En juillet, les chambres d'agriculture de Charente et de Charente-Maritime, l'IFV, la MSA et la section viticole des groupements de Cognac ont testé cinq pulvérisateurs sur les domaines Rémy Martin, à Juillac-le-Coq (Charente). Particularité de ce quatrième Forum Pulvé charentais, le panel ne comprenait que des panneaux récupérateurs : le GSG de Lipco, l'UEZ de Weber, l'Arcobaleno de Bertoni, ainsi que deux appareils pneumatiques, à savoir l'Ecoprotect de Grégoire et le DeltaJet de Carrarospray. Ces machines ont d'abord été soumises à un test statique, puis sont passées dans deux vignes plantées à 3 m de largeur, l'une conduite en arcure palissée, l'autre en arcure haute (excepté le Carrarospray déplorant un incident technique). Là, les techniciens ont mesuré le dépôt de bouillie sur les feuilles et les grappes ainsi que les pertes au sol. Ils ont aussi quantifié le taux de récupération de produit puis évalué, par déduction, les pertes en l'air. Et pour la première fois, ils ont mesuré le bruit généré par les appareils.
Que ressort-il de ces tests ? Le 10 septembre, Matthieu Sabouret, de la chambre d'agriculture de Charente, et Alexandre Davy, de l'IFV Pôle Bordeaux-Aquitaine, ont présenté les résultats à Juillac-le-Coq. Les cinq pulvés ont plusieurs points communs. Conçus pour traiter deux rangs par passage, à 6 km/h environ - la vitesse moyenne adoptée par les constructeurs lors du test -, ils ont un débit de chantier compris entre 3 et 3,3 ha/h. En pleine végétation, seul le Bertoni récupère vraiment du produit. Sur le plan pratique, les experts constatent, toutes marques confondues, un temps de nettoyage important. Côté sécurité, ils déplorent l'absence de gyrophare et de phares sur la rampe, pour le travail de nuit.
Cependant, une des machines est sortie du lot. Un jury, composé de deux viticulteurs, d'une salariée des domaines Rémy Martin et d'un conseiller en prévention de la MSA, l'a désigné comme son coup de coeur de l'année. Il était chargé d'évaluer l'aspect général, la commodité, la facilité de nettoyage et d'entretien de chaque appareil. Le Lipco a séduit par sa simplicité de conception et d'utilisation, sa stabilité, sa maniabilité et son caractère peu bruyant. Voici les résultats détaillés pour chaque appareil.
Lipco
Simple et maniable
Coup de coeur du jury de professionnels, le Lipco GSG 2NV est équipé de descentes à flux tangentiel enveloppées par des petits panneaux (550 mm de largeur) en forme de demi-lune, légers et faciles à laver. Les turbines requièrent peu de puissance (25 ch) et sont les moins bruyantes des cinq machines (71 décibels mesurés à 10 m). Autant de qualités que le jury a appréciées lorsqu'il a fait son choix.
Le Lipco possède un timon orientable qui facilite l'entrée dans les rangs et un essieu à voie variable qui le stabilise. C'est le moins encombrant des cinq appareils testés aussi bien rampe déployée que repliée. Le montage de la pompe sur le bras du tracteur soulage le cardan, ce dernier restant toujours dans l'alignement du tracteur.
Mais, surtout, le GSG traite efficacement. Avec lui, 81 % du produit émis atteint la végétation. C'est le meilleur résultat. La bouillie est aussi répartie de manière homogène du haut en bas du feuillage. Cependant, les faces supérieures des feuilles sont plus couvertes que les faces inférieures. Autre bon point : l'appareil se classe deuxième du panel pour la couverture des grappes et deuxième également pour le taux de récupération, avec 6 % de produit recyclé mi-juillet, en pleine végétation.
Enfin, le GSG 2NV est l'appareil qui génère le plus de pertes au sol (11 %) mais le moins dans les airs (1 %). « Ces résultats sont logiques, commente Alexandre Davy, de l'IFV. Le Lipco était équipé de buses antidérive. Celles-ci produisent des grosses gouttes qui ont plus tendance à tomber au sol qu'à s'envoler. »
Bertoni
Récupération exceptionnelle
L'Arcobaleno de Bertoni en impose avec ses grands panneaux soutenus par une rampe solide montée sur un châssis bogie. Mais le jury a plutôt été bluffé par son écran tactile, simple d'utilisation, et son ordinateur de bord qui permet de programmer l'ouverture et le repli automatique de la rampe et des panneaux en entrée et sortie de rang.
La machine italienne a aussi épaté les experts par son taux de récupération. « 25 % en pleine végétation, c'est exceptionnel ! », s'est exclamé Alexandre Davy. C'est trois fois plus que le pulvérisateur Lipco, arrivé deuxième sur ce critère. Deux raisons expliquent ce résultat : l'appareil italien bénéficie de panneaux larges et d'un système de réaspiration efficace grâce à quatre ventilateurs intégrés dans chaque panneau. Montés perpendiculairement, ces ventilateurs portent le produit tout en aspirant les embruns provenant du panneau opposé. L'air circule en boucle et confine la bouillie entre les panneaux. Au final, 7 % du produit tombe au sol et 9 % seulement s'échappe dans les airs.
