La baie de raisin contient naturellement certaines enzymes pectolytiques et des glycosidases. Mais dans les conditions de vinification, elles ne sont ni en concentration suffisante ni assez actives pour aboutir aux résultats escomptés. D'où l'intérêt de recourir à des préparations enzymatiques industrielles. Dans le Cahier Itinéraires sur les enzymes en oenologie, qu'il vient d'éditer, l'IFV détaille leur intérêt dans les opérations pré et post-fermentaires. Voici ce qu'il faut retenir.
Pressurage. Plus 5 à 10 % de rendements
Les enzymes pectolytiques fragilisent la paroi des cellules des baies, facilitant ainsi la libération du jus. Le rendement au pressurage est augmenté de 5 à 10 %. La proportion de jus qualitatif, de goutte ou collecté à basse pression, est plus importante. Cette action enzymatique est également conseillée pour faciliter l'extraction des précurseurs aromatiques de la pellicule dans le jus.
Cet apport précoce d'enzymes est habituellement suffisant pour assurer la clarification des jus en vue de leur débourbage. Il se fait au pressurage ou, mieux encore, durant la phase de macération entre la récolte et le pressurage.
Débourbage. Une cinétique améliorée
L'ajout de pectinases améliore la cinétique de clarification. L'efficacité est optimale sur des raisins sains ; la présence de Botrytis cinerea, et plus particulièrement sa production de glucanes, limite fortement la bonne sédimentation des bourbes.
Dans le cas particulier du débourbage par flottation, les moûts doivent être complètement dépectinisés pour permettre une prise de colle et une flottation efficaces. L'utilisation des enzymes pectolytiques permet d'arriver à ce résultat dans un laps de temps modéré.
L'enzymage se pratique dès la sortie du pressoir, ou au cours de son remplissage, ou même sur raisins. Les doses d'enzymes à utiliser sont calculées selon la charge en bourbes initiale du moût, du temps dont on dispose pour le débourbage, et de la température du moût.
Extraction de la couleur. Pour les raisins en sous-maturité
L'utilisation d'enzymes pectolytiques, cellulolytiques et hémicellolytiques au cours de la macération des raisins rouges permet d'accéder plus rapidement et de manière plus efficace au contenu intracellulaire de la pellicule. Il en résulte, dans la plupart des cas, des vins plus colorés, plus faciles à clarifier et à filtrer, et dont le rendement au pressurage est plus important.
Cependant, cette application fait l'objet de résultats expérimentaux controversés. Dans les travaux menés par l'IFV sur cinq cépages rouges, et avec l'emploi de sept préparations enzymatiques différentes, l'effet le plus probant sur la couleur est obtenu sur des raisins en sous-maturité. Sur les raisins à maturité, les résultats sont très variables en fonction du cépage, du millésime et de l'itinéraire de vinification. Si l'enzymage a toujours un effet sur le rendement au pressurage, sur la clarification et sur la filtrabilité des vins, les résultats sont plus aléatoires sur la couleur. Et l'extraction des tannins est souvent renforcée.
Thermo et vin de presse. La clarification facilitée
Le chauffage de la vendange entraîne une solubilisation accrue de la pectine et une inactivation des enzymes endogènes. Le moût devient donc quasiment impossible à clarifier. L'utilisation d'enzymes exogènes capables de dégrader tout ou partie de la pectine soluble est indispensable pour faciliter le pressurage et la clarification. Des essais conduits sur des vins de carignan ont montré que la turbidité des vins enzymés était trois fois plus faible que celle des vins non traités. De plus, ces vins ont été jugés plus ronds, plus fruités, moins amers et moins astringents.
Les enzymes peuvent être ajoutées à la réception des raisins ou après traitement lorsque la température a commencé à diminuer, sachant que la température optimum pour les pectinases se situe entre 45 et 55 °C.
Les vins de presse rouges sont aussi très difficiles et longs à clarifier. En effet, si les enzymes endogènes ou exogènes ont pu agir au niveau du vin de goutte, le pressurage a extrait à nouveau des colloïdes des parties solides de la vendange. Aussi est-il utile d'appliquer des enzymes pour aider à la clarification de ces vins, permettre une bonne filtrationet améliorer leurs qualités organoleptiques.
Expression aromatique. Une efficacité sur les terpènes
De nombreux travaux ont montré l'efficacité de préparations commerciales dites d'expression aromatique, notamment sur les cépages muscatés (muscat, muscadelle, gewurztraminer...) riches en terpènes. L'utilisation de ces préparations, qui renferment des glycosidases capables de libérer les arômes liés, doit être pilotée afin que le profil sensoriel obtenu ne soit pas exubérant. Des essais sur du chardonnay et du gewurztraminer ont également montré de bons résultats à l'analyse sensorielle même si, analytiquement, la teneur en composés terpéniques n'est pas significativement augmentée.
L'enzymage se fait après les fermentations. Il faut éviter la bentonite qui stoppe l'activité enzymatique. La durée d'action des enzymes est à raisonner en fonction du produit souhaité.
Élevage sur lies. Plus de rondeur et de gras
Les préparations à base essentiellement de glucanases (1-4, 1-3 et 1-6) sont utilisées pour accélérer l'autolyse des levures au cours de l'élevage sur lies. Elles favorisent la libération des constituants intracellulaires (acides aminés, peptides, nucléotides, polysaccharides...) qui amènent de la rondeur et du gras. Elles ont également un effet bénéfique sur la clarification et la filtrabilité des vins après traitement. Ces préparations ont été élaborées pour les vins blancs, mais leur utilisation sur rouges se développe.
L'ajout des glucanases doit être réalisé dès la fin de la fermentation alcoolique sur des lies fines et/ou grossières.
Filtration. Moins de colmatage
Les enzymes à activités pectolytiques et riches en b-glucanases dégradent les pectines et autres colloïdes responsables du colmatage des membranes de filtration. Cet enzymage permet de doubler le volume de vin filtré avant colmatage. La réduction des coûts de filtration compense ainsi le coût des enzymes (0,80 €/hl). Les vins issus de raisins botrytisés nécessitent l'utilisation de préparations enzymatiques concentrées en b-1,3-1,6 glucanases, afin d'hydrolyser les glucanes de Botrytis cinerea.
Cinnamoyl estérase Faut-il la bannir ?
Parmi les activités secondaires présentes dans les préparations commerciales, la cinnamoyl estérase peut, dans certaines conditions, conduire à la formation de précurseurs des phénols volatils responsables de déviations aromatiques : goût de médicament dans les vins blancs, odeur de sueur de cheval et d'écurie dans les rouges.
Les fabricants d'enzymes ont donc développé des préparations dites FCE (Free Cinnamoyl Esterase) en les purifiant par ultracentrifugation. Mais de récentes recherches ont montré que la cinnamoyl estérase pouvait stabiliser la couleur si les enzymes sont apportées avant la fermentation alcoolique et si celle-ci est conduite par une levure Pof+. L'explication ? L'utilisation d'un couple enzymes/levures particulier en agissant sur les acides cinnamiques conduirait à la formation de pigments dérivés des anthocyanes (type carboxypyranoanthocyanes), ce qui améliorerait la stabilité de la couleur.