Mercredi 23 juillet à Maraussan, dans l'Hérault. À 8 heures, Serge Puel, le responsable du vignoble des Vignerons du pays d'Ensérune, Caroline Lefèbvre, l'une des techniciennes, et Myriam Roussel, la présidente de la commission terroir, se retrouvent devant la coopérative. Ensemble, ils vont tourner toute la matinée dans des parcelles qu'ils destinent à produire la gamme de vins de cépages Le Versant.
Pour arriver à la première, encépagée en merlot, il faut grimper sur les terrasses de l'Orb. « Pour les cuvées Le Versant, nous avons sélectionné des vignes en coteaux, ni trop vigoureuses ni trop séchantes, pour éviter les blocages de maturité », note Serge.
Lors de cette première visite de l'été, la coopérative évalue d'abord la charge. L'objectif : 10 t/ha pour les merlot, cabernet-sauvignon, chardonnay et marsanne, et 8 t/ha pour la syrah.
Une série de critères à observer
Caroline et Myriam comptent le nombre de grappes par cep sur une quinzaine de ceps dans le haut et le bas de la parcelle. Résultat : quinze grappes sur ceux du haut et huit à dix en bas. La moyenne est dans les clous ! La technicienne inscrit ce résultat sur sa tablette. Puis elle fait défiler la liste des autres critères à observer : taille des grappes, stade phénologique - ici, la véraison commence - et état sanitaire. Les trois observateurs notent que ce dernier est parfait. « Si nous avions trouvé des symptômes de maladie, j'aurais tout de suite alerté le vigneron. Pour Le Versant, les raisins sont récoltés plus tard que les autres. L'état sanitaire doit être impeccable », souligne Serge. Il vérifie aussi que les grappes sont bien réparties sur le cordon et que la végétation est aérée. De son côté, Caroline constate que les fourrières sont bien enherbées, comme le prévoit le volet environnemental du cahier des charges.
Dans la deuxième parcelle, le cabernet-sauvignon démarre déjà sa véraison. « C'est une vigne précoce, riche en galets roulés et très drainante. En ce moment, je l'irrigue dix heures par semaine en trois fois », précise Myriam, qui en est la propriétaire. « Les rameaux ne poussent plus mais il n'y a pas de signes de flétrissement. La dose d'eau est bien adaptée. Continue comme ça », apprécie Caroline.
Dans le même îlot, Myriam a aussi un chardonnay. Son état sanitaire est bon. « Une année, je me suis laissé déborder par l'oïdium. La vigne a été déclassée et récoltée plus tôt », se souvient-elle. « L'an dernier, nous avons fait de même pour les parcelles qui avaient souffert d'un fort stress hydrique. Dans ce cas, il vaut mieux ne pas attendre pour éviter d'avoir des tanins durs », note Serge.
Dans chaque vigne, Serge vérifie que l'ébourgeonnage a été bien fait. « C'est la principale contrainte du cahier des charges. Avec mon père, nous y consacrons 30 à 50 h/ha entre fin avril et début mai. Nous essayons de garder surtout des rameaux verticaux, pour que la sève monte bien et que la végétation soit étalée », explique Myriam. Cette année, un adhérent n'a pas eu le temps d'ébourgeonner. « Nous avons dû déclasser ses parcelles », déplore Serge.
La qualité des raisins conditionne la catégorie finale du vin
La syrah suivante continue de pousser. « Il faut réduire l'irrigation pour que la véraison démarre, sinon la vigne n'aura pas le temps d'accumuler assez de sucre. Je vais prévenir le vigneron cet après-midi », relève Serge. Le nombre de grappes est élevé. « Si la qualité des raisins s'avère bonne au moment des contrôles de maturité, nous conserverons cette parcelle dans la sélection Le Versant. »
Dans le chardonnay voisin, la croissance se poursuit aussi. « L'état sanitaire est impeccable, mais il y a trop de végétation. Il faut réduire les apports en eau et écimer. Certes, les grappes ont besoin d'être un peu à l'ombre pour que le potentiel aromatique se développe, mais leur aération doit être suffisante », note-t-il.
Au fil de la matinée, les observations s'enchaînent. Durant l'été, le service technique de la coopérative visitera 4 000 parcelles, à deux reprises. Ce service se compose de trois équipes, aidées d'une trentaine d'adhérents qui connaissent bien les secteurs visités. Chacune des voitures des équipes parcourt ainsi 8 000 à 12 000 km jusqu'à la fin des vendanges. « C'est nécessaire pour avoir une vision complète du vignoble », affirme Serge.
L'après-midi, les trois groupes se retrouvent pour échanger sur ce qu'ils vont vu, et vérifier qu'ils évaluent chaque critère de la même façon. Ils transfèrent sur une base de données les informations enregistrées sur leurs tablettes. « Ces données serviront à organiser les apports avec le service oenologie », précise Serge. Elles serviront également à planifier les vendanges 2016.
Des raisins classés en quatre niveaux
Les Vignerons du pays d'Ensérune vinifient 280 000 hl par an. Cette coopérative classe les raisins de ses adhérents en quatre niveaux. Au bas de l'échelle, la catégorie III regroupe les parcelles à problèmes.
Au-dessus, la catégorie II produit 250 000 hl, soit l'essentiel de l'offre. La coopérative visite toutes ces parcelles deux fois dans l'été pour obtenir des lots importants de raisins de même profil.
Puis vient la catégorie I, qui regroupe toutes les parcelles soumises à un cahier des charges et qui représente près de 5 000 hl. La gamme Le Versant appartient à cette classe. Tout au sommet, quelques adhérents ont engagé 11 ha dans l'atelier Prestige. « Là, nous réalisons des vendanges en vert pour ne garder qu'une grappe par rameau », précise Myriam Roussel, présidente de la commission terroir. La rémunération se fait alors avec un produit brut garanti à l'hectare. « Toutes catégories confondues, le produit brut moyen à l'hectare de nos adhérents était en 2014 de 5 400 €/ha », note Nathalie Boisjot, la directrice de la coopérative.
Cinq à six visites par an
À la coopérative Les Vignerons du pays d'Ensérune, 40 adhérents participent à l'élaboration de la gamme Le Versant, des vins de cépages en IGP Pays d'Oc. Au début, il a fallu caler les choses. « Nous n'avions jamais pratiqué l'ébourgeonnage. Nous avons dû nous former », note Myriam Roussel. Aujourd'hui, les adhérents maîtrisent le cahier des charges correspondant à cette gamme. Mais les techniciens les accompagnent toujours. Ils réalisent cinq à six visites entre la taille et les vendanges. « Nous devons nous assurer d'avoir la qualité requise tous les ans », note Serge Puel, le responsable du vignoble. En contrepartie des efforts demandés, la rémunération se situe 30 % au-dessus des cours. Les vins sont vendus uniquement dans le circuit traditionnel. Au caveau, ils s'affichent entre 5,80 € et 6,45 €TTC/col. « L'union Foncalieu dont nous faisons partie commercialise déjà 400 000 cols et prévoit de monter à un million de cols en renforçant l'exportation », précise Nathalie Boisjot, la directrice des Vignerons du pays d'Ensérune.