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VIGNE

Désherbage Beloukha n'aime pas la pluie

INGRID PROUST - La vigne - n°279 - octobre 2015 - page 32

Beloukha est le premier produit de biocontrôle homologué pour le désherbage et l'épamprage des vignes. Encore peu utilisé cette année, il a montré des résultats variables, tributaires des conditions de son application.
POSITIONNÉ ICI SOUS LA LIGNE DES SOUCHES, Beloukha provoque le dessèchement des herbes dans les deux à trois heures après son application .

POSITIONNÉ ICI SOUS LA LIGNE DES SOUCHES, Beloukha provoque le dessèchement des herbes dans les deux à trois heures après son application .

Début 2015, une vraie innovation arrive sur le marché du désherbage. Son nom ? Beloukha. Il s'agit du premier produit d'origine naturelle homologué pour désherber et épamprer les vignes. Sa matière active ? L'acide nonanoïque (également appelé acide pélargonique), un acide gras extrait de l'huile de colza.

Beloukha est un herbicide de contact post-levée. Il provoque le dessèchement des herbes dans les deux à trois heures qui suivent son application. « Beloukha contrôle les adventices pendant environ trois semaines, selon les conditions climatiques », indique la société Jade, une filiale du groupe Alidad Invest, qui l'a mis au point. Non classé sur le plan écotoxicologique, le produit entre dans la catégorie Nodu Vert et IFT Vert (indice de fréquence de traitement) créée par le ministère de l'Agriculture. En clair, il impacte peu l'environnement et la santé. Et il n'entre pas dans le calcul de l'IFT.

Quel bilan après cette première année de commercialisation ? Aux dires des distributeurs qui l'ont référencé, les viticulteurs ne se sont pas précipités pour l'acheter. Et ses résultats sur le terrain sont mitigés. « C'est un dessiccant, il détruit par brûlure les parties aériennes des herbes. Dans nos essais, il s'est montré excellent. Par temps chaud et sans vent, il a très bien fonctionné. Mais s'il pleut juste après son application, les adventices repoussent rapidement. Il manque de rémancence », explique Jacques Chassaigne, directeur commercial chez PCEB, un négociant basé à Carcassonne, dans l'Aude.

« On constate un effet ralentisseur sur les herbes qui brunissent. Mais s'il pleut, elles reverdissent au bout d'une semaine à dix jours », observe également David Ray, animateur vigne chez Ecovigne Beaujolais. « La repousse est très rapide en cas de pluies », confirme Yves Meschberger, technico-commercial chez Alsace Appro.

Pour autant, Beloukha peut faire preuve d'une efficacité conforme, et même supérieure aux promesses de Jade (trois semaines de rémanence). « Sa persistance a atteint un mois lors de nos essais », note Jean-Paul Raoux, technico-commercial chez Charrière Distribution, dans le Sud-Est. « Ce produit est efficace pendant plusieurs semaines en l'absence de pluies », confirme Philippe Mangold, responsable du secteur vigne à la coopérative Bourgogne du Sud.

L'efficacité de Beloukha est donc très dépendante des conditions d'application. Celles-ci sont très strictes, comme pour tout produit de biocontrôle. Le viticulteur doit employer une bouillie dosée à 8 % d'herbicide et l'appliquer avec des buses à fente. Lors du désherbage, le feuillage doit être sec, l'hygrométrie de l'air supérieure à 60 %, la température de plus de 15 °C et la luminosité très bonne.

Les adventices doivent également être peu développées. « Beloukha se positionne de façon précoce. Sur des plantes qui ont déjà quatre ou cinq feuilles, le produit montre ses limites », souligne David Ray. S'il respecte bien tous ces paramètres, « l'efficacité de Beloukha peut atteindre 90 % », insiste Alain Chemin, le directeur général de Jade. Dans le cas contraire, il faut s'attendre à des déceptions. C'est ce qu'ont pu constater des viticulteurs qui l'ont testé cette année.

