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VENDRE - Conseils de pros

Comment bien se préparer p our un salon à l'étranger

ÉMILIE-ANNE JODIER - La vigne - n°278 - septembre 2015 - page 56

Participer à un salon international est un excellent moyen de se lancer dans l'exportation. Voici des conseils pertinents pour faire les bonnes rencontres et réussir ce premier contact avec l'étranger.
Pour profiter pleinement d'un salon international, comme ici à ProWein, en Allemagne, en 2015, il faut s'être organisé en amont et avoir défini sa stratégie.  © MESSE DÜSSELDORF

Pour profiter pleinement d'un salon international, comme ici à ProWein, en Allemagne, en 2015, il faut s'être organisé en amont et avoir défini sa stratégie. © MESSE DÜSSELDORF

1. Familiarisez-vous avec le marché ciblé

C'est le bon sens même et tous les professionnels s'accordent sur ce point. « Il faut connaître le marché que vous visez, les habitudes de consommation et le niveau de vie », affirme Florence Corre. Certains, comme Sud de France, offrent des indications générales dans leurs fiches pays. D'autres proposent des documents plus détaillés, souvent payants (comme Business France, ex-Ubifrance) ou à la disposition de leurs adhérents pour les interprofessions, qui peuvent s'avérer très utiles.

« Quand nous organisons une mission à l'export, nous prévoyons toujours, juste avant l'ouverture du salon, une réunion d'information où nous faisons intervenir des gens de terrain qui connaissent très bien le pays et le commerce des vins sur place », précise Christophe Commeau, de Business France. Circuits de distribution, douanes locales, traditions commerciales... « Autant être briefé en amont ! »

Pour le consultant Badre Mahdi, se renseigner sur le pays n'est pas le plus difficile, le tout est de savoir à l'avance si l'on veut s'orienter vers un marché réglementé (comme l'Inde ou la Chine) ou non. « Les marchés dits émergents peuvent se révéler très complexes. Mais si vous trouvez le bon opérateur, il vous donnera toutes les informations pour réussir. »

2. Déterminez vos volumes et vos prix

Envoyer quelques palettes ou expédier 10 000 cols entraîne des stratégies différentes. Mieux vaut donc déterminer avant de vous lancer le volume dont vous disposez pour attaquer un nouveau marché.

En vue de fixer les prix, chacun a sa méthode, là encore en fonction de la stratégie visée. Pour installer une marque, Badre Mahdi propose à ses clients de déterminer le prix final avec l'importateur. Le consultant estime qu'il ne suffit pas de fixer votre prix de vente, il faut veiller au prix auquel votre vin sera proposé au consommateur. « Cela suppose de le positionner sur une grille de valeur sur le marché français. Où se situe-t-il par rapport à un vin de pays, une appellation ou un vin très connu ? On transpose ensuite cette place sur le marché étranger pour déterminer avec l'importateur le prix adapté. » Une telle démarche implique d'avoir réalisé une petite étude de marché pour connaître le positionnement des vins concurrents.

Florence Corre conseille, quant à elle, de fixer les tarifs à l'avance , « sinon cela peut être source de tension par la suite ». Il faut avoir connaissance des frais engendrés par l'exportation pour les ajouter à son prix de vente. Et se donner une limite au-delà de laquelle la négociation n'est plus possible. Elle préconise également d'« afficher les prix en euros. Les taux de change peuvent réserver des surprises... ».

3. Assurez-vous de faire les bonnes rencontres

Pour Badre Mahdi, c'est le point crucial. « Mieux vaut avoir vu cinq visiteurs de qualité plutôt qu'une vingtaine d'inconnus que vous ne reverrez peut-être jamais. » Un salon se prépare donc par une campagne d'e-mailing ciblée. « Pour trouver des noms d'importateurs, je passe par les associations professionnelles. Ces structures existent en Corée ou en Grande-Bretagne. Elles disposent d'annuaires à partir desquels je peux commencer à faire des recherches. » Il faut ensuite collecter toutes les informations nécessaires : le nom des responsables commerciaux, leurs mails et numéros de téléphone portable. Car le consultant estime qu'il faut bien cerner ses interlocuteurs. Un point de vue partagé par Florence Corre. « Vous devez apprendre à connaître l'acheteur, son réseau et sa façon de travailler. Il est primordial de s'assurer qu'il est fiable. »

Pour cela, Badre Mahdi conseille de préparer un document bien particulier : le « company profile ». Plus complet qu'une simple présentation du domaine, il précise l'organigramme de l'entreprise avec les rôles et les noms de chacun, positionne la gamme dans le marché français, le niveau de prix, etc. « Un importateur a besoin de comprendre à qui il a affaire et, si l'entreprise est bien structurée, cela le rassure. Et ce n'est pas parce qu'on est une petite entité qu'on ne peut pas réaliser ce document. Certains domaines modestes sont particulièrement bien organisés ! » Ce company profile s'échange contre celui de votre interlocuteur. Vous aurez ainsi toutes les informations en main pour commercer avec lui. Si des questions vous viennent à l'esprit, n'hésitez pas à les poser.

4. Ayez les bons outils

Outre ce « company profile », une belle présentation de la gamme est indispensable. « Il faut particulièrement soigner la plaquette commerciale, insiste Christophe Commeau. Dans l'idéal, il faudrait qu'elle soit adaptée au pays et rédigée dans la langue de destination. Si l'on veut mettre toutes les chances de son côté, il faut se mettre à la place de l'acheteur. »

De même, les cartes de visites sont incontournables. « Dans certains pays, si vous n'en avez pas, vous risquez de ne pas faire d'affaire du tout ! avise Sandrine Krummenacher. C'est un plus si elle aussi a été traduite. » « Et n'oubliez pas d'inscrire les numéros de téléphone avec l'indicatif international », suggère Florence Corre.

