plus tôt possible, l'idéal étant le jour de l'encuvage », explique Vincent Gerbaux. Gaïa MP98.3 sera testée sur de grands volumes lors des prochaines vinifications et devrait être accessible à tous pour les vendanges 2016.
Bretts. Privées de fer
Des chercheurs de l'Université polytechnique d'Ancône, en Italie, ont montré que M. pulcherrima pouvait être une bonne alliée dans la lutte contre les Brettanomyces. Pour cela, ils ont introduit les deux levures dans des moûts avant fermentation. Ils ont remarqué que la présence de M. pulcherrima fait disparaître les bretts au bout de 13 jours. D'après leurs essais, cette activité antimicrobienne de M. pulcherrima n'est pas due au phénomène « killer », commun chez les levures, mais au fait qu'elle libère un acide qui rend le fer indisponible pour les autres levures alors que cet élément est nécessaire à leur croissance.
Vins finis. Un peu moins d'alcool
En 2013, l'AWRI a évalué la capacité à produire des vins moins alcoolisés de plus de 50 souches de levures non-Saccharomyces de différents genres, co-inoculées avec une Saccharomyces cerevisiæ. C'est avec une de leurs M. pulcherrima qu'ils ont obtenu les meilleurs résultats. Cristian Varela, chercheur à l'AWRI, indique que « la quantité d'éthanol a pu être réduite de 0,9 % vol. alc. sur le chardonnay et même de 1,6 % vol. alc. sur la syrah ». L'objectif de l'institut est désormais de renouveler l'expérience avec d'autres cépages.