L'Arcobaleno couvre très bien les faces supérieures et inférieures des feuilles situées à l'extérieur du plan de palissage. En revanche, il peine à atteindre le feuillage situé à l'intérieur de la souche. Là, le taux de couverture chute très fortement. Il pêche aussi nettement lorsqu'il s'agit de couvrir la zone fructifère. L'explication tient en un chiffre : 61 % de produit pulvérisé par l'Arcobaleno seulement atteint le végétal. C'est le moins bon résultat du panel. La bouillie circule au sein des panneaux, comme le montre le bon taux de récupération. Mais, au bout du compte, elle ne pénètre pas assez dans la végétation et se dépose trop peu sur les grappes. « Un meilleur choix de buses sur la zone fructifère, une augmentation de la vitesse d'air ou du débit/ha aurait sans doute permis d'obtenir de meilleurs résultats », analyse Alexandre Davy.
Grégoire
Des résultats discutés
L'EcoProtect de Grégoire a suscité la curiosité. Cet appareil pneumatique diffuse le produit entre des caissons souples gonflables. Des rideaux d'air, à l'arrière et en bas de ces panneaux, retiennent la bouillie dans ces caissons. Les embruns qui passent au travers de la végétation sont récupérés par des filets fixés à l'intérieur des caissons. Point intéressant, un curseur, à l'arrière de l'appareil, permet d'adapter la vitesse d'air suivant le stade végétatif.
L'appareil ne permettant pas de passer dans les vignes en arcure haute, les experts l'ont seulement testé dans la vigne palissée. Selon leurs mesures, il a très bien couvert la face supérieure des feuilles. Mais le dépôt sur la face inférieure est assez faible, en particulier au milieu du feuillage. Le dépôt sur grappe, lui, est moyen.
L'EcoProtect génère le moins de pertes au sol (3 %), mais il est aussi l'un des pulvés, avec le Weber, qui récupère le moins de produit (2 %). Plus surprenant, il perd plus d'un quart (29 %) de produit en l'air. « Notre appareil est pourtant l'un des rares à confiner aussi le produit dans la partie supérieure des panneaux [à l'aide de bâches, NDRL], s'étonne Nicolas Sansonnet, de Grégoire. On voit très peu d'embruns s'échapper des panneaux. Nous ne comprenons pas ce résultat. » « L'EcoProtect pulvérise des gouttes fines, sensibles à la dispersion », souligne Alexandre Davy, en guise d'explication. Il est aussi très énergivore (40 ch de puissance absorbée) et très bruyant (85 décibels, à 10 m).
Weber
Protecteur mais pas récupérateur
Coup de coeur du jury en 2013, le pulvérisateur à flux tangentiel UEZ de Weber est venu, cette année, équipé d'un kit de panneaux récupérateurs démontables. Ces derniers, fixés derrière les descentes, peuvent s'écarter ou se refermer manuellement, comme un portefeuille, en fonction de l'épaisseur du matelas végétal. L'opérateur peut aussi ôter les panneaux, notamment en pleine végétation. À ce stade, il y a même intérêt car les panneaux ne récupèrent plus de produit (0 % mesuré lors du test).
Ce piètre résultat n'enlève rien aux qualités - déjà soulignées lors de la précédente édition - du pulvé Weber. Avec lui, la bouillie se répartit de manière très homogène du haut en bas de la végétation. Elle pénètre bien à l'intérieur du feuillage et couvre aussi bien les faces supérieures qu'intérieures des feuilles. De plus, l'UEZ se classe premier pour la quantité de produit appliquée sur la zone des grappes. Deux bémols : les panneaux enveloppant mal la végétation et les buses produisant de fines gouttes, l'appareil a laissé s'échapper 18 % de la bouillie dans l'air. L'envergure de la rampe déployée (6,10 m), par ailleurs, est plutôt encombrante.
Carrarospray
Gourmand, a priori
Carrarospray a laissé les visiteurs sur leur faim. Son DeltaJet 800 étant tombé en panne lors des tests en juillet, ils n'ont pas pu savoir comment il se comportait en pleine végétation. Dommage car cet appareil pneumatique, commercialisé en France par Terreco, ne manque ni d'originalité ni d'atouts. D'abord, la cellule de pulvérisation est portée sur le bras du relevage du tracteur, ce qui rend l'appareil maniable. Ensuite, une main, fixée sur la rampe entre les panneaux, permet d'optimiser la pénétration du produit dans la partie supérieure du feuillage. Enfin, la rampe peut bénéficier d'une correction de dévers en option. Le DeltaJet, cependant, n'est pas sans inconvénient. Dans sa configuration italienne, il est flanqué d'un long timon, fixé sur la chape du tracteur, qui passe sous la cellule de pulvérisation. Un montage peu convaincant. La jauge, installée derrière la cuve, est, elle, illisible. Enfin, l'appareil s'est aussi révélé gourmand (11,6 l/h) et bruyant (83 décibels) lors des tests statiques.