N'hésitez pas à présenter un « press-book » qui rassemble les articles de presse ainsi que vos médailles et distinctions. « Il faut toujours mettre en avant ses médailles, confirme Florence Corre. Certains marchés en sont très friands et le demandent. Si vos vins sont cités dans les guides, vous pouvez y faire allusion. Mais faites références à ceux qui ont une visibilité internationale, comme le Guide Parker, qui fait toujours de son petit effet ! »

5. Soignez votre stand

« On conseille aux viticulteurs de rester simple », relèvent Christophe Commeau et Sandrine Krummenacher. Une belle affiche, une bannière sous forme de roll-up, qui tient à la verticale, suffisent. Disposer d'une tablette est un plus. « Ça fait très professionnel. Mais il faut pouvoir consulter ses documents sans connexion à Internet car on ne peut pas toujours y accéder. » Tous les outils visuels sont les bienvenus : photos, vidéos, sites web (« avec des catalogues et des références à jour », précisent les professionnels).

Badre Mahdi rappelle que « les opérateurs aiment avoir quelques informations sur la famille du producteur, le terroir et les cépages ». Mais inutile d'en faire trop. Christophe Commeau confie : « Pendant les salons export, les gens préfèrent souvent la dégustation aux discours. Mieux vaut alors parler des vins que de soi. »

Se réunir à plusieurs vignerons sur un seul stand peut présenter bien des avantages. Au-delà de l'aspect économique, « cela peut vous rassurer, souligne Florence Corre. Et il ressort toujours quelque chose de positif des échanges avec ses confrères ». Ce n'est d'ailleurs pas forcément mal vu : « Rencontrer plusieurs viticulteurs sous une même bannière donne une image dynamique », constate Christophe Commeau.

Mais Badre Madhi n'est pas aussi enthousiaste. « Quand on veut développer sa marque à l'étranger, faire bénéficier les autres de son travail peut brouiller les pistes. » Pour Florence Corre, « c'est un risque à prendre ». Dans une telle situation, Badre Madhi conseille alors de s'aménager un petit comptoir à part et de le personnaliser, même si cela engendre un coût supplémentaire.

6. Ne surchargez pas votre emploi du temps

« Sur un salon, entre ce qui est prévu et ce qui se passe vraiment, il y a un grand écart », observe Christophe Commeau. Des entretiens s'éternisent, des rendez-vous sont annulés, d'autres s'improvisent au dernier moment... Il faut donc se laisser une marge de manoeuvre. « Le soir, il faut prévoir du temps pour inviter les importateurs intéressants au restaurant », conseille Badre Mahdi. « Les soirées peuvent représenter la moitié des affaires », renchérit Sandrine Krummenacher. « Je suggère également aux viticulteurs de profiter d'être sur place pour aller faire un tour dans les points de vente, complète son collègue de Business France. Il ne faut pas hésiter à prendre une demi-journée pour observer la concurrence ! »

Plus largement, il ne faut pas perdre de vue que la participation à un salon à l'étranger nécessite du temps, aussi bien avant et pendant qu'après. « Il faut être prêt à aller à l'étranger, à y retourner, à rencontrer les gens... Vous ne devez jamais oublier qu'un importateur est un partenaire qui mérite qu'on passe du temps avec lui », conclut Sandrine Krummenacher.

ÉRIC CASIMIR, DOMAINE GÉRARD METZ, À ITTERSWILLER (BAS-RHIN) « La clé pour réussir, c'est de ne pas voir trop grand tout de suite »

«La clé pour réussir son salon, c'est de ne pas voir trop grand tout de suite. Lors de mes premiers pas à l'exportation, au tout début des années 2000, je n'étais pas préparé et je souhaitais me lancer sur tous les événements qui pouvaient m'intéresser. C'était trop. Le mieux est de participer à un ou deux salons pour commencer. Avant de partir, il faut se documenter sur le marché ciblé, sur les vins qui y sont appréciés, sur les habitudes de consommation mais aussi sur les coutumes. On doit d'ailleurs se méfier de nos a priori... On pense toujours que les Asiatiques n'aiment que le rouge. Or, j'ai eu la surprise de constater que certains blancs leur plaisent vraiment ! Tout ce travail est nécessaire pour fixer ses prix. On ne le sait pas toujours, mais il y a un tas de frais à prendre en compte. Quand j'ai commencé à prospecter le Japon, je n'avais pas anticipé les frais d'analyse, qui peuvent grimper très vite ! J'ai aussi appris à ne pas lésiner sur les mailings avant un salon à l'étranger. Pour savoir à qui adresser ces courriels, on peut commencer par se renseigner sur les visiteurs pré-inscrits au salon et envoyer une invitation à ceux qui sont susceptibles de nous intéresser. Pour cela, il faut savoir qui l'on veut toucher. En ce qui me concerne, je privilégie les petits distributeurs. J'ai 13 ha et j'exporte 35 % de ce que je produis. On doit aussi être conscient de ses capacités : si on rencontre un importateur prêt à commercialiser 12 000 cols par an, il faut être bien sûr de pouvoir suivre ! Mais surtout, il faut penser à l'après-salon. Un importateur, c'est un vrai partenaire : à partir du moment où l'on crée des liens, on doit les entretenir. Ça veut dire se déplacer et l'inviter sur le domaine. Tout cela prend du temps. »

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