Emmanuel Clavier, responsable du domaine des Grandes Espérances, dans le Loir-et-Cher, l'a appliqué sur le rang en avril, à une concentration de 8 %, à l'aide d'une pompe à dos. L'hygrométrie était bonne mais la température inférieure à 15 °C, et les herbes étaient déjà relativement développées. Dans ces conditions, « l'effet défanant a été très rapide mais il n'a pas duré », regrette le viticulteur. Il va donc retenter l'expérience en 2016, mais en positionnant Beloukha en sortie d'hiver, cette fois.

Auguste Klein, viticulteur à Saint-Hippolyte, dans le Haut-Rhin, a lui aussi été déçu de l'efficacité du produit qu'il a utilisé pour désherber la ligne des souches, fin avril. « Il n'a eu aucun effet sur mes graminées. Je l'ai appliqué avec un pulvérisateur portatif et il m'a provoqué des brûlures au dos, malgré la protection. ». Là encore, le viticulteur avait appliqué l'herbicide sur des plantes trop développées. Comme il lui en reste, il va l'essayer à nouveau l'an prochain. L'application de Beloukha requiert donc de l'observation, une grande technicité et un peu de chance avec la météo. Cela peut être un frein pour certains viticulteurs.

Autre problème de ce produit : son prix. La société Jade annonce en effet un prix public de 18,60 €/l pour la campagne écoulée. Lorsqu'il est appliqué en plein à la dose homologuée de 16 l/ha, le désherbage revient donc à un peu moins de 300 €/ha ce qui le classe parmi les herbicides les plus chers du marché. Consciente de ce handicap, Jade travaille à réduire le prix de son produit pour la prochaine campagne (voir encadré). Mais Beloukha possède d'autres atouts, comme sa double homologation en désherbage et en épamprage. « Coupler les deux opérations en un seul passage est intéressant et, en épamprage, Beloukha a donné de bons résultats lors de nos essais », témoigne Dominique Carré. Ce que confirment d'autres distributeurs.

Par ailleurs, Beloukha est potentiellement éligible aux aides liées aux Maec (mesures agro-environnementales et climatiques). Mais il n'est pas labellisé AB pour le moment. Dans un contexte où le choix des herbicides autorisés va probablement se réduire, il devrait trouver sa place. « Il demande une remise en cause des pratiques mais il peut fonctionner dans le sud de la France, les années sèches, avec deux ou trois applications », note Jacques Chassaigne.

Dans d'autres régions, « il peut être utilisé en complément du travail du sol, par exemple en remplaçant le dernier passage avant les vendanges ou en association avec du Katana lors du deuxième traitement », explique Alain Chemin.

2 000 hectares traités cette année

Selon Alain Chemin, le directeur général de Jade, Beloukha a été appliqué sur 2 000 hectares en 2015, sa première année de commercialisation. Trente-cinq distributeurs l'auraient référencé.

« Il y en a eu dans tous les vignobles. Mais les revendeurs ont été plus nombreux à se lancer dans les vignobles à haute valeur ajoutée comme la Champagne,la Bourgogne, le Médoc... La distribution de Beloukha a été moins active dans les vignobles moins "riches", en raison de son coût : un peu moins de 300 €/ha lorsqu'il est appliqué en plein. Nous travaillons donc à réduire son prix de vente. »

Un matériel dédié au produit

 © J.-F. STIEN

© J.-F. STIEN

Jade, la société qui commercialise Beloukha, propose un matériel spécifique pour l'appliquer. Il s'agit d'une rampe de pulvérisation confinée, munie de buses centrifuges, utilisable pour le désherbage et l'épamprage. Elle était vendue par Enviromist.

Jade a racheté le fonds de commerce et retravaillé la rampe pour la rendre plus performante. Elle permet ainsi, selon la firme, de réduire sensiblement le volume de bouillie. « Le confinement de la pulvérisation évite toute dérive du produit et assure une diffusion homogène, précise Alain Chemin, directeur général de la société. Ce matériel est adaptable sur les enjambeurs, les tracteurs interlignes et les quads. »

Son coût est de 6 500 €.

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