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Les papes ? De sacrés consommateurs de vins ! Leur présence dans le Comtat Venaissin puis à Avignon au XIVe siècle « a influencé la culture de la vigne dans la région et les goûts en matière de consommation de vin », affirme le journaliste Jean-Pierre Saltarelli dans son livre Les Vins des papes d'Avignon. Petit rappel historique : à cette époque, la majeure partie du Vaucluse formait un état pontifical indépendant du royaume de France, et dont la capitale était Carpentras. Les papes successifs ont racheté Valréas en 1317, Visan en 1344, Avignon en 1348 et Grillon en 1351.
Premier impact notoire de leur présence : la consommation journalière de vin a explosé. « Les registres de l'époque montrent qu'à la cour du pape, la consommation de vin atteignait deux litres et demi par jour et par personne, souligne Jean-Pierre Saltarelli. À titre de comparaison, celle des ordres monastiques plafonnait à 1,33 litre tandis que le peuple se contentait de trois quarts de litre. »
Deuxième conséquence : non contents d'influer sur les quantités, les papes exercent un véritable diktat sur le choix des vins. « Les cardinaux, les visiteurs prestigieux, la cour pontificale elle-même - tous ces religieux qui apprécient la gaudriole, les banquets - nécessitent un approvisionnement constant en vins fins et prestigieux [...], souligne l'historienne Sophie Benton, dans la préface du livre. Ces vins arrivent en quantité dans les ports du Rhône. » Les uns proviennent du nord : Tournon, Dauphiné, Vivarais, Beaune ou Saint-Pourçain, alors à ses heures de gloire. Les autres du sud : Costières, Provence, côte du Rhône, Avignon et Languedoc.
Enfin, l'influence des papes se fait aussi sentir sur le développement de la culture du muscat dans la région - un vin qu'ils apprécient.
Clément V (pontificat de 1305-1314) est le premier des papes du Vaucluse. Archevêque de Bordeaux, propriétaire d'un vignoble à Pessac (Gironde), devenu château Pape-Clément, il s'installe en 1309 à Malaucène, petit village au pied du mont Ventoux. Il édifie le premier palais, aujourd'hui détruit, et le premier vignoble pontifical. Son successeur Jean XXII (1316-1334) « fait venir de Cahors, sa ville d'origine, des vignerons chargés de créer le vignoble du pape à Chateauneuf-Calcernier qui deviendra Châteauneuf-du-Pape », relate Jean-Pierre Saltarelli dans son livre. Pourquoi n'a-t-il pas fait appel à des vignerons locaux ? C'est un mystère. Quels cépages ont-ils planté ? Nous n'en saurons pas plus. Clément VI (1342-1352), le quatrième pape d'Avignon, qui aimait le faste, fit construire l'actuel palais des Papes. Pour le satisfaire « les cisterciens bourguignons subdivisèrent le clos-vougeot en trois climats afin de sélectionner la cuvée du pape. Les deux autres climats étaient la cuvée des rois et la cuvée des moines », poursuit Jean-Pierre Saltarelli. Après lui, Innocent VI (1352-1362), « à peine couronné pape, avança au 1er mai la date d'une procession fixée au 21 juillet, afin de protéger les vignes de Montfavet, aux portes d'Avignon ». En 1357, il initie la construction des remparts d'Avignon. Et pour financer ces travaux colossaux, il instaure, l'année suivante, une « gabelle des vins ».
À noter que la passion des papes pour le vin leur fut parfois fatale. Ainsi, Clément VI et Grégoire XI moururent de la goutte saturnine pour en avoir trop bu. À cette époque, l'ajout de plomb rendait « marchands nombre de vins verts et acides mais empoisonnait les consommateurs », relate Jean-Pierre Saltarelli. Quoi qu'il en soit, en 1414, peu après le départ définitif des papes d'Avignon, le cadastre recense des millions de pieds de vigne dans la région. C'est toujours le cas aujourd'hui.
Une mini-exposition, intitulée « Les vins des pontifes d'Avignon » résume brièvement cette histoire. Elle était visible à la coopérative Balma Venitia, à Beaumes-de-Venise (Vaucluse), jusqu'au 6 septembre. Organisée par l'Association européenne de formation à l'oenotourisme, elle devrait faire escale à Avignon en 2016, avant de rejoindre l'enclave des papes en 2017. Enfin, elle devrait se prolonger par la création d'une route oenotouristique des vignobles des pontifes. Idéal pour les amateurs désireux de découvrir les vins du Vaucluse et leur histoire.
Bibliographie : Les Vins des papes d'Avignon, Jean-Pierre Saltarelli, éditions AEFO.
